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Homélie de l’envoi en mission de trois Sœurs Bleues, pour une fondation dans le diocèse de Lyon

Frères et sœurs,

Nous venons d’entendre les conseils du Seigneur Jésus lui-même aux disciples qu’il a envoyés pour une première mission deux par deux. Il leur donne des conseils mais aussi un avertissement. La moisson est abondante, en effet tous les hommes sont appelés au salut. Tous les hommes de tous les temps sont appelés à entrer dans le Royaume. C’est le désir de Dieu, Jésus est venu pour nous l’annoncer. Mais, si la moisson est abondante, si le désir de Dieu est que tous soient appelés à entrer dans le Royaume, les ouvriers sont peu nombreux. Ce n’est pas nouveau ! Jésus le disait déjà. Parfois on se plaint du manque de missionnaires, du manque de prêtres, cette situation remonte au début de l’Église. Pourtant, le Seigneur appelle et envoie. Vous avez été appelées, vous, les trois Sœurs qui arrivez en France, vous avez été appelées par la médiation de l’Église, celle de votre congrégation, de votre Provinciale. Vous avez été appelées à devenir missionnaires chez nous, en France. Ce que nous croyons, et j’imagine que vous le croyez aussi, c’est que cet appel n’est pas celui de la Mère Provinciale uniquement, il est passé par sa médiation, mais c’est un appel de l’Esprit Saint, comme la première lecture nous l’a rappelé (1 Cor 12, 3b-7, 12-13).

Les trois Sœurs fondatrices, à la fin de la messe

C’est l’Esprit Saint qui suscite à toutes les époques de la vie de l’Église, qui fait se lever des hommes et des femmes pour devenir, justement, des missionnaires, des annonciateurs de ce Royaume que Jésus est venu inaugurer. Nous sommes prévenus. Ce qui est étonnant dans la vie de l’Église, c’est quand tout va bien. Nous sommes les disciples du Fils de Dieu qui a voulu partager tout de la condition humaine et finalement le pire par sa Passion et sa mort sur la croix. Il nous dit : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24). Cela est vrai pour tout baptisé. Pour des missionnaires, Jésus ajoute cette parole : « Allez, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » (Lc 10, 3). Je ne sais pas s’il y a des loups en Afrique, mais figurez-vous que nous les introduisons à nouveau chez nous et ils mangent les troupeaux. Chez nous, les loups, c’est le paganisme, le néopaganisme qui nous envahit à nouveau. Vous êtes donc prévenues. D’une part, suivre le Christ n’est pas un chemin toujours facile. Tout baptisé a un combat spirituel à mener, jour après jour. Les missionnaires savent qu’ils sont comme des agneaux au milieu des loups. Les agneaux sont parfois plus malins que les loups, ils savent se cacher, se mettre à l’abri, mais le danger est là. Pour des missionnaires, le danger le plus grave serait de perdre leur saveur.

Vous venez pour annoncer le Royaume. Vous n’êtes pas deux, vous êtes trois ; ce trio est appelé en premier lieu à vivre une vie vraiment évangélique, de telle sorte qu’en vous voyant vivre, avant même que vous ayez ouvert la bouche pour annoncer le message évangélique, on s’interroge. Que l’on puisse se dire : « Voyez comme elles s’aiment », comme on le disait des membres de la première Église de Jérusalem, des premiers chrétiens. J’appartiens à un Ordre où nous parlons beaucoup, mais saint Dominique disait que l’on prêche deux fois plus par l’exemple que par la parole. Votre vie communautaire doit être ce signe parlant, signifiant que le Royaume est déjà là pour vous et que vous en vivez. Jésus après avoir expliqué aux disciples les difficultés qu’ils auraient, leur donne des conseils. J’espère que vous n’arrivez pas avec des malles pesantes. « N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales ». J’ai vu que vous aviez au moins un pagne, c’est magnifique, j’espère que vous en avez un de rechange aussi ! Je crois qu’il faut prendre très au sérieux ces recommandations du Seigneur. Il faut aller dans la confiance, sans s’appuyer sur les biens matériels, l’argent, le sac – pour une femme, il paraît qu’un sac est très important – et même des sandales. Juste ce qu’il faut. « Ne vous attardez pas en salutations sur la route », alors cela n’est peut-être pas du tout Africain ; ici nous sommes trop froids mais on aime bien qu’on s’intéresse à nous quand même… On voit ce que le Seigneur veut dire : il faut aller à l’essentiel. Quand on est missionnaire, non seulement il ne faut pas être encombré par un tas de choses, mais il faut aller à l’essentiel, annoncer Jésus.

« Dans toute maison où vous entrerez dites : paix à cette maison ». Vous serez appréciés si vous apportez la paix. En Israël, c’est magnifique, pour se dire bonjour on se dit « Shalom » et on répond de la même manière. Nous n’avons pas les mêmes habitudes. Nous disons « bonjour Monsieur, bonjour Madame », mais on peut dire aussi : « bonjour, que la paix du Seigneur soit avec vous ». On vient pour annoncer la paix. Vous aurez du succès si vous avez l’audace de dire cela dans un monde aujourd’hui qui, bien souvent, ne sait plus qui est le Seigneur. « Et si c’est un ami de la paix – dit le Seigneur – la paix ira reposer sur lui ». La paix est un don de Dieu, c’est le don de Dieu par excellence.

« Et si vous êtes accueillis, restez », leur dit Jésus. Vous êtes accueillies ici, mes Sœurs, alors je vous en supplie, prenez le temps de rester à Villefranche dans le diocèse de Lyon. Ne repartez pas le lendemain ! Véritablement, prenez racines pour annoncer le Royaume et vous mériterez le salaire. Le salaire pour des consacrées c’est le retour de la joie que l’on apporte, quand on rend les autres joyeux, heureux de découvrir le message de Jésus. C’est le plus beau des salaires. Prenez le temps d’écouter, prenez le temps de vivre de manière rayonnante, sans vouloir aller partout à la fois. « Ne passez pas de maison en maison, mais là où vous serez accueillis, demeurez. Mangez ce qu’on vous offrira ». Prenez le temps.

« Guérissez les malades » : il faut entendre cela et il faut le pratiquer. Priez auprès des malades, priez avec eux. Priez avec les personnes âgées qui passent par une période difficile avant d’entrer dans la vie éternelle pour toujours. Samedi prochain, 23 octobre 2021, à la cathédrale d’Albi, nous allons accueillir tous ceux qui veulent pour prier pour eux. Je pense que dans une maison religieuse, dans un centre spirituel, de temps en temps, prendre le temps de prier avec des personnes souffrantes, c’est ce que le Seigneur nous demande. Car il est vraiment celui qui apporte le salut, il est celui qui vient guérir l’humanité du mal qui est le plus profond et qui n’est pas le mal physique, mais le péché. Il faut oser prier les uns pour les autres.

« Et dites aux habitants que le règne de Dieu est là ». Si vous faites tout ce que Jésus vous dit, le règne de Dieu sera déjà là. En vivant ces conseils de Jésus, vous êtes certaines de ne pas vous tromper. Certes vous ferez peut-être un peu tache, les gens seront peut-être un peu étonnés, mais cela permettra que le Royaume soit annoncé. Aujourd’hui, à mon humble avis, ce dont la France a le plus besoin, c’est qu’on lui fasse connaître simplement l’Évangile, qu’elle ne connaît plus. Comme sainte Bernadette le disait, particulièrement aux évêques qui allaient à Nevers pour se faire raconter ce qui s’était passé à Lourdes et pour la énième fois la pauvre Bernadette racontait son histoire, elle tombait parfois sur des évêques qui avaient l’air de douter, elle leur disait : « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire mais je suis chargée de vous le dire ». Aujourd’hui, nous avons besoin que l’Évangile soit dit, ensuite, l’Esprit Saint fait le reste. C’est lui qui donne la foi, ce n’est pas nous ! La mission de tout baptisé, spécialement de tous les missionnaires, c’est d’oser exprimer par la parole et par l’exemple le message évangélique.

Alors merci de venir à nous pour nous faire partager votre foi, pour nous aider à annoncer l’évangile dans cette terre de France qui passe par bien des épreuves actuellement, mais qui, comme vous l’avez dit si joliment tout à l’heure et j’en ai été très touché, vous a évangélisées. Vous disiez votre dette de reconnaissance. Mais vous n’avez aucune dette. Je crois vraiment que cette venue, votre venue, est un très beau signe, un signe courageux de votre part de venir nous rejoindre dans une période difficile de la vie de notre Église, en faisant l’apprentissage de mentalités très différentes. Nous ne sommes pas Sénégalais et vous allez avoir à découvrir – même si vous avez fait votre noviciat par ici – toute une culture qui est différente de la vôtre. Cela peut être très enrichissant, mais aussi très déroutant à certaines heures. Ne vous étonnez pas des difficultés, persévérez et aidez-nous à faire connaître Jésus qui est le trésor de nos vies.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

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