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Homélie pour l’ordination de Jean-Pierre Hardouin

Frères et sœurs,

Ce jour est un jour de joie. Tout d’abord parce que nous sommes nombreux dans cette cathédrale en ce dimanche pour célébrer la résurrection du Christ. Le dimanche est un jour de joie pour tous les baptisés du monde et nous sommes en communion avec tous les saints qui, à travers le monde, célèbrent la résurrection du Christ, à la veille du jour où nous allons célébrer la fête de tous les saints, ceux de la terre et aussi ceux du Ciel. Oui vraiment, en ce dimanche où va être célébrée l’ordination diaconale de Jean-Pierre Hardouin, nous sommes spécialement en communion avec les saints du Ciel.

Pendant la litanie des saints, toute l’Église (celle de la terre et celle du ciel !) intercède pour Jean-Pierre, prosterné à terre en signe de disponibilité à l’action de Dieu en lui.

Les lectures de la liturgie nous proposent des textes absolument fondamentaux pour tout juif et pour tout chrétien. Nous avons entendu en première lecture ce passage du Deutéronome : « Écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique ». Tout commence par l’écoute. Il n’y a pas une réponse à un appel sans une écoute. Il n’y a pas de connaissance de Dieu, en particulier du Dieu unique d’Israël, sans cette écoute. La prière de tout juif pieux dès qu’il s’éveille, est ce « Shema », « Écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique ».

Voilà que l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 12, 28b-34) nous place devant cet entretien où un scribe, nous pourrions dire spécialiste des Écritures et même parler d’un exégète, quelqu’un qui, en Israël, passe sa vie à recopier les Écritures Saintes et à les méditer, demande à Jésus quel est le premier commandement. Jésus lui répond tout simplement en citant ce passage essentiel du Deutéronome que nous avons entendu en première lecture (Dt 6, 2-6). Ceci nous montre – si c’était encore nécessaire– qu’il y a une véritable continuité dans la révélation, une continuité entre le judaïsme et le christianisme. Jésus, d’une certaine manière, ne fait que souligner ce qui était déjà révélé, l’amour de Dieu toujours premier et, « ex aequo », l’amour du prochain. À tel point que cet amour du prochain est plus important même que le culte. « C’est l’amour que je veux et non les sacrifices ». C’est ainsi que le prophète Osée exhortait le peuple de Dieu. En effet, un amour pour Dieu qui n’entraînerait aucun amour pour le prochain, comme nous le lisons en saint Jean, nous place dans une attitude absolument mensongère. « Celui qui dit aimer Dieu mais qui n’aime pas son frère est un menteur » (1 Jn 4, 20).

Il y a un moment dans la vie de Jésus, et finalement dans la vie de l’Église, absolument unique, qui est celui de la Cène. Nous voyons Jésus qui va jusqu’au bout de l’amour dans une obéissance complète au Père. Il donne sa vie, il offre sa vie au Père pour le salut de toute l’humanité. Il me semble que là coïncide à la fois l’acte d’amour pour Dieu, pour le Père, son Père et notre Père, et le sacrifice pour l’humanité. Un sacrifice total que Jésus fait de sa vie. C’est probablement le moment le plus extraordinaire où tout l’amour de Jésus pour son Père et pour l’humanité ne fait absolument qu’un ; totalement donné au Père, totalement donné à tous les hommes qu’il sauve.

Cet amour de Jésus pour l’humanité fait que, comme l’épître aux Hébreux le remarque dans le passage que nous avons entendu (He 7, 23-28), on peut qualifier Jésus de Grand Prêtre et de manière absolument unique. Les grands prêtres jusque-là se succédaient, tout simplement parce que toute vie humaine est limitée et finit par la mort. En plus, ils étaient obligés d’offrir des sacrifices pour leurs propres péchés. Le seul qui n’a pas à offrir de sacrifice pour ses péchés, c’est Jésus. Il est Immaculé, sans péché. Il peut aussi être qualifié de Grand Prêtre car non seulement il offre le sacrifice, mais il présente la victime. La victime n’est pas un taureau ou un agneau ou une colombe, c’est lui-même. Jésus véritablement va jusqu’au bout de l’amour. Quand vous lisez le début du récit de la Passion en saint Jean, cela commence ainsi : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1). Aucun grand prêtre jusque-là n’avait fait cela, ils offraient un taureau. Ici, Jésus est le prêtre, celui qui offre, mais il offre la victime qu’il est lui-même.

Frères et sœurs, vous savez que vous êtes tous prêtres, prophètes et rois par le baptême. Tout fidèle est appelé, à la suite du Christ, à offrir sa vie ; à être prêtre en posant un acte d’offrande comme tout prêtre et en offrant en sacrifice une victime qui est nous-mêmes à la suite de Jésus. Ainsi, nous pouvons réaliser le commandement de l’amour de Dieu et du prochain ; et trouver, à partir de cette offrande, les capacités nécessaires pour poser à l’égard du prochain des actes de charité, d’amour, de compassion. Je pense que ces textes ne nous sont pas donnés aujourd’hui par hasard, ils sont providentiels. C’est un rappel pour chaque baptisé, bien entendu, mais éminemment pour tout ministre, en ce jour où Jean-Pierre Hardouin va devenir ministre par le diaconat.

Jean-Pierre, il me paraît heureux que la liturgie de ce jour nous ait rappelé le cœur de la révélation biblique qui place l’amour pour Dieu à égalité avec l’amour pour le prochain. Cette exigence qui est vraie pour tout baptisé est un but que nous nous fixons pendant tout notre passage sur la terre ; elle est évidemment une priorité pour la vie de tout ministre. La vie diaconale dans laquelle vous allez maintenant entrer en est une illustration, d’abord par la prière, celle de l’Office et du service liturgique, le service de l’autel, service auquel tout diacre est appelé ; puis par le service des pauvres et l’annonce de l’Évangile qui est la plus grande des charités qu’on puisse faire aujourd’hui à tant d’hommes et de femmes, qui connaissent peu ou pas leur Sauveur. Au cours de cette célébration, Jean-Pierre, bien sûr, nous allons demander à Dieu toute l’aide dont tout ministre a besoin pour être un vrai serviteur selon le désir du Seigneur dans la charge qui lui est confiée. Vous avez entendu, je ne sais pas si tous vous l’avez compris, l’Évangile dans la langue de nos frères d’Irak, tout simplement parce que dans l’église saint Jean-Baptiste de Rayssac, c’est une habitude. Il y a un certain nombre d’irakiens qui y viennent à la messe chaque dimanche, pour eux l’Évangile est proclamé dans leur langue. Cette église Saint-Jean-Baptiste pourrait avoir – me semble-t-il – une vocation particulière, celle de développer la fraternité non seulement avec nos frères irakiens chrétiens, mais aussi de nouer avec les musulmans du quartier une relation de fraternité. Comme le Pape François nous y invite sans cesse, il y a là certainement quelque chose à trouver. Il nous faut nous mettre à l’écoute de l’Esprit Saint tous ensemble. Nous entrons dans un chemin synodal à la demande du Pape François et je me permets de signaler que cela pourrait être une piste de recherche de telle sorte que, comme le Pape nous le demande, nous puissions réellement nouer des liens de fraternité pour le meilleur, et permettez-moi d’ajouter, afin d’éviter le pire. Peut-être que le nouveau diacre pourrait jouer un rôle dans ce dialogue avec, non seulement les frères de l’intérieur, les migrants qui ont besoin d’être aidés à l’intérieur de l’Église, mais aussi avec les périphéries…

Comme c’est la coutume chaque dimanche à l’église Saint-Jean-Baptiste de Rayssac, l’Évangile a d’abord été proclamé en irakien.

 

Prions tous ensemble dans cette période difficile que l’Église de France vit, pour que nous soyons, quoi qu’il arrive, capables de nous convertir, de nous mettre tous à l’écoute de l’Esprit Saint pour qu’ensemble, évêques, prêtres, diacres, tous les baptisés, nous devenions davantage capables de faire connaître au monde la Bonne Nouvelle.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

1ère lecture : Dt 6, 2-6
Psaume : 17
2ème lecture : He 7, 23-28
Évangile : Mc 12, 28b-34

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