Homélie de la Cène du Seigneur – Jeudi Saint

Frères et sœurs,

Ce soir nous faisons mémoire du dernier repas que le Seigneur Jésus a pris avec ses disciples. En célébrant la Pâque juive, c’est-à-dire en consommant l’agneau pascal en tenue de voyage selon les prescriptions de Moïse et d’Aaron avant de sortir d’Égypte, le Christ se donne en nourriture et en breuvage à ses apôtres. C’est lui désormais l’agneau qui sauve l’humanité entière par son sang. Tous ceux et celles qui se nourriront de son corps et de son sang constitueront un peuple nouveau, l’Église. Chaque baptisé vit dans la puissance de l’Esprit acquis en faveur de tout croyant par l’offrande de la vie du Sauveur sur la croix.

À chaque eucharistie nous sommes rendus contemporains du sacrifice de Jésus qui s’accomplit lors de la dernière Cène et sur la croix. Par amour le Seigneur Jésus livre sa vie humaine, souffre la passion et la mort sur une croix, afin que chaque être humain puisse vivre par lui et possède la vie même de Dieu. Jésus a aimé chacun de nous jusqu’à mourir dans des souffrances morales et physiques atroces. Saint Jean vient de nous le rappeler : « Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1). Dans son évangile, le disciple bien-aimé, ne nous rapporte pas la dernière Cène, mais avec une grande solennité le lavement des pieds.

Jésus a voulu donner sa vie pour chacun de nous en se faisant le serviteur, l’esclave de ses disciples. « Lui de condition divine …/… il s’anéantit lui-même …/… prenant la condition d’esclave …/… obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix » (cf. Ph 2, 6-8). Ainsi Jésus nous a montré la manière de nous aimer qui est la sienne : un don total de soi accomplit dans l’humilité. Après avoir lavé les pieds de ses disciples, le Seigneur nous demande : « Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns des autres » (Jn 13, 14). En outre, avant de se séparer des siens, Jésus leur laissera un commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34). Ainsi le programme de toute vie chrétienne est tracée. Sa réalisation n’est possible qu’avec l’aide du Seigneur qui nous en procure la force en se donnant à nous en nourriture et breuvage à chaque eucharistie. Selon sa demande, nous devons faire mémoire de sa mort et de sa Résurrection jusqu’à son retour dans la gloire, jusqu’à ce qu’il vienne ; c’est avant tout pour qu’il puisse demeurer en nous, afin qu’avec lui nous agissions comme lui.

Afin de se donner à nous, Jésus a demandé aux apôtres et à leurs successeurs de faire mémoire de lui en leur donnant cette capacité mystérieuse et inouïe qui n’échappait pas au saint Curé d’Ars : « Voyez la puissance du prêtre, la langue du prêtre, d’un morceau de pain, fait un Dieu ». Prions pour les prêtres du monde entier. Rendons grâce pour leur magnifique ministère car : « Le prêtre a la clef des trésors célestes », toujours selon saint Jean-Marie Vianney.

Le sacrement de l’ordre s’enracine dans l’institution de l’Eucharistie par le Christ. Puissions-nous avoir davantage conscience de ce trésor que sont le sacerdoce et l’Eucharistie, qui apportent le salut du monde entier par l’unique et infinie vertu rédemptrice du sacrifice de la Croix.

Prenons le temps ce soir de reproduire les gestes du Sauveur et de rester avec lui cette nuit pour lui exprimer notre adoration et notre reconnaissance, comme la liturgie de l’Église nous y invite.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

En la cathédrale Sainte-Cécile, Albi – 14 avril 2022

1ère lecture : Ex 12, 1-8.11-14
Psaume : 115, 12-13, 15-16ac, 17-18
2ème lecture : 1 Co 11, 23-26
Évangile : Jn 13, 1-15