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Homélie Noël 2023

Chers amis,

Encore joyeux Noël à tous et à toutes, en espérant que ces fêtes, pour vous, sont du bonheur, et peut-être aussi un peu de tristesse, si jamais ça vous rappelle des bons ou des mauvais souvenirs. Mais aujourd’hui, donc, c’est à nouveau une espérance et une nouvelle naissance pour nous tous ici. Vous savez que dans le Credo, que nous dirons tout à l’heure, nous dirons de Jésus Christ qu’il est « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Je vous invite à passer quelques instants sur ce que nous venons d’entendre dans l’évangile de Jean, sur la divinité du Christ. Il n’est pas facile de croire en la divinité du Christ. Il n’est pas facile de croire qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Il y a un certain nombre de gens, dont nous ne faisons pas partie, bien sûr, qui peut-être ont la tentation de s’adresser tantôt au Père, tantôt au Fils ou tantôt au Saint Esprit, comme si c’était trois Dieu, ou en tous cas trois individus qui seraient composés à l’intérieur de Dieu ; un peu comme un gâteau qu’on couperait en trois et il y aurait un tiers pour chaque personne de Dieu.

C’est important de passer quelques instants dans cette fête de Noël, parce que l’enfant qui est né cette nuit, en fait, il provient de Dieu. Il y a eu une vieille hérésie dans les premiers siècles de l’Église, qui s’appelait l’arianisme. C’était issu d’un prêtre qui s’appelait Arius. Comme il était difficile de croire qu’il y avait trois personnes en Dieu et que le Fils était né éternellement du Père à l’intérieur de Dieu, Arius avait pensé que pour conjoindre tout cela, Jésus était un homme admirable, qui était au-dessus de la moyenne de tous les hommes, exceptionnel, et que Dieu avait fini par l’adopter comme son fils, pace qu’il correspondait vraiment à ce que Dieu voulait devant lui comme être humain. Dieu avait donc effectivement trouvé Jésus bien supérieur à tous les autres êtres humains qui avaient existé sur cette terre, et il l’avait fait Dieu. Il l’avait adopté comme Dieu. Évidemment, cette vision, permettait de garder l’unité de Dieu, de ne pas toucher à Dieu et, en même temps, d’intégrer Jésus en Dieu lui-même. Beaucoup de chrétiens des premiers siècles ont cru cela, parce que, justement, croire qu’il y avait trois personnes en Dieu n’était pas facile.

Pourquoi l’Église avait considéré que c’était une hérésie, au sens d’une erreur profonde ? Parce que, si c’était le cas, si Jésus avait été adopté par Dieu, cela aurait été très bien pour lui, mais si nous-mêmes devions être adoptés par Dieu, alors il nous aurait fallu être comme Jésus. Or, c’est impossible d’être, par nous-mêmes, comme Jésus. Impossible ! On avait d’ailleurs demandé à Jésus, dans l’évangile : « mais qui peut être sauvé ? », Jésus avait répondu : « autant faire passer un chameau par le chas d’une aiguille, plutôt que d’entrer, effectivement, dans le Royaume des Cieux » ; en ajoutant que, pour les hommes, c’est impossible. Un être humain ne peut pas se hisser à Dieu par lui-même. Peut-être que Jésus l’a fait, pensait le prêtre Arius, mais s’il l’avait fait, alors qu’en était-il, du coup, des pauvres qui, eux, n’auraient jamais pu relever la tête, n’auraient jamais pu se relever, n’auraient jamais pu faire ce chemin vers Dieu, tel que Jésus l’aurait fait s’il n’avait été qu’un homme. Cela aurait laisser sur le carreau tous les autres êtres humains qui, eux sont incapables de pouvoir relever la tête vers Dieu.

C’est pour cela que l’Église a toujours réaffirmé – et c’est cela que l’Évangile affirme aussi – que Jésus n’est pas un homme adopté par Dieu, mais il est Dieu qui s’est fait homme. C’est très important, car ce n’est pas nous qui allons vers Dieu, mais c’est lui qui vient vers nous en devenant lui-même un être humain. C’est pour cela que dans le Credo, tout à l’heure, nous dirons qu’il est « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Très important, parce que sinon, cela voudrait dire que Dieu ne s’est pas abaissé vers nous, mais qu’il attend que nous montions vers lui. Beaucoup de chrétiens n’ont pas eu ce bonheur de voir Dieu venir vers eux, mais plutôt essaient d’aller eux-mêmes vers Dieu, par eux-mêmes, et n’y arrivent pas. Parfois, des chrétiens, à longueur de confessions, s’accusent de ne pas pouvoir aller plus haut parce qu’ils se sentent limités. Ils oublient qu’ils n’ont pas à monter plus haut et que c’est Dieu qui vient vers eux, dans leur propre cœur pour les réconcilier avec lui.

Donc aujourd’hui, ce que nous fêtons, c’est justement la venue de Dieu vers nous et pas d’abord nous vers Dieu. Bien sûr, il y a notre réponse, nous ne sommes pas passifs. Nous avons reçu grâce après grâce, nous disait saint Jean. Vraiment, c’est lui qui vient vers nous, laissons-le et contemplons-le de cette manière, il est vraiment Dieu.

Ce qui s’est passé sur cette terre, il y a deux mille ans, en fait, Jésus nous révèle que, non seulement il vient de Dieu, mais qu’en plus de cela, Dieu est ainsi. Il est constitué comme quelqu’un qui n’arrête pas de sortir de lui-même, par amour, pour venir vers le monde. Il est constitué de cette manière-là. Vous savez que nous employons un mot grec qui est un peu compliqué et qui signifie que nous avons affaire à une descente, une « kénose ». L’épître aux Philippiens, donc saint Paul, nous rappelle que « Jésus qui était de condition divine, s’est abaissé, est devenu un être humain, s’est fait serviteur, et est allé jusqu’à la mort, et la mort sur une croix ». « Lui, qui était de condition divine », lui qui venait de Dieu, lui qui était Dieu. Ce qui s’est passé sous nos yeux, cette nuit, ce don de Dieu qui devient un être humain, c’est ce qui s’est passé éternellement, dans la naissance du Fils, éternellement, par le Père.

Il y a toujours eu un Père et un Fils en Dieu. Dieu ne s’est pas modifié la nuit dernière en devenant un être humain ; il aurait été Dieu et d’un coup il devient un être humain. Non. Toujours, Dieu à l’intérieur de lui-même a donné un Fils, par amour. Toujours, Dieu a donné sa propre divinité à quelqu’un d’autre à l’intérieur de lui-même. Ce quelqu’un d’autre c’est le « Verbe » dont nous parle saint Jean. Ce Verbe a toujours rendu à Dieu, son Père, cette divinité. Une kénose intérieure, nous dira le théologien Hans Urs von Balthasar – si vous le connaissez. Toujours Dieu le Père a donné sa divinité au Fils. Il n’a pas donné quelque chose, mais sa divinité elle-même, son identité. Toujours le Fils a rendu à Dieu le Père son identité, sa divinité. Et comme si cela n’avait pas été suffisant, un troisième, le Saint Esprit, regardait cela depuis toujours éternellement. Il a toujours authentifié que le Père et le Fils ne jouaient pas un jeu, mais étaient en relation par le Saint Esprit.

Aujourd’hui, réjouissons-nous. Regardons surtout Jésus comme Dieu fait homme. Ce n’est pas facile. Vous savez qu’un certain nombre de gens ne croient qu’en un seul Dieu, unique, monolithique ; ils sont devant lui de manière binaire : moi – Dieu, Dieu – moi. En fait, entre Dieu et moi, il y a le Christ et il y a aussi Dieu. Nos frères de l’Islam, intègrent eux-mêmes Jésus dans le Coran, mais pour eux, nous sommes des gens qui croyons en trois dieux. Effectivement, c’est difficile d’accepter que l’amour se donne, se reçoit et se rend. Il y a un tel respect de Dieu, que du coup il est très, très éloigné. Peut-être aussi, comme un certain nombre de chrétiens, parfois, les prières montent vers Dieu, mais n’ont jamais de réponse. En fait, les prières, n’ont pas à monter vers Dieu, elles ont à accueillir Dieu qui vient vers nous dans un vrai bonheur de l’Évangile.

Autant hier soir, nous étions devant un petit enfant, autant ce matin, grâce à saint Jean, grâce à cette liturgie, nous sommes devant ce Dieu qui donne éternellement un Fils, avant même la création du monde. Si nous sommes à l’image de Dieu, nous sommes à l’image de ce Dieu Trinité. Nous devons nous-même devenir une trinité devant Dieu, c’est ce qu’il nous propose. C’est pourquoi Jésus est venu sur notre terre, pour que nous-mêmes nous soyons à l’image de Dieu Trinité, Trinité d’amour, allant vers les autres de manière trinitaire ; jamais de manière unique, mais de manière trinitaire. C’est cela la fête de Noël aujourd’hui. Si d’aventure, les relations ne fonctionnent pas dans le monde, si les relations ne fonctionnent pas entre les êtres humains, c’est justement parce que nous ne ressemblons pas à la Trinité. Cette Trinité d’amour, rendons grâce à Dieu qu’il nous l’ait révélée, aujourd’hui. Tout à l’heure, quand nous dirons : « Il est Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, consubstantiel au Père », c’est tout cela que nous dirons de manière concentrée. Je vous invite, en cette fête de Noël, à le méditer.

Amen.

‍†  Mgr Jean-Louis Balsa
Archevêque d’Albi

 

Homélie en la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi
Messe du jour de Noël – lundi 25 décembre 2023