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Vincent Doat : « Un des plus beaux cadeaux depuis que je suis rentré au séminaire, c’est le don de la liberté ! »

Vincent Doat est séminariste pour notre diocèse. Il va être ordonné diacre en vue du presbytérat le dimanche 20 juin, à 10h30, en l’église Notre-Dame-du-Bourg de Rabastens. Le Service des Vocations l’a rencontré.

SdV : Qui es-tu ?

Vincent : Je m’appelle Vincent Doat, j’ai 33 ans, je suis originaire de Gaillac, à 30 kilomètres d’Albi. Je suis séminariste, c’est-à-dire que je suis à l’école pour devenir prêtre, et je serai ordonné diacre le 20 juin à Rabastens. Avant de rentrer au séminaire, j’étais pâtissier-chocolatier-boulanger. J’ai fait ce métier pendant 12 ou 13 ans – une joie ! – et puis à un moment donné, le Seigneur m’a dit : « Tu arrêtes et puis, pouf, maintenant tu me rejoins ! » Voilà, en quelques mots qui je suis.

SdV : Comment est née ta vocation ?

Vincent : C’est une bonne question ! On va faire une version courte… parce qu’effectivement, c’est un cheminement. Je ne me suis pas levé un matin en me disant : « ça y est, hop, je rentre au séminaire ! » Ça s’est vraiment étalé sur une dizaine d’années. Le déclic, ça a été le jour où j’ai compris que Dieu, le Seigneur, c’était quelqu’un. J’ai fait le catéchisme quand j’étais petit, j’ai fait partie du M.E.J. (Mouvement Eucharistique des Jeunes), etc. C’est vrai qu’on nous dit que Jésus c’est quelqu’un, Dieu, tu le pries, mais ça restait toujours abstrait pour moi. Un jour, dans ma vie, quand j’avais 20 ans, le Seigneur a vraiment répondu à une de mes prières concernent ma profession, je cherchais un emploi, etc. C’est ce jour-là que j’ai compris que Dieu ce n’était pas une morale, que Dieu ce n’était pas un enseignement, que Dieu, ce n’était pas une philosophie, etc. mais que c’était quelqu’un. Ça, ça m’a chamboulé, ça a vraiment renouvelé ma foi et je me suis mis à chercher qui est ce Dieu qui m’avait répondu dans cette prière. Intellectuellement, je le connaissais, mais de cœur, qui était ce Dieu ? C’est ce jour-là que moi, je me suis dit : « Tu vas te mettre à la suite et chercher qui est-il ». Et la question de la vocation est venue petit à petit, souvent par des questions innocentes des gens – vous qui lisez, peut-être avez-vous fait partie de ces gens qui m’ont posé la question. J’étais pâtissier, et puis avec mes collègues de travail, on discutait parfois de la foi parce qu’ils savaient que j’allais à l’église. Ils me disaient : « Mais t’es jeune, t’es pâtissier, t’es catho, ça ne colle pas ! » Et nos discussions souvent finissaient avec cette phrase : « Puisque ça te plaît tant, fais-toi curé, quoi, vas-y, qu’est-ce que tu attends ? » Et c’est quelque chose finalement qui, au fur et à mesure, a toujours résonné en moi, me dire : « Mais, au fond, pourquoi pas ? » Mais plein de choses m’arrêtaient : je voulais des enfants, j’avais un métier qui me passionnait, donc je voulais m’installer, monter ma pâtisserie, etc. Je n’avais pas fait d’études, j’ai quitté l’école en troisième… Et puis, à un moment donné de ma vie, il avait fallu que je marque un temps d’arrêt, que je dise : « Stop ! » Donc, j’ai pris deux mois de vacances, et j’ai dit au Seigneur : « Ce temps, je le prends pour toi, et puis je le prends pour moi ». Je suis parti faire une partie des chemins de Saint-Jacques, et au fur et à mesure de mon cheminement, toutes ces peurs, tous ces doutes sont partis petit à petit pour arriver au fait que, finalement, prêtre, pourquoi pas moi ? Effectivement, Seigneur, je vois bien quelque chose qui résonne en moi de ton appel. Et donc, j’ai franchi le saut, et je suis allé voir mon curé à la Madeleine (à Albi), Jean-Marc Vigroux – qui est à Graulhet, maintenant. Je lui ai dit : « Écoute, Jean-Marc, je crois que le Seigneur m’appelle, et je voudrais rentrer dans une démarche au moins de discernement pour savoir si oui ou non je suis appelé à devenir prêtre ». Et c’était parti ! Voilà en quelques phrases ramassées, ce cheminement de joie, de questionnements évidemment, de doutes etc., mais de joie, vraiment !

SdV : Quelle parole de la Bible te touche plus particulièrement ?

Vincent : Il y a un passage effectivement dans l’évangile selon saint Jean, c’est quand Jésus pose trois fois la question à Pierre : « Pierre, m’aimes-tu ? » (Jn 21, 15-17) Jésus ressuscité, qui apparaît aux apôtres, qui prend saint Pierre à part, et qui lui dit par trois fois : « Pierre, est ce que tu m’aimes ? », sachant que Pierre a été appelé par Jésus, il l’a suivi… On voit dans les évangiles que Pierre, c’est toujours celui qui a la phrase qu’il ne faut pas, ou la phrase qu’il faut, enfin, un peu grande gueule quoi ! Et puis, surtout il va lâcher Jésus par trois fois. Il va lui dire : « Non, je ne te connais pas » (cf. Jn 18, 19.25.27) alors qu’il s’était engagé… Et je trouve ce passage extraordinaire parce que, dans le cheminement de la vie de Pierre où il dit : « oui », il dit : « non », on voit bien que dans tout ça, Jésus dit : « Mais attends, même si tu m’as renié, moi je t’aime et je veux que finalement tu fondes mon Église, tu sois la pierre de mon Église ». Et il laisse Pierre libre de répondre : « Pierre, m’aimes-tu ? » Je pense que c’est une question que Jésus nous pose à chacun de nous : toi qui es baptisé, toi qui cherches qui est Dieu, toi peut-être qui ne connais pas Dieu, mais qui te dis : « Mais peut-être il y a quelque chose que j’aimerais découvrir… », Jésus te pose cette question : « Est-ce que tu m’aimes ? Est-ce que tu veux m’aimer ? Est-ce que tu veux me découvrir ? » C’est vraiment un passage de la Bible qui me rappelle que, tous les matins, Jésus me pose cette question : « Est-ce que tu m’aimes ? Est-ce que tu veux me suivre ? »

SdV : Quelle sont les difficultés et les joies que tu perçois du ministère ordonné ?

Vincent : On va commencer par la joie ! On va commencer par ce qui est le mieux, le beau ! C’est quelque chose qu’on peut déjà expérimenter en tant que séminariste : la joie de rentrer dans la vie des gens, la joie d’annoncer aux gens que Jésus est vivant, qu’il nous aime, que ce soit au caté, à l’aumônerie, et puis, devant un apéro, dans les familles… Une des chances qu’on a quand on est séminariste, c’est qu’on rentre dans la vie des gens, on apprend à s’émerveiller aussi de ce qu’ils vivent. Moi, combien de fois je suis touché : par cette maman de famille qui a un travail, qui s’occupe de ses enfants, qui vit sa vie de couple, etc. et qui trouve quand même le moment de prier, d’offrir sa journée à Dieu… Je me dis : « Mais quelle foi ! » ça, c’est extraordinaire ! Moi, qui suis séminariste, et qui suis appelé à prier, avec une vie de prière bien réglementée, ce sont vraiment des moments de joie et qui me poussent en avant. Et puis, il y a tous ces moments aussi d’accompagnement des personnes, des jeunes, où on voit cheminer les gens dans leur vie, dans la foi. Et ça, ce sont des moments de joie vraiment fabuleuse ! Et puis, petit à petit, cette joie aussi de vivre l’intimité avec le Seigneur, dans la prière. Alors, évidemment, chaque prière n’est pas une extase ! Mais simplement voir que, à chaque instant de ma vie, le Seigneur est là ! Voir les petits trucs où, à la fin de la journée, je peux dire : « Là, dans cette rencontre, oui, le Seigneur, il était là, vraiment ! » Et la joie que procure la foi : ça n’enlève pas, évidemment, les épreuves, les doutes… J’ai les examens dans quinze jours, je peux vous dire que ça n’enlève pas le stress des examens, mais ça donne une paix du cœur, une sérénité, vraiment ! Et ça, c’est extraordinaire ! Et je pense qu’en tant que prêtre, c’est vraiment cette joie et cette paix que je suis appelé à vivre, et que je vivrai, sûrement.

Pour les épreuves, pour les difficultés, il y en aura, je ne suis pas naïf. Je sais qu’il y aura des moments de crise, je sais qu’il y aura des moments de doute, etc. Je pense que, pour moi, une des plus grosses difficultés, ça sera l’équilibre de vie, de savoir vraiment dire : stop, à ce moment-là, il faut que je me replonge dans la prière, ,stop, à ce moment-là, il faut que je me pose, etc. de façon à être disponible pour la prière, à être disponible pour les autres. Et je pense que c’est peut-être une des choses les plus difficiles pour un prêtre d’avoir cette rigueur de dire : ce temps-là, il est pour Dieu, ce temps-là, il est pour la prière, ce temps-là, il est pour Dieu à travers les frères, à travers les sacrements, etc., ce temps-là, il est pour moi avec Dieu dans la détente, dans la famille, dans les amis, etc. Comment ne pas sombrer dans l’activisme, il y a vraiment quelque chose de ça. Je pense que c’est la difficulté que je crains le plus.

SdV : Comment perçois-tu l’actualité du ministère ordonné ?

Vincent : Alors, en toute honnêteté, je crois qu’il faut être fou ! Quand j’y repense, sérieusement, je me dis : « mais attends, dans un mois, trois semaines maintenant, je vais être ordonné diacre en vue d’être prêtre », et je me dis : « mais dans notre société française actuelle, il faut être fou pour donner sa vie comme ça à Dieu ! ». Et pourtant, on voit bien – moi je l’expérimente dans ma vie aussi à travers toutes les rencontres que je fais – combien notre société a besoin de spiritualité, a besoin de fondement, a besoin d’espérance. On le voit bien à travers la crise du Covid, on le voit bien à travers les problèmes économiques, etc. comment, dans notre société, il n’y a plus d’espérance, en fait, ou très peu. La foi donne cette espérance pleinement. Donc oui, se donner à Dieu aujourd’hui, ça a toute sa place. Dire : « Oui, je veux donner ma vie pleinement, parce que j’ai cette espérance de la résurrection en Dieu, j’ai cette espérance que Dieu est présent dans ma vie chaque jour et qu’il m’apprend à aimer, qu’il m’apprend à aimer comme lui et qu’il veut que je que le partage autour de moi… » On voit bien que notre monde a tellement besoin de se savoir aimé, savoir que c’est ce Dieu qui nous appelle tous à la sainteté, qui nous appelle tous à nous aimer les uns les autres, clairement… Et donc, oui, je crois que, non seulement ce n’est pas dénué de sens, mais que, en fait, il y en a un besoin crucial, quoi ! Mais tu parles du ministère de diacre, du ministère de prêtre, mais également dans les familles ! Toi qui es jeune, dans ton collège ou dans ton lycée ou à la fac, on est appelés à transmettre cette espérance-là !

SdV : Que dirais-tu à un jeune homme qui se pose la question du ministère ordonné ?

Vincent : Parfois, ce sont les autres qui te disent : « Mais pourquoi tu ne veux pas devenir curé, pourquoi tu ne veux pas devenir prêtre, tu ferais ça bien ! » Ou, parfois, c’est toi, intérieurement, qui dit : « Mais pourquoi pas moi ? » Et moi, de mon expérience, une des premières réactions qu’on peut avoir c’est la peur, c’est de dire : « Mais, je ne suis pas digne, je ne suis pas assez intelligent, et le célibat, jamais je ne pourrai le tenir… Enfin, ce n’est pas même pas une question de tenir, mais ce n’est pas pour moi, etc. ». J’ai envie de te dire : « N’aie pas peur de regarder la question, n’aie pas peur d’aller voir les gens autour de toi, dans ta famille, dans tes amis, les prêtres, les catéchistes, etc., n’aie pas peur d’aller les voir, dire : “Est-ce que je peux te parler ? J’ai cette question qui m’habite, est-ce qu’on peut en parler simplement ?” » Voilà, n’aie pas peur de regarder cette question de la vocation en face. Un des plus beaux cadeaux que je vis depuis que je suis rentré au séminaire, c’est le don de la liberté ! Quand on regarde en face cette question de la vocation – « Est-ce que Dieu m’appelle à devenir prêtre ? » – on est obligé de regarder en face : qui je suis, quelle est mon histoire ? Quel est mon rapport avec Dieu ? À quoi suis-je appelé, en premier en tant qu’homme, en tant que baptisé ? Et ça donne une liberté extraordinaire, à un moment du discernement, de dire : « Mais oui, oui, je veux dire “oui” au Seigneur pour me donner ! » Et après, la forme de ce don, soit ça peut être le ministère de diacre, prêtre, ça peut être dans le don du mariage, ça peut être dans le don d’être religieux, etc., mais ça donne une grande liberté ! Je crois, vraiment, que le Seigneur passe à travers nos propres choix. Certes, je suis appelé, j’ai senti cet appel à devenir diacre, à discerner pour devenir prêtre, mais j’ai reçu aussi à un moment, dans mon discernement, ce don de la liberté, de me dire : « Est-ce que, oui ou non, moi je le veux ? » Donc, n’aie pas peur ! N’aie pas peur de regarder cette question en face, de dire : « Mais à quoi le Seigneur m’appelle, vraiment ? ». Vraiment, n’aie pas peur d’en parler : vas-y !

Propos recueillis par l’Abbé Gaël Raucoules