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Archives de l’Abbé Henri Suc, curé et radiesthésiste

Au cours de l’été 2020 les Archives diocésaines d’Albi ont reçu en legs les papiers personnels de l’abbé Dominique-Henri-Alexandre Suc. Né à Villefranche d’Albigeois le 12 juillet 1868, Henri Suc est ordonné prêtre le 29 juin 1892 et nommé vicaire à Brens le même jour. Le 22 février 1893 il est nommé vicaire à Lisle-sur-Tarn avant de se voir confier la cure de Nègremont le 29 décembre 1899. Il est enfin nommé curé de Villeneuve-sur-Vère le 15 décembre 1906. Il y demeure quarante ans durant. Démissionnaire pour raisons de santé en septembre 1946, il décède le 10 mai 1947 dans la paroisse où il a exercé le plus longtemps son ministère sacerdotal. À Villeneuve, l’abbé Suc noue de profondes amitiés. Il se fait surtout connaître pour le maniement de la baguette et du pendule dont il tire un ouvrage à fort succès éditorial.

L’abbé Henri Suc donnant une leçon de radiesthésie à Villeneuve-sur-Vère

En 1934 il publie aux presses de l’imprimerie des apprentis orphelins de Saint-Jean d’Albi À la recherche de la vérité naturelle par la baguette et le pendule, opuscule de près de 200 pages consacré à la radiesthésie. Il y développe longuement les techniques propres à la détection souterraine des métaux, des sources d’eau et même des truffes. L’abbé s’aventure également sur d’autres terrains tout à fait singuliers : le diagnostic des maladies humaines, la médecine vétérinaire, l’orientation du lit pour un meilleur sommeil, la chasse à la baguette ou encore la façon de retrouver son chemin dans le brouillard à l’aide du pendule. L’ouvrage est distribué à Albi par la librairie Ginestet, à Toulouse par Privat, à Bordeaux par Mollat ou encore à Paris par Flammarion. Il se vend également à l’étranger en Belgique, au Maroc, en Algérie, en Grèce ou au Congo. L’opuscule fait l’objet de plusieurs recensions en France : L’Auvergne républicaine, Le Petit Ardennais, L’Apiculture française, La revue des agriculteurs de France ou encore Marianne accordent quelques lignes à l’ouvrage du prêtre radiesthésiste tarnais. À l’international l’ouvrage est encore signalé par la Revue internationale de criminalistique, en Suisse par La Tribune de Genève, en Italie par la revue Archivio generale di neurologia, psichiatria e psicoanalisi. Les travaux de l’abbé Suc sont également mentionnés en Amérique du nord par le National Union Catalog.

Première édition de l’ouvrage de l’abbé Suc sur la radiesthésie

Dans sa recension La Petite Gironde publie en août 1934 ces quelques lignes évocatrices : « Non loin de la route d’un itinéraire touristique classique, à peu près à mi-chemin entre Cordes et Albi, Villeneuve-sur-Vère dresse la haute flèche de son église et rassemble autour d’une place ombreuse la quiétude de ses maisons languedociennes et l’harmonie des vieilles demeures Renaissance. Dans ce village pittoresque, dans la sérénité reposante du laboratoire de la nature, un modeste curé de campagne poursuit infatigablement de méthodiques et curieuses expériences. L’abbé Henri Suc, déjà bien connu du monde savant, vient de se signaler à l’attention du public, en publiant un remarquable ouvrage sur la radiesthésie. » Dans un registre qu’il tient l’abbé Suc note soigneusement les acquéreurs du volume qui bénéficie du reste de deux rééditions. Du photographe Groc en passant par le sculpteur sur bois Vergnes jusqu’au comte Henri de Solages l’opuscule sur la radiesthésie suscite la curiosité du microcosme tarnais. Plus généralement les travaux de l’abbé semblent trouver un certain écho auprès de toutes les catégories socio-professionnelles. Dans le seul département du Tarn son opuscule est acheté par des guérisseurs, médecins, vétérinaires, cordonniers, épiciers, facteurs, instituteurs, agriculteurs, architectes, conseillers d’arrondissement, industriels et ingénieurs. L’abbé Suc envoie également l’ouvrage à des membres de sa famille ainsi qu’aux Archives départementales du Tarn.

Manuscrit original de l’abbé sur la baguette et le pendule

S’il est bien accueilli dans la société civile, l’ouvrage est semble-t-il peu lu par les membres de l’Église diocésaine. Le poète et curé de Fauch Albert Maurand ou encore l’abbé Jean-Baptiste Suc prêtre à Labastide-Dénat dit « curé des Espagnols » sont parmi les quelques ministres lecteurs signalés par l’abbé Suc dans son registre. À Mazamet encore les religieuses de Sainte-Claire notent dans leurs annales l’entrée de l’opuscule au sein de la clôture sans toutefois le nommer explicitement. Il faut dire que les travaux de l’abbé Suc sont manifestement pour partie désavoués dans le diocèse par l’archevêque d’Albi, Pierre-Célestin Cézérac. Aucune promotion de l’ouvrage n’est effectuée dans la Semaine religieuse d’Albi, organe de publication de l’archevêché. Un an après la sortie du livre dans les librairies et devant le succès rencontré, Mgr Cézérac y publie même un avertissement clair à l’encontre des prêtres radiesthésistes. Au mois d’octobre 1935, la Semaine religieuse republie ainsi dans la partie consacrée aux communications officielles de l’archevêché un article issu de La vie diocésaine de Soissons dans lequel l’évêque du lieu défend aux prêtres radiesthésistes de poursuivre leurs investigations dans le domaine de la médecine humaine. Il y souligne le danger pour les prêtres de compromettre leur caractère sacerdotal en se risquant à des diagnostics hasardeux et des conclusions erronées. La Semaine religieuse d’Albi souligne que Mgr Cézérac « fait sienne cette défense » et qu’il convoque pour cela l’article 152 des statuts synodaux albigeois qui défendent à tous les clercs qui sont dans les ordres sacrés l’exercice de la médecine. Ce qui provoque l’inquiétude de l’autorité épiscopale ce sont précisément les investigations des radiesthésistes dans le domaine médical, jugées dangereuses puisque ne reposant pas sur des données quantifiables. De son côté l’abbé Suc assure localiser avec le pendule les parties du corps atteintes par la maladie mais renvoyer toutefois le patient vers les traitements de la médecine conventionnelle. Dans le fonds de l’abbé Henri Suc figure par ailleurs un dernier manuscrit intitulé « Penseur et paysan » dactylographié ensuite par ce dernier sur près de 400 pages en vue d’une publication qui n’est pour autant jamais advenue. L’introduction débute par ces quelques mots : « Je ne suis pas seul à observer la vie et tout homme a pensé avant moi. Toutefois j’avais la naïveté de croire neuves mes pensées et nouvelles mes observations quand je les écrivis. » Le manuscrit, placé sous le signe d’une forme d’empirisme paysan que l’abbé semble revendiquer, est une compilation de pensées et réflexions personnelles sur la foi, la morale et la nature humaine. Curieusement l’abbé s’y présente parfois comme ancien garde forestier, sans formation théologique. De manière plus marginale il introduit parfois le récit d’observations naturalistes faites notamment au cours d’une cueillette de chanterelles à Rabastens en 1893. Il relate également sa rencontre avec un vieil oiseleur du causse gaillacois nommé Louisou : « Un grand chapeau de paille tout gris, tout cabossé, frangé d’usure, couvrait sa tête aux longs cheveux épars et blancs. Sur ses larges épaules pendait, plutôt qu’elle n’était mise, une veste en lambeaux. À ses longues jambes était collé un pantalon, fait de pièces de diverses couleurs très voyantes. Il tenait à la main un long bâton au bout duquel flottaient des chiffons rouges et blancs. Quel revenant, m’écriais-je, un épouvantail s’il en fut jamais ».

Manuscrit et dactylogramme de « Penseur et paysan »

On signalera enfin dans le fonds de l’abbé Henri Suc une lettre du 4 novembre 1944 à Gaston Bocquet dans laquelle il évoque les FFI morts au cours de combats à Bernac ou à Castanet et « la vie, ses exigences, ses peines avant l’heure ». Le fonds de l’abbé Henri Suc est désormais archivé sous la cote 4 Z 53. Nous en profitons pour remercier M. Jean-Pierre Bocquet qui ayant hérité de ces diverses pièces a finalement fait le choix de les léguer aux Archives diocésaines d’Albi afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. Les archives vous remercient de leur permettre de recouvrer davantage encore un peu la mémoire. Aujourd’hui l’abbé Henri Suc figure encore sur la fresque peinte dans le chœur de l’église Notre-Dame de Lagardelle (Villeneuve-sur-Vère) par Nicolaï Greschny.

À gauche sur le cliché l’abbé Henri Suc, curé de Saint-Sauveur de Villeneuve-sur-Vère

Les pensées viennent à l’esprit dans un beau désordre comme les fleurs dans les champs et les étoiles au firmament, et comme elles aussi varient de forme, de couleur et de valeur.

Abbé Henri Suc, Penseur et paysan