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À Bouisset, visite des sagnes avec la commission Laudato Si’

Visite des sagnes de la ferme des Mouret, à Bouisset (commune de Lasfaillades), le 24 octobre 2021, avec la commission Laudato Si’ du diocèse.

Lasfaillades est un village de 80 habitants, situé dans les Monts de Lacaune, entre Anglès et Castres, à 700m d’altitude. La ferme de Didier et Jeanne-Marie Mouret est cultivée par la famille Mouret depuis trois générations. Le couple élève des bovins viande bio et produit des pommes de terre bio, en agriculture paysanne. Il gère également 2 tourbières, qui couvrent une superficie totale de 8 ha.

Didier est diacre permanent du diocèse d’Albi.

Sur place, Coralie Golecky, animatrice technique du Rés’eau Sagne Tarn, un programme de la coopérative Rhizobiòme, a guidé la visite.

 

Qu’est-ce qu’une sagne ?

Le mot sagne (de l’occitan sanha) désigne des terrains humides et marécageux. Le terme s’applique aussi bien aux tourbières (et plus largement aux zones tourbeuses) qu’aux prairies humides, et zones inondées périodiquement. Une zone humide est un espace de transition entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, où l’eau est le facteur clé qui contrôle la vie sur ce milieu.

On estime que les sagnes des Monts de Lacaune, comme celle de Didier, ont environ 5000 à 6000 ans.

Quel est son rôle, son intérêt ?

Les zones humides ont de multiples intérêts :

  • Elles jouent un rôle majeur dans la ressource en eau :
    • elles constituent des zones de régulation des écoulements d’eau ; elles retiennent l’eau en période de fortes pluies et la relâchent progressivement dans les cours d’eau ;
    • ce sont des réservoirs d’eau qui alimentent les nappes souterraines ;
    • elles peuvent constituer des zones d’expansion des crues.
  • Elles constituent des réservoirs de biodiversité : elles offrent des conditions écologiques si particulières qu’elles constituent des refuges pour des espèces qui ne peuvent vivre ailleurs.
  • Elles constituent des zones d’alimentation pour le bétail, notamment lors des étés secs : elles constituent une réserve de fourrage non négligeable pour les agriculteurs de montagne.

Les sagnes de Bouisset offrent un pâturage naturel permanent aux bovins. Les vaches les parcourent généralement du printemps à l’automne, en plusieurs séjours. Didier Mouret peut également en broyer la végétation, toujours pour le fourrage, en cas de refus de pâturage par le bétail.

Faune et flore spécifiques

Les espèces végétales les plus caractéristiques que l’on retrouve dans les zones humides sont : la drosera (plante carnivore), la linaigrette, les spahignes, la narthécie ossifrage, des carex, des joncs, …
Au niveau de la faune, on retrouve : l’azuré des mouillères, le lézard vivipare, la grenouille rousse, libellules, araignées…

Les deux sagnes de la ferme Mouret, même si elles n’accueillent pas la drosera, jouent une rôle important dans la régulation des écoulements d’eau. Aussi, elles accueillent une flore spécifique comme les carex et les sphaignes, qui sont des espèces patrimoniales.

Les missions de Rhizobiòme

Rhizobiòme est une coopérative (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) qui associe gestionnaires, professionnels de la protection de la nature, centres de formation, … Cette coopérative œuvre pour la conservation du patrimoine naturel.

Rhizobiòme anime 2 programmes :

  • le Rés’eau SAGNE : programme financé par l’agence de l’eau Adour Garonne, la Région Occitanie et l’Europe. Il accompagne les gestionnaires de zones humides à trouver des solutions de gestion durable : permettre l’utilisation d’un site et sa gestion, tout en préservant les qualités fonctionnelles et écologiques de la zone.
  • le Rés’eau Sol : programme de sciences participatives, qui s’intéresse à la santé des sols dans le contexte du changement climatique.

Lors de cette journée, nous avons pu également visiter la forêt de Bouscadie, une forêt jardinée, propriété de la famille Cormouls-Houlès.

Parmi les graines de pin Douglas importées des Etats-Unis il y a 150 ans, se sont glissées deux graines de… séquoias ! Tour de tronc = 9 personnes.

Nous avons rendu grâce dans l’église Notre-Dame des Neiges de Bouisset

 

Didier et Jeanne-Marie Mouret, avec les familles de la sœur et du frère Didier présentes sur la commune, prient chaque jour dans cette chapelle. Didier nous y a lu le « Credo du paysan ».

En conclusion, voici une méditation sur les sagnes que Didier a écrite à l’issue de notre journée

Des coques de noix, qui voguaient dans les petits ruisseaux de mon enfance, à mes bottes de paysan qui m’aident à traverser les païssères, les sagnes ont toujours fait partie de mon paysage.

Plus encore, je pense que les sagnes font partie du patrimoine rural. J’aime les parallèles entre l’Homme et la nature. Ces zones particulières, bien pauvres sur le plan productif, sont pour moi si riches en biodiversité, et intéressantes au niveau de leur équilibre et de leur symbiose. Je pense bien sûr au genre humain, à toutes ces petites gens qui vivent de peu, qui galèrent parfois, qui cherchent du soutien, qui coopèrent, qui s’entraident, qui restent ouverts aux autres et qui fleurissent ensemble.

Ce dépouillement nous renvoie vers l’essentiel, sur la fraternité, la relation et le respect des autres. Être humain, c’est être en relation, tant avec nos frères qu’avec l’air et l’eau qui nous entoure. Être vivant, c’est être dépendant du monde. C’est aller vers lui et le laisser venir à nous. Il en est ainsi de la création, il en est même de Dieu. Lorsque l’on reconnaît que nous sommes dépendants, des autres, du monde et de Dieu, on devient libre dans l’interdépendance. Alors les murs tombent, on est ensemble dans la même situation, cette fragilité nous ouvre le cœur, on a le souci de soi et le souci des autres et de notre milieu.

Je crois que nous sommes à l’image de Dieu, dans la simplicité. Dans nos sagnes, tout coule de source dans ce calme apparent, pourtant c’est un monde foisonnant à qui sait l’observer. Les regarder, les étudier, les comprendre, c’est s’émerveiller sans fin. Si on les maltraitait, si on les abandonnait, elles pourraient disparaitre avec toute la diversité et la richesse qui les composent. Avec des passionnés de ce monde d’eau et de terre, comme Céline et Thomas, ou encore Coralie qui nous a accompagnés ce dimanche, on apprend la langue des sagnes. Ainsi, si on s’en occupe, si on les travaille, cela peut donner quelque chose de bien, de beau.

La création, Dieu l’a voulue, il a voulu aussi nous la confier, à nous de nous en occuper, de la faire fructifier, de la protéger. Pour l’Homme, c’est un peu pareil. Il faut s’en occuper, surtout au début. C’est l’éducation des enfants qu’il faut accompagner, encourager, faire mûrir leurs talents. Ils deviendront des jeunes adultes dans le respect des valeurs de solidarité, d’entraide, de fraternité et d’empathie. Pour qu’ils soient libres au sein de la multitude des liens qui les constituent.

A nous tous de faire de notre mieux pour que cela se réalise : que l’eau coule dans les sagnes, et que les hommes et les femmes fassent leurs chemins dans les méandres de la vie. Ce n’est pas l’argent qui doit couler à flot, c’est la vie, c’est l’amour.

 

 

Bibliographie : La langue des sagnes. Céline Rives-Thomas. Editions Rhizobiòme.

 

 

 

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