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Homélie de la messe d’installation

 

Chers amis, chers habitants du Tarn, et vous qui êtes de passage, et peut-être ici par hasard,

Me voici maintenant parmi vous et nous allons ensemble écrire une nouvelle page de la grande histoire de l’Eglise qui est dans le Tarn.

Nous allons passer ensemble sur une autre rive, non pas celle du Rhône à celle du Tarn, mais à celle qu’avait indiquée Jésus, la rive de l’autre côté du lac de Tibériade, lorsqu’il avait intimé aux disciples pour une énième fois de passer sur l’autre rive.

Cette traversée, nous allons donc la faire ensemble, mais comme sur le lac de Tibériade, il s’agit de faire cette traversée dans les grands bouleversements de notre époque, bouleversements auxquels notre diocèse n’échappe pas.

Notre époque et donc notre Eglise est affrontée à de grands bouleversements.

Des guerres, des peuples qui ne s’entendent pas, climat déréglé qui pousse des populations à chercher de l’eau et à migrer, des tremblements de terre, la montée des pauvretés, l’exclusions des différences, les replis sur soi, les vies de galère, les familles désunies, familles décomposées, recomposées, l’éclatement de la société, et particulièrement les doutes de notre société française, les antagonismes, politiques, sociaux, culturels, économiques, financiers. Et des médias qui à longueur de journée se nourrissent de toutes les peurs de notre époque.

Au cœur de tout cela qui pourrait nous entraîner dans un pessimisme absolu, dans une sorte de « tout est foutu », Jésus nous propose aujourd’hui dans cette cathédrale la solution en nous donnant ce qu’il y a de meilleur : nous venons de l’entendre dans l’Évangile, ce qu’il y a de meilleur, c’est le Pardon.

Jésus ne fait pas un prêchi-prêcha, ce qu’il propose, le Pardon, il l’a expérimenté et il est passé ainsi de la mort à la Vie.

C’est ce qu’il nous propose : par le Pardon, faire l’expérience de passer nous aussi de la mort à la Vie.

Les morts depuis la création du monde ne peuvent plus rien faire, mais nous qui sommes vivants aujourd’hui, nous pouvons réussir là où ils ont échoué.

Quant à notre présence maintenant dans ce monde, elle engage non seulement le présent, mais aussi l’avenir des êtres humains qui n’existent pas encore.

C’est pourquoi Jésus nous engage dans la voie du Pardon, inlassablement, 70 fois 7 fois ; c’est la seule solution pour que l’humanité redevienne humaine, à l’image de ce que Dieu est, c’est à dire une humanité bienveillante, amoureuse des autres et de soi-même, et respectueuse de la vie et de la création.

Mais comment faire pour que ce ne soit pas que de beaux vœux pieux ?

 

D’ABORD, REGARDER ET CONTEMPLER DIEU : IL AURAIT TRES BIEN PU NE PAS NOUS PARDONNER DE CE QUE NOUS AVONS FAIT DES AUTRES, DE NOUS-MEMES ET FINALEMENT DE LUI.

 

C’est pourquoi je vous invite, à nous rappeler et à contempler le mystère de la création voulue par Dieu.

Dieu qui est éternel et incréé a voulu que l’espace, le temps et la matière, les lois de la physique et des mathématiques, soient le préalable à quelque chose que Dieu a voulu grandiose :

Dans ce monde, une petite planète et ici, dans cette petite planète, l’émergence de la vie, des plantes, des animaux.

Et dans ces êtres vivants, l’apparition des êtres humains que Dieu a voulus à son image, montrant ainsi que Dieu a voulu nous donner quelque chose de Lui.

L’être humain : un projet à la dimension de Dieu, aussi sacré que Dieu, aussi infini que Dieu, aussi libre que Dieu, juste un peu moindre qu’un Dieu comme dit le psaume.

Contempler la création, c’est aussi la craindre, elle est fragile.

Souvenons-nous des paroles du philosophe Pascal qui disait :

« Le silence de ces espaces infinis m’effraie ».

Se sentir dépassé, petits devant la création, signe du grand Amour de Dieu.

Ce même Dieu qui a créé les mondes n’est pas aujourd’hui impassible, indifférent à ce pourquoi nous vivons ou à ce pourquoi nous mourons.

Ce que nous avons fait de ce monde créé, ce n’est pas ce que Dieu voulait.

Tout l’Ancien Testament est une protestation de Dieu contre nous, de nous contre Dieu, et Dieu ne cesse de nous proposer une nouvelle création.

Dieu ne voulait pas le mal, même si à cause de la liberté, il l’a rendu possible.

Même les lois que Dieu a données, les 10 commandements ont échoué et échouent encore.

Malheureux homme que je suis, dit Saint Paul : le mal que je ne devrais pas faire, je le fais. Le bien que je devrais faire, je ne fais pas.

C’est pourquoi, il y 2000 ans, au lieu de nous dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire, Dieu est devenu lui-même un être humain et il s’est engagé personnellement à être ce qu’il nous propose : être nous-mêmes de véritables êtres humains.

 

Cette incarnation de Dieu il y a 2000 ans, Dieu l’a payé très cher à cause de son amour pour nous. Il a été crucifié.

Dieu aurait pu clore l’histoire humaine.

C’est d’ailleurs ce que l’on reproché à Jésus : si tu es Dieu, tu n’a rien à faire avec le mal.

Souvenez-vous juste de la rencontre avec la femme adultère.

Dieu devant Dieu ouvre un espace de pardon possible, un avenir possible.

Et si elle recommence ? Jésus répond : le pardon 70 fois 7 fois.

 

Dieu nous laisse du temps, chaque fois que nous tombons, et agit avec nous par son Esprit Saint.

Son pardon est source de vie, de réconciliation avec soi-même, avec les autres, avec Dieu.

 

Qui est concerné par le pardon proposé par Jésus ? NOUS TOUS ICI PRESENT DANS CETTE CATHEDRALE, NOUS QUI REPRESENTONS L’HUMANITE.

IL Y A D’ABORD PARMI NOUS CEUX QUI SUBISSENT LE MAL

Vous ressemblez à ceux que Jésus a rencontrés :

Les pauvres, les malades, les exclus, les estropiés, les paralysés, les possédés, les incompris.

Finalement il s’agit de tous ceux qui parmi vous sont écrasés par ce que l’existence leur fait mener et qui finissent par penser que la mort est plus forte que la vie.

Jésus vous propose d’entrer dans le Pardon.

 

MAIS IL Y A PARMI NOUS AUSSI NOUS CEUX QUI FONT LE MAL

Là aussi, vous ressemblez à ceux que Jésus a rencontrés.

Finalement il s’agit de tous ceux qui parmi vous font du mal et qui finissent par mettre en œuvre la mort contre la vie.

Jésus vous propose d’entrer dans le Pardon.

 

Il est fort probable que nous tous dans cette cathédrale, nous soyons de ceux qui subissent le mal, ou de ceux qui font le mal, et peut-être sûrement les deux, tantôt l’un, tantôt l’autre.

 

C’est pourquoi Jésus a voulu l’Eglise :

Une Eglise composée d’un ramassis de gens peu fréquentables, mais qui osent honnêtement croire que la vie vaut mieux que la mort.

Une Eglise de gens qui osent se reconnaître petits et pécheurs, et qui demandent humblement à Jésus-Christ de leur donner son Esprit pour  les aider à transformer leur vie.

 

C’est pourquoi, Jésus a voulu venir dans le Tarn il y presque 1800 ans, non pas pour faire une association des amis de Jésus, mais pour que LUI à travers l’Eglise, continue d’agir par son Esprit comme il y a 2000 ans jusqu’à la fin du monde pour nous sauver aujourd’hui de la mort en mettant en œuvre le Pardon.

 

En s’incarnant en Jésus-Christ il y a 2000 ans, Dieu nous a montré le véritable être humain.

C’est cette vérité que le philosophe Pascal, cité par le Pape François a exprimée avec certitude :

« Non seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ, mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par Jésus-Christ.

Nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. Hors de Jésus-Christ, nous ne pouvons pas savoir ce qu’est notre vie ni notre mort, ni ce qu’est Dieu, ni ce que nous sommes ». Pascal, Pensées, n. 417.

 

C’est ce mystère que nous scrutons, nous les chrétiens de générations en générations.

C’est pourquoi, L’Église doit être le lieu du pardon.

Dans toutes nos paroisses du Tarn, nous avons la mission d’expérimenter le pardon.

D’abord en acceptant d’être déçus par l’Eglise, part les autres et par nous-mêmes, et plutôt on sera déçu, mieux cela vaudra.

La déception est salutaire car elle nous permet de vivre, non pas dans l’Eglise de nos rêves, mais dans l’Eglise telle que Jésus l’a voulue, faite d’homme et de femmes qui se reconnaissent pécheurs.

 

Pour expérimenter et mettre en œuvre le Pardon, l’Eglise doit être une véritable communauté comme les communautés décrites dans les Actes des Apôtres.

Notre diocèse, nos paroisses, nos mouvements, nos aumôneries, doivent se nourrir simultanément de la Parole de Dieu, de l’Eucharistie, avoir une vie vraiment fraternelle, servir les pauvres, et laisser Dieu évangéliser.

Si l’un de ces 5 essentiels vient à manquer, pardonner devient impossible.

 

Notre Eglise d’Albi doit pouvoir œuvrer à la réconciliation sans conditions, d’un monde divisé, de personnes divisées entre elles, de personnes divisées en elles-mêmes.

Nous avons de la marge : 70 fois 7 fois = 490 fois.

 

Et par dessus tout, rappelons-nous les paroles de Dietrich Bonhoeffer, théologien et Pasteur allemand exécuté par Hitler : «  si la terre a été jugée digne par Dieu de porter l’homme Jésus-Christ, alors il vaut la peine que nous vivions.

Si Jésus n’avait pas vécu, notre vie n’aurait pas de sens ».

 

Dieu nous a aimés au prix fort, ne l’aimons pas au rabais.

 

Jean-Louis Balsa
Archevêque d’Albi

en la cathédrale sainte-Cécile
Dimanche 17 septembre 2023
Messe d’installation