Homélie de la messe chrismale
Frères et sœurs,
Nous célébrons cette année la messe chrismale dans une période de la vie du monde traumatisée par la violence de guerres meurtrières, particulièrement en Ukraine. Au plan national, encore touché par la pandémie de la Covid 19, nous appartenons à une Église marquée par la publication du rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église (CIASE). Tristement, notre diocèse s’est trouvé placé ces jours derniers sous les phares des médias qui ont dénoncé des actes pédocriminels, commis par un prêtre dans un passé peu lointain, mais qui demeure toujours terriblement et tragiquement présent pour ses victimes. Où que nous tournions la tête, nous nous heurtons aux scandales du mal qui écrase des innocents. Dans sa miséricorde l’Esprit du Seigneur nous rassemble ce soir pour contempler le seul véritablement innocent, celui qui a reçu l’onction de son Père et qui est son envoyé, son apôtre, pour réjouir de sa Bonne Nouvelle l’humanité entière, la libérer de toutes ses chaînes, lui rendre la vue et la libérer de toute oppression, la faire entrer dans des temps nouveaux.
Si le Messie selon la prophétie d’Isaïe est « enveloppé » de l’Esprit de Dieu pour accomplir sa mission, mieux encore, si l’Esprit divin l’imprègne et le possède, c’est pour qu’il puisse diffuser aux plus grand nombre la Bonne Nouvelle par des paroles et des actes. Les petits, les pauvres, les blessés et les humbles de ce monde attendent à toutes les époques de l’histoire de l’humanité, la libération et la consolation. En bon serviteur du Très Haut, Jésus est venu apporter grâce et paix à tous. Dans la synagogue de Nazareth, un jour de sabbat, Jésus affirme être celui évoqué par les livre d’Isaïe : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». Ne nous laissons pas enfermer par le spectacle cruel et troublant de notre monde contemporain, accueillons la Bonne Nouvelle du Seigneur, le seul souverain de l’univers, n’en déplaise à bien des puissants de ce monde.
Cette onction dont le Fils premier-né du Père est bénéficiaire et qui mystérieusement l’établit dans une relation unique à son Père et à l’Esprit, il ne l’a pas reçue pour la conserver pour lui seul, mais pour qu’elle devienne accessible à celles et ceux qui le reconnaîtront comme « le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre ». En célébrant la Pâque du Christ, nous attestons que Jésus « nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il fait de nous un royaume et des prêtres ». Par la grâce du baptême nous sommes tous devenus prêtres, prophètes et rois. L’Esprit Saint, en faisant de chacun de nous un autre christ, nous rend capables, si nous collaborons avec lui, d’offrir nos vies au Père, de faire connaître la Bonne Nouvelle par la parole et par des actes, enfin de servir nos frères et sœurs, à la manière de Jésus lavant les pieds de ses disciples.
Parmi ceux qui sont devenus enfants de Dieu par adoption, c’est-à-dire parmi les baptisés, certains sont appelés à recevoir une effusion supplémentaire de l’Esprit, signifiée par une onction avec le saint chrême, en recevant le sacrement de l’ordre. Ainsi, les prêtres sont configurés au Christ, prêtre souverain et éternel, à la fois tête du corps et pasteur du troupeau. Frères et sœurs, établis pour servir le peuple de Dieu avec générosité et zèle, vos prêtres vont renouveler au cours de cette célébration leur engagement pris au jour de leur ordination. Daignez prier pour eux en ce jour et souvent. Sachez aussi les entourer de votre amitié et collaborer avec eux au service de l’annonce de l’Évangile à tous, avec patience et persévérance, ainsi nous progresserons sur le chemin de la synodalité selon le vœu du Pape François. Je tiens pour ma part à exprimer ma reconnaissance à chaque prêtre et à chaque diacre œuvrant dans le diocèse pour la croissance du peuple de Dieu en ces temps difficiles.
Alors que les huiles pour les catéchumènes et pour les malades vont être bénies et que le saint chrême, signe de la présence de l’Esprit Saint, va être consacré, ensemble remercions le Seigneur qui nous communique au long des jours sa vie divine à travers le déploiement des sacrements. Habités par l’Esprit Saint, puissions-nous tous rayonner de charité et d’espérance. Osons partager autour de nous la joie d’être sauvés par l’amour du crucifié que le Père a ressuscité au matin de Pâques et qui nous entraîne à sa suite vers le Père des miséricordes.
Amen
† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi
En la cathédrale Sainte-Cécile, Albi – mardi Saint 12 avril 2022
1ère lecture : Is 61, 1-3a.6a.8b-9
Psaume : 88, 20ab.21, 22.25, 27.29
2ème lecture : Ap 1, 5-8
Évangile : Lc 4, 16-21