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Elections 2017

Tous les chrétiens doivent prendre conscience du rôle particulier et propre qui leur échoit dans la communauté politique : ils sont tenus à donner l’exemple en développant en eux le sens des responsabilités et du dévouement au bien commun ; ils montreront ainsi par les faits comment on peut harmoniser l’autorité avec la liberté, l’initiative personnelle avec la solidarité et les exigences de tout le corps social, les avantages de l’unité avec les diversités fécondes.

Pour que tous les citoyens soient en mesure de jouer leur rôle dans la vie de la communauté politique, on doit avoir un grand souci de l’éducation civique et politique ; elle est particulièrement nécessaire aujourd’hui, soit pour l’ensemble des peuples, soit, et surtout, pour les jeunes.

Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et spes n° 75

Entre les deux-tours des élections présidentielles, Monseigneur Georges Pontier, archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France répond aux questions fréquemment entendues depuis le premier tour.

On vous reproche de ne pas orienter clairement le vote des catholiques pour tel ou tel candidat. Que répondez-vous ?

Je constate que ces reproches viennent de tous côtés, des soutiens des deux candidats en lice pour le deuxième tour qui aimeraient que l’on choisisse leur candidat. Il y a aussi les partisans de l’abstention ou du vote blanc qui voudraient que l’on soutienne ce choix. Je comprends que l’on puisse être désorienté face à la tournure qu’ont pu prendre les débats. Il faut reconnaître qu’il est difficile de se forger une opinion dans ce climat hystérisé. Mais qu’est-il plus facile : dire de voter pour tel ou tel ou inviter à la réflexion et au discernement ? Dans cette ambiance, il me semble que le rôle de l’Église est, plus que jamais, de ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre candidat mais de rappeler à chaque électeur ce que notre foi nous invite à prendre en compte. C’est ce que nous avons fait dès le soir du premier tour. L’Église est un acteur de notre société, elle y joue un rôle, le sien, différent de celui d’un groupe partisan : c’est ce rôle que nous avons rappelé. Il appartient alors à chacun d’exercer, en conscience, son discernement propre et de voter. Nous n’avons pas à le faire à sa place.L’Enseignement de l’Église nous dit qu’il est important de prendre en compte des critères que nous avons rappelés : le respect de la dignité de toute personne humaine, l’accueil de l’autre dans sa différence, l’importance de la famille et le respect de la filiation, la nécessité de respecter la liberté de conscience, l’ouverture au monde, la juste répartition des richesses, l’accès au travail, au logement… Aucun programme ne remplit tous ces critères. C’est donc à chacun, à la lumière de l’Évangile, d’effectuer sa propre pondération et de voter en conscience. Ne retenir qu’un seul critère ne peut suffire à fonder entièrement un vote.

Quel est le rôle et la responsabilité des évêques par rapport au vote des catholiques ?

Vous avez raison de dire : « vote des catholiques » car il n’y a pas de « vote catholique ». Chacun de mes frères évêques exerce sa mission et estime, en son âme et conscience, ce qu’il doit dire aux catholiques de son diocèse. Ils l’ont fait en 2002, ils sont nombreux à s’être exprimés depuis le premier tour, ce qui est heureux. C’est ainsi qu’ils exercent leur rôle et assument leur responsabilité auprès des catholiques. L’exercice de cette responsabilité façonne notre Église dont la richesse même est d’être faite d’opinions et de tendances variées. Les évêques sont aussi des pasteurs, responsables d’un peuple et tout en respectant sa diversité, ils doivent veiller sans cesse à son unité en lui rappelant que seul le Christ est notre sauveur et notre lumière. Nous ne nous ferons pas voler notre idéal par des passions passagères.

Est-il légitime de s’abstenir aujourd’hui ?

Je redis l’importance du vote… tant de peuples en sont privés ! Même si la tentation de l’abstention peut se comprendre comme l’expression d’une grande insatisfaction, il me paraît important de continuer à exercer sa responsabilité de citoyen. S’abstenir peut favoriser l’élection d’un candidat. Au second tour, la responsabilité du citoyen est grande. Elle ne peut pas se retirer. Il y a quand même des différences profondes entre les deux finalistes. Nous avons la chance d’être dans une démocratie, notre voix compte.

Des groupes de Chrétiens s’expriment. Représentent-ils la parole de l’Église ?

Des associations, des mouvements mais aussi des personnalités chrétiennes annoncent leur choix de vote ou indiquent des critères. En s’exprimant ainsi, ils ne représentent pas l’institution en tant que telle. Leur droit à prendre cette parole s’enracine précisément dans le fait qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Ils font – et annoncent – le cheminement que nous proposons à chaque électeur : celui de connaître l’enseignement social de l’Église et de le prendre en compte au regard de sa propre liberté. La responsabilité du vote reste celle de chacun, seul dans l’isoloir face au choix.

Quel est le rôle de ces élections dans la vie politique française ?

Pour nous, chrétiens, ces élections sont un jalon très important de notre vie démocratique. Elles s’inscrivent dans un processus qui doit garantir la paix sociale, l’unité de notre nation, la prospérité au service de tous. Mais l’élection présidentielle ne saurait être considérée comme une fin en soi. Notre pays est aussi conduit par nos députés, nos sénateurs, nos élus locaux. Après ce scrutin, il faudra aussi s’intéresser aux suivants et continuer à participer à la vie démocratique. J’ajoute que la participation des chrétiens dans la vie de notre société se mesure aussi, chaque jour, dans de multiples engagements. Notre pays est aussi construit par ces millions de personnes qui s’engagent, souvent gratuitement, au service des autres. Ils montrent que notre devoir de citoyen ne s’arrête pas à la sortie du bureau de vote.

Comment vivez-vous cette situation politique ?

La position de la Conférence des évêques de France n’est pas simple. Il serait plus facile de donner une consigne de vote. Les évêques s’y refusent depuis 45 ans et il faut avouer que, bien souvent, ceux qui nous en demandent souhaitent qu’on leur dise ce qu’ils ont envie d’entendre. L’Église croit en la valeur du politique qui ne saurait se rabaisser à des invectives et des postures. L’injure, la déformation, l’instrumentalisation de propos ne sont pas dignes du débat. Nous l’avons dit avec force en octobre dernier dans le document du Conseil permanent : « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ». A-t-on, alors, été écouté ? Après, il faudra sans doute que les politiques s’interrogent pour savoir comment nous en sommes arrivés à cette situation inédite où plus de 40% des français au premier tour ont voté pour des extrêmes. J’ajouterai en guise de conclusion une invitation à la confiance, à la fraternité, à la responsabilité. La devise de notre pays est belle : liberté, égalité, fraternité. Elle est entre nos mains de citoyens.

A l’issue du résultat du premier tour des élections présidentielles, la Conférence des évêques de France rappelle différents points évoqués à de nombreuses reprises au cours des derniers mois.

SUR LE ROLE DE L’EGLISE CATHOLIQUE

A la lumière de l’Evangile qui inspire son Enseignement social, l’Eglise catholique veut éclairer les consciences en donnant des éléments pour le discernement. Ainsi, n’appelle-t-elle pas à voter pour l’un ou l’autre candidat mais, en rappelant les enjeux de l’élection, elle souhaite donner à chacun des éléments pour son discernement propre.

Elle redit l’importance du vote : acte citoyen, acte responsable dans une démocratie.

Elle replace ce scrutin présidentiel dans un processus démocratique qui ne s’y limite pas mais qui se prolongera dans les législatives (juin) et les sénatoriales (septembre) ; qui se traduit aussi dans d’autres formes de participation à la démocratie (démocratie participative locale, fonctionnement associatif) ; et qui s’accompagne enfin de l’engagement des citoyens dans la vie sociale.

LES FONDAMENTAUX POUR AIDER AU DISCERNEMENT

Dépositaire du message de l’Evangile qui inspire l’Enseignement Social, l’Eglise catholique en rappelle certains principes fondateurs comme la recherche du bien commun, la destination universelle des biens, la mise en œuvre de la fraternité, l’attention aux plus fragiles, la dignité de la personne humaine et la subsidiarité.

Un an avant le scrutin présidentiel, en juin 2016, dans une déclaration, le Conseil permanent avait souligné 7 points, autant de critères, dans le cadre de cette élection, pour exercer un discernement.

Pour que notre démocratie ne se transforme pas en société de violence, il faut favoriser un véritable débat national sans posture, petite phrase, ni ambition personnelle ; un débat favorisé par un rôle ajusté des médias, qui n’amène pas à l’hystérisation ; un débat dans lequel le fait religieux a une place et les religions ont un rôle.

Quelle société voulons-nous construire ? A quel projet de société pouvons-nous aspirer ? Nous croyons en une société où l’être humain est plus qu’un élément du processus économique ou technologique. La dignité de notre société se reconnait au respect des plus faibles de ses membres depuis le début de leur vie jusqu’à leur fin naturelle.

C’est par un véritable pacte éducatif que les familles et l’école se rapprocheront alors qu’un climat de concurrence ou de méfiance ne peut que les éloigner. Et c’est en soutenant la famille, tissu nourricier de la société, en respectant les liens de filiation, que l’on fera progresser la cohésion sociale.

Une société vivante repose nécessairement sur la recherche du bien commun et la mise en œuvre de moyens de solidarité efficaces. L’État doit intégrer la solidarité dans la construction du projet de société et mettre en œuvre concrètement sa préoccupation des plus pauvres, des personnes âgées, des personnes handicapées, des chômeurs. Négliger les plus fragiles revient à diviser la société. L’État doit donc gérer positivement la tension entre un libéralisme sans contrôle et la sauvegarde des mécanismes de protection sociale.

Concernant les migrants, l’accroissement du phénomène migratoire, dû à de nombreux facteurs, est un constat, pas un combat. Quand certains pays accueillent des millions de réfugiés, comment notre pays pourrait-il reculer devant la perspective d’accueillir et d’intégrer quelques dizaines de milliers de ces victimes ? Notre volonté de solidarité ne peut pas se réduire au cadre restreint de notre pays.

La solidarité doit aussi s’exercer au niveau européen : l’Europe doit s’engager courageusement dans des politiques d’accueil. Elle doit, parallèlement, mettre en œuvre de véritables programmes de soutien dans les pays d’origine des migrations.

C’est une véritable adhésion des peuples d’Europe au projet européen qu’il faut favoriser. Et cette adhésion suppose de respecter davantage le fait historique et culturel des nations qui composent le continent. Enfin, il faut définir et entrer dans une véritable pratique de la subsidiarité où chaque niveau (États, Europe) exerce les responsabilités qui lui incombent.

Enfin, ainsi que l’a rappelé le Pape François dans son encyclique Laudato Si (mai 2015) ainsi que les états participants à la Cop 21 à Paris (décembre 2015), nous avons une responsabilité commune envers l’humanité et les générations à venir sur le plan écologique.
La sagesse nous invite à revoir urgemment nos modèles de consommation et à inventer un monde moins destructeur et plus juste.

Aujourd’hui, le risque principal serait de renoncer à lutter pour l’avenir et de céder à la tentation du fatalisme.

Notre foi chrétienne nous appelle à l’Espérance : les difficultés que nous rencontrons ne sont pas un appel au renoncement. Au contraire, elles nous invitent à investir toutes nos capacités pour construire une société plus juste, plus fraternelle dans ses diversités et plus respectueuse de chacun.

Mgr Olivier RIBADEAU DUMAS
Secrétaire général et Porte-parole

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