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Homélie pour la Nuit de Noël

Frères et sœurs,

Dans son récit de la naissance de Jésus, l’évangéliste Luc prend la peine de préciser avec détail l’époque et le lieu où est né cet enfant. Saint Luc nous rapporte un évènement bien situé dans l’espace et le temps ; il ne s’agit absolument pas de la narration d’un conte, mais de la venue au monde d’un personnage historique dont l’existence ne saurait être mis en doute par quiconque. La réalité de l’existence historique de Jésus de Nazareth est attestée par d’autres que ses disciples, en particulier par l’historien juif du Ier siècle, Flavius Josèphe.

Nativité, Fresque de Nicolaï Greschny à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). © Jean-Paul AZAM

Après cette introduction tout à fait réaliste, le récit atteint une dimension extraordinaire pour dépeindre l’originalité propre de l’évènement. La naissance semble se passer sans difficulté particulière, malgré l’absence d’accueil dans la ville de Bethléem pour une jeune femme sur le point d’accoucher. Finalement, une grotte, comme il y en a de nombreuses autour du village de Bethléem, accueillera la Sainte Famille. Ces grottes sont habituellement et toujours le refuge de troupeaux. Et voilà que le Ciel, par l’entremise d’un ange, fait irruption et fait alors connaître à des bergers l’évènement qui va changer le cours de l’histoire du monde. Le Ciel dévoile à des gens méprisés en Israël – les bergers –, la naissance du Messie attendu depuis des siècles par le peuple élu. Il faut savoir que les bergers étaient considérés comme impurs par les juifs pieux en raison de leur contact habituel avec des animaux. Ils ne pouvaient se rendre au Temple pour prier. Or, c’est à eux en premier lieu, que la Bonne Nouvelle tant espérée est annoncée. Elle sera dit l’ange« une grande joie pour tout le peuple ». Des pauvres, des êtres méprisés sont les premiers adorateurs du Messie, le fils de Dieu et de Marie. En se rendant au lieu indiqué par l’ange, ils entendirent une troupe céleste innombrable chantant la gloire de Dieu et révélant la compassion du Père des miséricordes pour notre monde : « Paix sur la Terre aux hommes qu’Il aime », aux hommes que Dieu aime.

Dieu permet donc que la naissance de son fils se réalise dans la simplicité, une simplicité pleine de dépouillement, après que Marie et Joseph ne trouvent que des portes fermées. Puis le même Seigneur désire d’abord faire connaître son fils bien-aimé aux petits de ce monde. Ce que Dieu a voulu dans le passé, demeure aujourd’hui d’actualité. Le Seigneur nous connaît. Il sait qui nous sommes des pauvres, des pécheurs, des êtres fragiles, aveuglés par toutes sortes de mirages, d’inquiétudes, de peurs. Le spectacle du monde est loin d’être rassurant avec son cortège de maux : pandémie, violence et injustice dans nombre de pays, guerres et fléaux naturels. Les scandales d’abus de toutes sortes dans l’Église et la société accablent et révoltent. Les ténèbres et un brouillard épais paraissent s’installer, laissant peu d’espoir de voir se lever sur notre monde une aurore sans nuages sombres.

Frères et sœurs chrétiens, je vous invite en cette nuit très sainte, à sortir de la morosité. Cessons de nous laisser bercer par des médias qui voudraient penser à notre place jusqu’à nous plonger dans l’obscurité de la dépression. Mettons-nous à l’écoute de saint Augustin qui nous exhorte ainsi : « Célébrons dans la joie l’avènement de notre salut et de notre rédemption. Célébrons le jour de fête où, venant du grand jour de l’éternité, un grand jour éternel s’introduit dans notre jour temporel si bref ». Pour cette célébration à laquelle nous sommes invités, mettons-nous à l’école du bienheureux Charles de Foucauld, qui sera canonisé en mai prochain. Après avoir communié à la messe de minuit, il s’adressait ainsi au Seigneur : « Vous vous êtes donné à moi, vous êtes entré en moi comme vous êtes, il y a environ mille neuf cents ans, entré dans le monde. Mon Seigneur Jésus, le monde ne vous a pas reçu. Oh ! Je veux vous recevoir …/… Ai-je mieux à vous offrir qu’une grotte froide, obscure, souillée, habitée par le bœuf et l’âne, par la nature brutale, les pensées terrestres, les sentiments bas et grossiers. Hélas ! Mon Dieu, je le reconnais, c’est la triste hospitalité que je vous offre …/… Ce que je n’ai pas fait, faites-le, Seigneur Jésus. Illuminez cette grotte de mon âme, ô divin soleil ! Réchauffez-la, purifiez-la. Vous êtes en elle, transformez-la par vos rayons ».

Frères et sœurs, n’ayons pas peur de faire de notre cœur ce soir une crèche. Vous l’avez compris, l’amour divin est attiré par ce qui est humble et pauvre. De manière gratuite il désire nous enrichir de sa présence, nous apporter la paix et la tendresse de son Père. Par l’envoi de son divin fils jusqu’à nous, dans notre humanité, il désire que nous devenions enfants de Dieu, dès maintenant et pour l’éternité.

De manière inattendue, il faut le reconnaître, et imprévue par la pensée humaine, en cette nuit s’est manifestée la gloire de Dieu sur le visage d’un nouveau-né tout à fait ordinaire. Venez, adorons-le ! Accueillons-le ! Laissons-le imprégner de sa lumière tout notre être pour « vivre dans le temps présent avec justice et piété ». À la suite des bergers, sachons partager notre joie et la Bonne Nouvelle à tous ceux et celles qui aujourd’hui encore l’ignorent.

La vie divine fait aujourd’hui irruption dans notre humanité blessée, y apportant l’immense espérance du salut. Sachons témoigner de cette joyeuse espérance. Louons le Seigneur ! Rendons grâce à notre Dieu plein de bienveillance envers chacun de nous qu’il aime !

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

1ère lecture : Is 9, 1-6

Psaume : 95

2ème lecture : Tt 2, 11-14

Évangile : Lc 2, 1-14