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« J’étais en prison et vous êtes venus auprès de moi » : le Christ de Gérard Defresnes

Le camp de Saint-Sulpice-la-Pointe

À Saint Sulpice la Pointe (Tarn), au lieu-dit Les Pescayres, se trouve en 1939 un camp initialement dévolu aux réfugiés belges fuyant les assauts du IIIe Reich. En octobre 1940 Marcel Peyrouton, ministre de l’Intérieur pour le gouvernement de Vichy, décide d’en faire un camp « d’indésirables ». Le télégramme du 16 octobre 1940 relatif à la création du camp ordonne dès lors l’aménagement de « réseaux de barbelés clôturant hermétiquement le camp ». Dans des baraquements en bois ouverts aux vents y sont enfermés des opposants politiques communistes, des syndicalistes, des chrétiens allemands déchus de leur nationalité et « des suspects au point de vue national ». Le 29 janvier 1941, un premier contingent de 255 communistes parvient au camp et au mois de février ce sont déjà 1047 internés qui gonflent les baraquements. À partir de 1942 Soviétiques et Juifs étrangers y sont internés. De 1940 à 1944, 4600 individus sont emprisonnés au camp de Saint Sulpice la Pointe. Il est le lieu de rassemblement « avant le départ » de 226 Juifs raflés dans le Tarn. Près de 20 % de la totalité des détenus sont déportés vers les camps nazis.

Jean-Joseph-Aimé Moussaron

Jean Joseph Aimé Moussaron est archevêque d’Albi depuis 1940. Fervent pétainiste, espérant du maréchal « la libération de la Patrie », séduit par ses discours dénonçant à Saint-Étienne et à Commentry l’égoïsme des capitalistes et le mépris de la condition prolétarienne, Mgr Moussaron assure que « jamais d’une bouche aussi officielle n’était tombé un langage qui fit pareillement écho aux enseignements de l’Église » qu’il compare volontiers à l’encyclique sociale Rerum novarum. L’archevêque d’Albi mobilisant l’universalisme paulinien contre la déportation des opposants politiques et des Juifs appelle toutefois en février 1942 « au respect du droit de nos frères et à la pratique envers eux d’une charité sincère ». Suite à la rafle du Vél d’Hiv il ordonne le 20 septembre 1942 la lecture en chaire dans toutes les paroisses du diocèse d’Albi d’une lettre dans laquelle il affirme que « la religion et l’humanité ne peuvent que protester contre cette violation des droits sacrés de la personne humaine », aspirant à « des jours meilleurs où les hommes, quels que soient leur race et leur pays, sauront se reconnaître et se traiter comme des frères ». Pour son intervention en faveur des populations juives il est reconnu « Juste parmi les nations » par le mémorial de Yad Vashem en 2010.

"Le Christ emprisonné dans un camp". Gérard Defresnes

L’œuvre de Gérard Defresnes

À une date mal connue Mgr Moussaron visite les prisonniers du camp de Saint Sulpice. Après la guerre et à l’occasion de son jubilé sacerdotal en 1951, les détenus politiques du camp assurent ainsi l’archevêque d’Albi « de leurs prières et de l’offrande de leur captivité ad multos annos ». En témoignage de leur gratitude, les anciens détenus lui offrent à cette occasion un livret illustrant la vie au camp comprenant douze planches gravées par Gérard Defresnes tirées à la presse à bras par Henri Kerdraon au camp de prisonniers politiques de Saint-Sulpice la Pointe en mai 1951. Les illustrations sont tantôt réalistes figurant les baraquements du camp – tantôt symboliques telle celle d’un Christ aux barbelés. Mgr Moussaron reçoit l’exemplaire n° 1, lequel est accompagné d’une planche papier originale au brou de noix représentant le Christ emprisonné dans un camp.

Symbolisant la souffrance de l’interné, il porte sa couronne d’épines, et, le regard lointain et mélancolique, tient un barreau de prison de sa main droite. De belles dimensions environ 38 x 28 cm), l’œuvre est signée au crayon gras de Gérard Defresnes et est accompagnée de la dédicace « J’étais en prison et vous m’avez visité, saint Matthieu, 25.36 ». Elle est aujourd’hui conservée aux Archives diocésaines d’Albi dans le fonds Jean Joseph Aimé Moussaron.