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Homélie du 17 octobre : ouverture de la démarche synodale

Dimanche 17 octobre, Mgr Jean Legrez a ouvert la phase diocésaine du synode, invitant chaque baptisé à entendre ce que l’Esprit Saint dit aux Églises aujourd’hui.

Frères et sœurs,

La liturgie de ce dimanche nous offre en première lecture quelques versets du livre d’Isaïe. Nous avons entendu un très court passage du chant du serviteur souffrant : « Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes » (Is 53, 11). Toute la tradition chrétienne a perçu dans cette figure du serviteur souffrant, le Christ lui-même, le Messie, finalement, sous les traits du serviteur souffrant. Il a fallu du temps pour saisir ce mystère. Vous avez entendu, les apôtres, et pas des moindres, de manière très mondaine, veulent être à la première place dans le Royaume. À l’époque de Jésus, beaucoup attendaient du Messie autre chose qu’une mort sur la croix, le supplice des esclaves. Dans l’extrait de l’épître aux Hébreux que nous avons entendu, nous apprenons que le Seigneur, le Fils de Dieu, est « un grand prêtre éprouvé en toute chose, lui qui nous ressemble en tout, sauf le péché ». Donc, le Messie est un serviteur souffrant, mais il est en même temps le grand prêtre, le prêtre par excellence, celui qui, par sa vie donnée et par son sacrifice lors de sa Passion, apporte à l’humanité toute entière le pardon des péchés, le salut, la possibilité d’entrer dans le Royaume, à condition de le suivre, d’accepter d’être, à sa suite comme lui, des serviteurs ; des serviteurs qui, par le don de l’Esprit Saint au jour de leur baptême, sont devenus prêtres, prophètes et rois, c’est-à-dire ont à offrir comme lui leur vie. En effet, ce n’est pas l’apanage des évêques, des prêtres et des carmélites d’offrir sa vie. Tout baptisé, à la suite du Christ, est appelé de faire de sa vie une offrande au Père. Tout baptisé est prophète ; par sa manière d’être autant que par sa parole, il annonce le Royaume. Il est roi parce qu’il est serviteur de ses frères ; la royauté n’est pas d’abord une affaire de préséance, mais de service.

Voilà ce qui est demandé à tout baptisé.

Il me semble que dans l’évangile où nous voyons les disciples Jacques et Jean, qui veulent être bien placés dans le Royaume et si possible à la droite et à la gauche du Seigneur, nous apprenons que ce n’est pas Jésus qui va en décider. Quelle modestie ! Telle est l’humilité et l’obéissance du Fils de Dieu à son Père. Non seulement Jésus ne veut pas s’occuper d’affaire de préséance, il ne veut pas se mêler de cette affaire qui dépend du Père, mais il prévient les disciples : si vous voulez de telles places, êtes-vous prêts à boire la coupe que je vais boire, c’est-à-dire à passer par la donation totale de votre être au Père ? « La coupe que je vais boire, vous la boirez ». En effet, ils passeront eux aussi par le martyr. Ils seront plongés dans la mort, mais ils participeront bien sûr, en raison de leur foi et du don de l’Esprit, à la résurrection du Seigneur. « Mais quant à siéger à ma droite et à ma gauche », en quelque sorte, « ce n’est pas mon affaire, cela appartient au Père ». Jésus poursuit : « Qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Voilà ce qui est demandé à tout baptisé.

Emprunter un chemin synodal, c’est marcher ensemble sur un chemin de conversion.

Je pense que le chemin synodal dans lequel nous allons progressivement entrer dans les mois qui viennent, devrait nous y aider, d’autant plus que nous tous, en France, sous le choc de ce qui vient d’être révélé par le rapport Sauvé, nous sommes honteux, humiliés, malheureux. Il ne s’agit pas, frères et sœurs, d’en rester là. Il s’agit d’accepter une vérité qui nous effraie pour changer de vie, et ensemble justement. Emprunter un chemin synodal, c’est marcher ensemble sur un chemin de conversion. Or, le Pape François, dans l’entretien que les évêques des Provinces de Marseille, de Montpellier et de Toulouse ont eu avec lui lors de la récente visite ad limina, nous a parlé très longuement de ce chemin de synodalité sur lequel il veut « embarquer » toute l’Église. Il a beaucoup insisté sur le fait que l’acteur principal du synode sur la synodalité, comme de tout synode, est l’Esprit Saint, si peu connu malheureusement de beaucoup d’entre nous. Et pourtant, il vit dans notre cœur depuis notre baptême. Il est ce compagnon permanent avec lequel nous pouvons collaborer. Le Pape désire, qu’à l’écoute de l’Esprit Saint, tous les fidèles puissent s’écouter mutuellement et entendre ce que l’Esprit dit aux Églises aujourd’hui. Pour cela il y a trois mots qui revenaient dans la bouche du Pape et que l’on retrouve dans tous les documents qui sont en train de paraître. Dans les semaines qui viennent que nous allons vous transmettre la manière pratique dont va se dérouler ce synode. Le Pape a beaucoup insisté sur trois mots : communion, participation et mission.

Communion, participation et mission

Communion d’abord avec l’Esprit Saint, être à l’écoute de l’Esprit Saint pour être capables de nous reconnaître comme des frères. Je crois qu’aujourd’hui, dans toutes nos communautés, dans tous nos mouvements, nous avons grand besoin de développer une vraie fraternité. Il faut voir à quel point – pardonnez-moi, je ne veux choquer personne – à quel point nous vivons de façon très individualiste dans nos communautés, nous sommes souvent des inconnus les uns pour les autres. C’est tout juste si nous nous saluons. Si nous nous croisons dans la rue, nous nous ignorons. Croyez-vous que c’est cela la fraternité ? Je pense que nous avons des efforts énormes à faire dans ce domaine pour être tout simplement crédibles dans la société actuelle, telle qu’elle est. C’est joli de parler de fraternité, mais si nous ne la vivons pas nous ne convaincrons personne que nous sommes tous enfants d’un même Père. Ce chemin synodal à l’écoute de l’Esprit Saint devrait nous aider à nous écouter mutuellement, à nous reconnaître véritablement comme frères.

En commençant par écouter, le Pape a insisté sur ce point de différentes manières. Écouter le pauvre, écouter ceux que l’on n’entend jamais dans nos communautés, nous mettre à l’écoute de tous, aider à parler ceux qui ont du mal à le faire, pour qu’on les écoute, qu’on écoute l’Esprit Saint parler en eux, de telle sorte que nous empruntions un chemin fraternel en vue de permettre à tous de participer à la vie de l’Église. Deuxième mot : participation. Véritablement, tout baptisé est appelé à participer à la vie de l’Église, en donnant son avis et en s’engageant sur un chemin de conversion, de collaboration avec tous les membres de nos communautés en vue de la mission.

Nous ouvrons ce synode, au niveau diocésain, le jour où s’ouvre la semaine missionnaire, cela tombe bien parce que la mission est urgente. Quelques-uns d’entre vous ont pu participer au « Congrès Mission » il y a quinze jours à Toulouse, nous étions plus de deux mille. Il était possible, en participant aux différentes propositions, de voir à quel point aujourd’hui est en train de naître un esprit missionnaire. Une prise de conscience, que, comme une étude statistique récente viennent de le publier, il y a 51% des français qui ne croient absolument pas à l’existence de Dieu. Pour eux, il n’y a pas de Dieu. Cela est le résultat de trois siècles de rationalisme, il ne faut pas s’étonner… Il y a quand même, je vous le signale, 49% de croyants. Ces 49%, ont pour mission de faire connaître le Seigneur à nos contemporains qui ne le connaissent plus. Certains, sans aucune mauvaise volonté, n’en ont jamais entendu parler. Aujourd’hui, permettez-moi de vous dire qu’une de mes angoisses est de voir qu’il n’y a pas 10% des enfants catéchisés chez nous. Nous ne touchons presque plus les jeunes, donc il y a urgence. Ce chemin synodal devrait nous réveiller. Réveiller chacune de nos communautés, réveiller l’Église en France, en Europe et au-delà, bien sûr.

Je voudrais vous inviter à être très attentifs dans les semaines qui viennent aux propositions qui vous seront faites pour répondre aux questions qui nous seront posées, dans un premier temps au niveau diocésain. Jusqu’à la fin février nous serons appelés à répondre au questionnaire de telle sorte que, début mars, une synthèse diocésaine puisse être réalisée. Ce sera la fin de la première phase de ce synode. Puis il y aura une seconde phase continentale : ce sera à chaque continent de répondre ; une synthèse sera faite qui sera aussi envoyée à Rome pour qu’en 2023 le synode des évêques se réunisse à Rome. « Alimenté » par le résultat de tous les questionnaires son rôle sera de définir une méthode pour que les prochains synodes puissent l’adopter et apprendre ainsi à tenir compte de l’écoute de tous. Jusqu’à présent ce n’était pas toujours le cas, il faut le reconnaître, puisque les synodes étaient alors composés majoritairement d’évêques, qui arrivaient, bien sûr, avec la connaissance de leurs diocèses et au-delà, mais le peuple de Dieu était peu consulté. J’insiste, je pense que dans le contexte de l’Église de France que nous vivons actuellement, ce synode peut nous aider à des conversions pour accepter de changer notre manière de gérer l’Église, au sens noble, de trouver des moyens de diriger nos communautés de manière plus collégiale, moins cléricale. Permettez-moi de vous dire que le cléricalisme existe autant chez les laïcs que dans le clergé. Il faut que des conversions soient opérées par tous. Tous ensemble nous devons nous saisir de l’animation de nos communautés pour qu’elles soient véritablement des communautés qui proclament le message évangélique, qui l’annoncent et qui l’annoncent bien au-delà du cercle des croyants, en allant, comme le Pape nous y invite si souvent, aux périphéries. Aller aux périphéries – le Pape insiste beaucoup et j’y reviens encore – c’est donner une place aux pauvres, qui nous évangéliseront, si nous nous mettons à leur écoute. Ils nous aideront considérablement à changer pour que le message évangélique passe davantage dans notre société.

Soyez à l’écoute de ce qui vous sera proposé dans les semaines qui viennent et portez dans la prière cet évènement que le Pape François propose à l’Église universelle. Prions aussi pour notre Église de France et pour les évêques qui bientôt se réuniront à Lourdes pour trouver une meilleure manière d’être proches d’abord des victimes et de trouver les moyens de faire de l’Église de France une maison sûre.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

1ère lecture : Is 53, 10-11
Psaume : 32
2ème lecture : He 4, 14-16
Évangile : Mc 10, 42-45