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Homélie de la messe chrismale 2024

 

CATHÉDRALE D’ALBI – 26 mars 2024

 

Chers frères prêtres, vous tous qui êtes fidèles à Jésus-Christ, réunis dans cette cathédrale.

Pour vous saluer tous, je reprends volontiers la salutation que nous venons d’entendre dans l’Apocalypse :

« Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier d’entre les morts, le prince des rois de la terre.

A lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté ».

Oui, Dieu a fait de nous un royaume et des prêtres, ici concrètement dans le Tarn depuis au moins 1500 ans.

Et ne nous y trompons pas : ce royaume et les prêtres, dont nous parle l’Apocalypse qui reprend le Livre de l’Exode, qui dit : « Vous deviendrez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte » (Ex 19,6), le Concile Vatican II nous rappelle que ce royaume et les prêtres, c’est d’abord le Peuple que Jésus-Christ s’est choisi sur cette terre du Tarn pour son Dieu et Père.

La volonté de Jésus a été que tous les baptisés soient prêtres par leur baptême et que tous les baptisés procèdent du sacerdoce du Christ et le manifestent par leur vie concrète de laïcs, qui sont invités par Jésus à faire de leur vie « une offrande spirituelle à Dieu ».

L’Eglise n’est pas constituée d’une caste de prêtres comme dans les anciennes religions ; il n’y a pas de sanctuaire réservé à des privilégiés à qui on cacherait quelque chose pour maintenir quelque pouvoir occulte ou magique.

C’est pourquoi il est bon que nous soyons tous rassemblés dans cette cathédrale, tous ceux qui ont pu venir, pour nous rappeler d’abord que si nous occupons une place différenciée dans l’Eglise, c’est en vertu d’un charisme sacerdotal que nous avons reçu de l’Esprit Saint à notre baptême.

Nous sommes tous un Peuple de prêtres, organisé selon des charismes différents : des laïcs, des diacres, des prêtres, et moi votre évêque, et pour que nous ne perdions pas de vue le Royaume de Dieu à venir, ici sont présentes toutes les formes de vie religieuse et consacrée.

Ici n’est pas rassemblé l’ordre pyramidal d’une administration religieuse au service de Jésus.

Ici est constitué visiblement ce soir le corps lui-même de Jésus-Christ, son corps sacramentel qui est l’Eglise, et qui permet à Jésus-Christ d’agir en personne aux quatre coins du Tarn.

 

Et je constate, depuis que je suis arrivé, que l’Eglise qui est dans le Tarn est profondément fidèle à Jésus.

Je peux reprendre à notre compte les paroles de Jésus à la synagogue de Nazareth :

D’abord : « tous ont les yeux fixés sur Lui, Jésus », dans la vie des paroisses, des services et des mouvements, des différents groupes de jeunes.

Et ensuite, je peux dire à la suite de Jésus : « aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre » (Luc 4, 21).

Quelle belle jeunesse dans l’Enseignement catholique ou public !

Et en particulier, dans beaucoup d’endroits que j’ai visités depuis mon arrivée, beaucoup d’actions sont mises en œuvre pour que ceux qui sont captifs de toutes sortes de maux, physiques, psychiques, spirituels, en soient libérés. Et je pense à toutes ces personnes au service des malades, des prisonniers, des migrants, des personnes en recherche, aux catéchumènes, mais aussi aux propositions spirituelles et pastorales, pour tous ceux pour qui c’est une année favorable, ceux qui naissent et qui seront baptisés, ceux qui s’aiment et qui seront mariés, ceux qui vont mourir.

J’ai rencontré dans les paroisses beaucoup de chrétiens qui veulent dialoguer, qui veulent que l’Eglise soit présente dans les débats de société comme la question de l’avortement ou la question du suicide assisté.

 

Et maintenant, je m’adresse à vous, mes frères prêtres.

Vous et moi, nous avons reçu l’unique et identique sacerdoce ministériel au service du corps tout entier du Christ qui est l’Église.

Je veux d’abord vous remercier pour l’accueil que vous m’avez fait depuis mon installation.

J’ai lu et relu ce que le Directoire pour le ministère pastoral des évêques énumère pour les relations entre l’Evêque et les prêtres : « l’Evêque, père de la famille presbytérale (…), sait qu’il est de son devoir d’avoir un amour et une sollicitude particulière envers les prêtres et les futurs prêtres ».

Evêque « Père » ?

Finalement, je me suis rappelé les débuts de conversations téléphoniques que mon père, mon papa m’adressait lorsqu’il m’appelait quand j’étais jeune prêtre. Il disait : « allo mon Père, c’est ton père ».

En vous rencontrant, j’ai fait l’expérience que je peux vous dire à mon tour, quand je vous appelle : « allo mon Père, c’est ton père ».

Comme dans une famille, je vous témoigne dans cette messe chrismale, et à travers les rencontres individuelles que nous avons eues depuis mon arrivée, – j’en prends à témoin les chrétiens de vos communautés – que vous avez fait de vos vies des vies données.

Vos vies ont peut-être cherché à répondre à des questions, mais ce qui est plus grand, c’est que vos vies ont cherché à répondre à un appel, l’appel de Jésus.

Ce qui ne veut pas dire que vos vies ont été, sont ou seront de grandes lignes droites.

Elles sont tout simplement des vies d’hommes qui ont mis leur confiance dans leur Seigneur et dans son Eglise au service des êtres humains que Dieu aime.

 

Lors de nos rencontres, vous avez bien voulu me faire le récit de votre vocation, et aussi exprimer les souffrances et les échecs, vos joies et vos conversions personnelles, tout cela exprimé dans une grande pudeur.

Dans vos vies, qui passant par des moments difficiles, qui souffrant du départ de tel ou tel confrère, qui déviant de ses engagements et se reprenant, qui étant incompris de l’institution ou des évêques, qui soutenant untel, qui se convertissant après plusieurs années de ministère, qui en étant émerveillé de l’œuvre de Dieu.

J’ai aussi perçu une sollicitude extrême envers les hommes et les femmes qui vous sont confiés depuis que vous êtes prêtres, très attentifs au souffle de l’Esprit Saint traversant beaucoup d’existences.

Et que dire de beaucoup de bienveillance, et parfois d’estime que vous avez par rapport à vos frères prêtres. J’ai entendu un prêtre dire avoir été sauvé de l’enfer par trois confrères.

Quand on vous regarde, vos vies sont véritablement un sacrement, ordonné pour ceux vers qui vous êtes envoyés.

Je pense à ceux d’entre vous qui célèbrent leur Jubilé : qui aurait dit lorsque vous êtes devenus prêtres, que la société se mettrait à accélérer à la vitesse de la lumière, que l’Eglise changerait autant ! Et pourtant vous êtes là.

 

En étant persuadés que l’incarnation du Christ dans la vie des hommes est décisive, vous avez su inventer des modes de présence de l’Eglise au monde.

En donnant le sacrement du baptême, vous avez laissé Dieu adopter tellement d’enfants.

En permettant le sacrement du mariage, vous avez laissé Dieu reconnaître la grandeur de l’amour entre un homme et une femme.

En écoutant les péchés, vous avez permis à Dieu de pardonner.

En administrant le sacrement des malades, vous avez permis à Dieu de réconforter tous ceux dont le corps souffrait.

Et par dessus tout, par toutes les eucharisties que vos avez célébrées, vous avez laissé Dieu nourrir de la vraie vie tant d’hommes et de femmes.

 

Comme prêtres, nous sommes lucides sur la situation du monde et de l’Eglise.

Le monde planétaire se disloque, les guerres et leurs malheurs en tout genre sont présents et encore à venir.

La France a confondu laïcité et athéisme.

En France, l’Eglise est devenue une minorité, et ici aussi dans le Tarn, nous le voyons par le petit nombre d’enfants catéchisés en écoles, collèges et lycées.

Et pourtant nous voyons aussi que la foi est créatrice de nouvelles formes de communautés et d’audaces dont nous pouvons être les pasteurs, comme l’ont fait les anciens.

Si nous sommes là, c’est que nous sommes persuadés que l’Eglise n’est pas condamnée à disparaître, bien au contraire.

 

Notre Eglise diocésaine, toute Eglise diocésaine est dans le siècle pour ce qui est déjà là.

Elle le fera encore avec des prêtres authentiquement diocésains et séculiers.

Elle le fera en appelant à l’aventure des jeunes comme prêtres séculiers à suivre Jésus comme les Apôtres ont suivi Jésus.

Jeunes qui êtes dans cette cathédrale, certains d’entre vous sont déjà appelés à être prêtre, mais vous ne le savez pas encore.

Et si vous le savez, qu’est-ce que vous attendez pour venir voir un prêtre ou moi-même ?

 

Il nous faut comme prêtres, avec tous les chrétiens, avec l’appui des communautés religieuses, redire et montrer la grandeur du ministère de prêtres séculiers.

Appeler des prêtres, non pas « du pays », mais des prêtres « de pays », des prêtres qui ont le caractère et la trempe des gens d’ici, qui aiment passionnément le Tarn au point d’y donner toute leur vie.

 

Comme prêtres, agir, enfin, pour que nos communautés soient vraiment des communautés chrétiennes.

Pas comme de simples assemblées anonymes de consommation individuelle de messes, pas non plus comme de simples sanatoriums spirituels, où l’on est bien ensemble dans des sortes de cocons identitaires.

Mais des paroisses comme communion de communautés (telles que vous l’aviez défini dans l’intuition des fraternités).

Des paroisses comme communion de communautés de base à l’image des premières communautés des Actes des Apôtres où l’on est simultanément assidu à l’enseignement des Apôtres, à la fraction du pain et aux prières, à la vie fraternelle, au service des autres, en précisant bien sûr ce qui est bon et ce qui est neuf dans la Bonne Nouvelle.

 

Le presbyterium montre que l’on n’est pas chacun « le prêtre de tous », mais que nous sommes « membres d’un presbyterium au service de tous ».

Etre prêtre, c’est difficile, mais ce n’est pas plus difficile que de se marier ou de faire un choix de vie religieuse.

 

Demandons donc au Seigneur, et soutenons-nous les uns les autres, pour que chaque jour, nous ne « jouions pas au prêtre », mais que nous puissions dire chaque jour : « je suis prêtre ».

 

Quant à moi, je vous répèterais bien la formule connue de Saint Augustin : « avec vous je suis chrétien et pour vous je suis évêque ».

Mais je veux aussi renverser cette formule et vous demander :

Aidez-moi simplement à faire que si avec vous, je suis évêque, pour vous je reste chrétien.

Ensemble, passons sur l’autre rive !

 

+ Jean-Louis BALSA

Archevêque d’Albi

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