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Homélie de Mgr Legrez pour la solennité de l’Immaculée Conception

Frères et sœurs,

Je ne sais pas si vous avez ressenti la même chose que moi, mais quelle différence d’ambiance entre ce premier texte tiré du livre de la Genèse, qui nous rappelle le dialogue mystérieux entre Adam, notre père, et le Créateur, et l’atmosphère de l’Annonciation. D’un côté nous voyons la peur, la crainte ; chez Marie il y a aussi de la crainte, mais c’est une crainte révérencielle, une crainte qui exprime le respect, l’amour. Dans l’autre cas, c’est une peur angoissée lorsque se font entendre les pas du Seigneur qui vient rencontrer cette humanité qu’il a créée pour qu’elle vive avec lui dans son amour. Pourquoi avoir peur ? Puis vient l’accusation. Pour nous, les hommes, ce n’est pas très glorieux. Le manque de courtoisie a commencé très tôt. Adam accuse sa femme, celle que Dieu lui a donnée en tenant compte de ses désirs pour qu’elle soit sa compagne, voilà qu’il l’accuse ! De qui fait-il le jeu ? L’accusateur dans la Bible est le démon. Au contraire, dans le texte de l’Annonciation, nous voyons Marie qui fait confiance à l’envoyé de Dieu et qui, finalement, va se présenter comme la servante de Dieu. Elle ne cherche pas à dominer ni à essayer de tromper le Créateur. Non, elle est la servante du Seigneur et elle demande à Dieu que tout advienne selon la parole de l’ange, selon la parole de Dieu. D’un côté, des créatures qui, finalement, refusent le projet de Dieu, et d’un autre, Marie qui accepte le dessein bienveillant du Père à l’égard de chacune de ses créatures.

La Création, la faute originelle, l’Annonciation, la Rrésurrection. Fresque de Nicolaï Greschny à Saint-Benoît de Carmaux

Nous avons entendu, dans le passage de l’épître aux Éphésiens, que Dieu a béni et comblé tous les hommes des bénédictions de l’Esprit, au Ciel et sur la terre ; c’était bien son projet. Avec Marie, enfin, apparaît la créature réussie de Dieu. Elle correspond parfaitement à ce que le Créateur a souhaité pour tous les humains. Dieu, par amour, a créé l’homme et la femme pour qu’ils vivent dans son amour. Nos premiers parents, mystérieusement, ont pensé pouvoir se débrouiller tout seuls, être indépendants de Dieu. Alors que Marie se présente comme la servante, elle veut dépendre de Dieu. Accueillant l’amour du Seigneur, il va en faire sa demeure. La demeure du fils premier né, lorsque le temps sera venu pour qu’il vienne sauver l’humanité, afin de lui rendre la capacité de vivre dans la présence de Dieu. Comme je le disais au début de cette célébration, le mystère de l’Immaculée Conception de Marie nous dépasse. Vous avez entendu dans la première oraison, que Marie est préservée du péché en raison d’une grâce venant d’ores et déjà de la mort de son fils. Pardonnez-moi, mais notre intelligence se fait des nœuds. Nous scrutons ce mystère, mais nous sommes absolument dépassés. L’enfant n’est pas né, mais déjà le Père accepte que, de manière tout à fait extraordinaire, la grâce de la Rédemption touche Marie. Dès l’instant où Marie est conçue par ses parents de façon toute naturelle, la faute originelle ne lui est pas transmise, afin qu’elle devienne la demeure du Fils de Dieu et qu’elle mette au monde le Sauveur.

Dès les origines de l’Église, ce mystère de l’immaculée Conception a été cru, bien que le dogme, n’ait été proclamé qu’en 1854. Déjà depuis le IIIe siècle, certains Pères de l’Église appelaient Marie la nouvelle Ève, cette Ève qui a accueilli le projet de Dieu sur elle. Bernanos dira d’elle : « Marie est plus jeune que le péché ». En effet, elle réalise la création que Dieu voulait. En elle, aucun obstacle à la volonté du Père. Elle va accueillir sa volonté, comme le mystérieux dialogue de l’Annonciation le révèle. Elle pose des questions, elle est habitée d’un immense respect vis-à-vis de ce visiteur, qu’elle perçoit sans nul doute comme venant de Dieu. Elle accepte d’entendre qu’elle est « pleine de grâce ». C’est extraordinaire. Elle est pleine de grâce puisqu’elle accueille le projet d’amour de Dieu sur la Création et en particulier sur elle-même. Elle est cette créature réussie telle que Dieu nous voulait tous. C’est grâce à la Passion du Christ, de son fils, que nous-mêmes, par la puissance de l’Esprit reçu au jour de notre baptême et de notre confirmation, par une grâce extensible à notre vie entière, que nous pouvons à nouveau entrer dans ce projet d’amour du Père à l’égard de chacun de ses enfants.

Encore une fois, même si nous sommes dépassés, nous pouvons nous réjouir, nous émerveiller de cette intelligence divine extraordinaire. Pour répandre sa miséricorde, Dieu a en quelque sorte « inventé » l’Immaculée Conception. Avec beaucoup de chrétiens à travers le monde, aujourd’hui très nombreux à Lourdes, rendons grâce pour l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie. Demandons-lui qu’elle obtienne pour notre monde, plus particulièrement pour l’Ukraine et la Russie, ainsi que pour de nombreux pays d’Afrique touchés par la guerre ou par la faim, qu’elle obtienne pour l’Église à travers le monde toutes les purifications dont elle a besoin pour que chacun de ses enfants soit véritablement un réceptacle de la grâce divine. Prions encore pour nous-mêmes pour nos familles, nos communautés, pour que les épreuves, y compris celles de l’Église, ne nous déroutent pas, mais que, comme Marie, nous gardions le cap de la foi. Ce ne sont pas toutes les histoires humaines, qui devraient nous troubler… La seule chose qui devrait nous troubler, est de ne pas être à l’écoute du Seigneur, à l’écoute de sa Parole, de ne pas arriver certains jours à véritablement lui faire confiance. Que Marie, notre Mère, nous obtienne de faire confiance à Dieu plus que jamais !

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

En la cathédrale Sainte-Cécile, Albi, le jeudi 8 décembre 2022

1ère lecture : Gn 3, 9-15.20
Psaume : 97, 1, 2-3ab, 3cd-4
2ème lecture : Ep 1, 3-6.11-12
Évangile : Lc 1, 26-38

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