Je donne à l'Église
Agenda
Paroisses
Accueil Contacts

Homélie de la messe à la Grotte

Frères et Sœurs,

La liturgie de la Parole de ce dix-huitième dimanche du Temps Ordinaire nous a fait entendre en première lecture quelques extraits du Livre de Qohelet. Ce vieux sage semble d’un pessimisme absolu. Tout est vanité, tout est de la buée. À quoi bon travailler et souffrir si celui qui réussit vient à perdre son bien ? Pourtant, à la fin du livre de Qohelet, le même sage affirmera « Tout bien considéré, crains Dieu et observe ses commandements. Tout est là pour l’homme. » Cette vérité, dans sa simplicité radicale, n’a jamais été une évidence ni pour les juifs, ni pour les chrétiens.

Dans l’Évangile de ce jour, nous voyons qu’après que Jésus a refusé d’entrer dans un rôle d’arbitre pour régler un problème d’héritage dans une famille (rôle souvent rempli à l’époque par des rabbins), Jésus va élever le débat et mettre en garde ceux qui veulent accumuler des richesses en oubliant que, pour Dieu, ce n’est pas la quantité de l’avoir qui compte, mais la qualité de l’être.

Pour mieux se faire comprendre, Jésus raconte à la foule une parabole. Un homme riche, déjà comblé de biens, toujours avide de posséder davantage et de jouir de l’existence de manière égoïste et avare, entend le Seigneur Dieu l’interpeller : « Tu es fou, cette nuit même, on va te redemander ta vie. Ce que tu as amassé, qui l’aura ? » Inexorablement, la mort nous oblige à nous interroger sur notre cupidité. Qu’emporterons-nous au terme d’âpres querelles d’héritage, si courantes, même dans des familles chrétiennes ? Pour Jésus, le cupide est un fou, un insensé, quelqu’un qui ne réfléchit pas.

Le Christ est l’antithèse du riche. Il s’est fait pauvre en s’incarnant, en prenant notre condition humaine, se dépouillant de sa condition divine, pour nous enrichir de la vie même de Dieu. Totalement donné à son Père, totalement donné à ses frères humains, le sens de la vie pour Jésus ne saurait être de thésauriser, d’amasser pour soi-même. Aussi invite-t-il ses auditeurs à être « riches en vue de Dieu ». Pour lui, il ne s’agit pas d’amasser des trésors sur la terre, mais d’amasser des trésors dans le Ciel. De manière claire, il suggère à ses disciples de vendre leur biens, de donner en aumône : « Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. » (Luc 12, 33-34)

S’enrichir en vue de Dieu consiste à être riche en bonté, en humanité, en charité, comme le Christ. Si Dieu est notre trésor, nous savons que la richesse infinie de Dieu réside dans son don d’amour, dans son dépouillement de lui-même qui est le contraire de toute volonté d’avoir uniquement pour soi.

Il semble que les recommandations de saint Paul aux Colossiens soient toujours d’actualité : « Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. » (Col 3, 1) Frères et Sœurs, souvenons-nous que depuis notre baptême, notre vie reste cachée avec le Christ, en Dieu. Cela signifie que, par la puissance de l’Esprit Saint, le Christ vit en nous. Nous sommes devenus des créatures nouvelles, rendues capables, par lui, de faire mourir en nous ce qui n’appartient qu’à la terre. S’il est bien entendu légitime d’utiliser les biens de ce monde pour mener une vie digne, le chrétien sait que l’héritage que personne ne pourra lui ravir consiste à se laisser conduire par l’Esprit Saint, pour vivre comme un autre Christ, toujours soucieux d’agir par amour, aussi bien envers Dieu qu’envers tout prochain. Impossible à l’homme par ses propres moyens. Cependant, tournons nous vers sainte Bernadette. La bienheureuse Bernadette sur son lit de souffrances à la fin de sa vie, en brandissant son crucifix s’écriait : « C’est de lui que je tire toute ma force ! » et elle ajoutait « Celui-ci me suffit. »

Dans un monde difficile, marqué par de nombreuses injustices, les chrétiens comptant sur la force du Christ qui agit en eux, ont à proclamer par la parole mais surtout par les actes, que la véritable richesse et la plus commune est l’exercice de la charité, du partage équitable des biens que la Providence met à la disposition de l’humanité, c’est-à-dire de tous les hommes.

Frères et Sœurs, que l’Immaculé qui s’adresse souvent aux pauvres pour faire connaître le règne de son Fils notre Sauveur, obtienne aux pèlerins que nous sommes sur cette terre et aujourd’hui ici à Lourdes, un cœur de pauvre, comme celui de Bernadette, riche de Dieu avant tout.

Amen.

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

Messe à la Grotte de Massabielle, dimanche 31 juillet 2022

Approfondir votre lecture