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Homélie pour la messe d’envoi du pèlerinage diocésain

Frères et Sœurs,

Nous venons d’entendre les Béatitudes dans la version de l’évangéliste saint Luc. Nous avons entendu quatre fois « Heureux êtes-vous » et quatre fois « Malheur pour vous. » La version des Béatitudes que l’on peut trouver dans l’évangéliste Matthieu, elle, comprend par neuf fois « heureux ». Les malédictions sont donc propres à Luc qui pointe les riches, les repus, les moqueurs, les vils flatteurs. Matthieu, quant à lui, trace un programme de vie, alors que Luc semble apostropher son auditoire.

Quoiqu’il en soit, comme le pape François l’a écrit dans son Exhortation Apostolique Gaudete et Exsultate sur la sainteté (n°65) : « Les Béatitudes ne sont nullement quelque chose de léger ou de superficiel, bien au contraire nous ne pouvons les vivre que si l’Esprit Saint nous envahit avec toute sa puissance et nous libère de la faiblesse, de l’égoïsme, du confort, de l’orgueil. » Et il ajoute au sujet de la première Béatitude : « Heureux vous les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous » ou dans la version de Luc qui est beaucoup plus radicale « Heureux les pauvres, car le Royaume des cieux est à eux. » Le Pape commente (Gaudete et Exsultate n°67) : « En général le riche se sent en sécurité avec les richesses et il croit que lorsqu’elles sont menacées, tout le sens de sa vie sur terre s’effondre. » Et il ajoute encore (Gaudete et Exsultate n° 68) : « Les richesses ne te garantissent rien. Qui plus est, quand le cœur se sent riche, il est tellement satisfait de lui-même qu’il n’y a plus de place pour la Parole de Dieu, pour aimer les frères, ni pour jouir des choses les plus importantes de la vie. Il se prive ainsi de grands biens. C’est pourquoi Jésus déclare ‘Heureux les pauvres en esprit’, ceux qui ont un cœur pauvre où le Seigneur peut entrer avec sa nouveauté constante. »

Luc proclame de manière radicale : « Heureux les pauvres », et non pas seulement les pauvres en esprit. Il semble là inviter son auditoire à une existence austère et dépouillée, à partager la vie des plus pauvres, à vivre finalement comme les apôtres qui ont cherché à vivre eux-mêmes comme le Maître, à être configurés au « Christ qui s’est fait pauvre. » (2 Col 8, 9). Saint Paul, vous l’avez entendu dans le passage de l’Épitre aux Colossiens de la 1ère lecture, invitait les Colossiens à mener leur vie dans le Christ Jésus « en qui se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance. »

Il s’agit donc, Frères et Sœurs, pour chacun de nous, au terme de ce pèlerinage, de choisir vraiment le Christ comme unique maître et de se mettre à son école pour vivre la Béatitude qu’il a vécue pleinement en se faisant pauvre pour nous rejoindre. Par son incarnation, en venant partager la condition humaine, le Christ est devenu notre modèle, nous invitant à vivre humblement, en ayant, comme saint Paul nous y invite, les sentiments du Christ.

Un grand spirituel du XXe siècle, le Père Maurice Zundel a pu écrire : « La plus haute expression du christianisme est celle de la découverte de la pauvreté. C’est l’intuition profonde, vivante, rayonnante de la pauvreté de Dieu. Le Père n’a rien, il n’est qu’un regard vers le Fils. Le Fils n’a rien, il n’est qu’un regard vers le Père. Le Saint Esprit n’a rien, il n’est qu’une aspiration vers le Père et le Fils. Dieu est pauvre, Dieu n’a rien, Dieu est Dieu parce qu’il n’a rien. L’existence infinie, c’est la pauvreté. La largeur de la pauvreté c’est la liberté d’une âme où tout est donné. Au cœur de la pauvreté est la joie parce qu’on est libre de tout, libre de soi. Ce qui sépare toujours c’est le moi, c’est la possession. Quand on est dépouillé de tout, on devient un espace libre et le monde entier peut s’y abriter. »[1] « Le vrai bonheur n’existe qu’en circulant, qu’en se communiquant dans une désappropriation continue. »

Nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de ce Dieu-là qui est totalement donné. Chaque personne est pauvre parce qu’elle est totalement donnée à l’autre, et ainsi l’amour se communique entre chacune d’elle. Nous sommes appelés à vivre la même chose.

Marie, s’est abandonnée totalement à son Seigneur au jour de l’Annonciation : « Qu’il me soit fait selon ta volonté. » Bernadette a laissé le Christ prendre toute la place dans sa vie. À Nevers, à la fin de sa vie, on l’entendait dire : « Oui mon Dieu. Oui en tout et partout. Oui. »

Frères et Sœurs, au moment où nous nous apprêtons à rentrer chez nous, soyons débordants d’action de grâce nous qui connaissons le Christ, nous à qui le message a été transmis. Nous connaissons ce trésor unique qu’est le Christ qui renferme toute la sagesse, toute la connaissance. Nous connaissons le Sauveur de tous les hommes, ce n’est pas quelque chose d’abstrait ! C’est ton Sauveur, c’est mon Sauveur, avec qui je peux entretenir une relation de confiance, heure après heure, jour après jour !

Alors, où que nous en soyons dans notre existence, osons le choisir, osons l’imiter avec confiance, sachant qu’il est le Maître de la Vie. L’imiter avec confiance, cela veut dire pour chacun d’entre nous, rechercher comme le bien le plus précieux la pauvreté, la pauvreté de cœur. Le Pape François dans son exhortation apostolique, dit : « être pauvre de cœur, cela c’est la sainteté. »

Notre société a besoin de saints pour apporter la lumière du Christ à tous ceux qui ne le connaissent pas encore ou qui n’en connaissent aujourd’hui que des caricatures. Alors, supplions ensemble l’Immaculée, qu’elle nous obtienne une foi plus grande, une vie plus sainte pour être plus audacieux au service de l’Évangélisation de notre diocèse là où la Providence nous place.

Amen.

+ Jean Legrez, op.
Archevêque d’Albi

[1] In « À l’écoute du Silence »