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Séjour au Népal : 2 – Une célébration du «bouddhisme tibétain» pour des défunts

 

Précédemment : « Séjour au Népal : 1 – Swayambhunath, lieu bouddhiste de Katmandou« 

 

  Fr Nathanaël, moine d’En-Calcat, poursuit :

                « À Swayambhunath, j’ai découvert une autre forme du bouddhisme tantrique, celui que nous connaissons davantage comme le « bouddhisme tibétain ».

Je l’ai approché dans un monastère (gompa) lors d’une puja (culte, offrande) célébrée pour des défunts.

 

Lors d’une puja à Katmandou

    Cette puja avait été demandée par une nonne bouddhiste américaine qui vit auprès de cette gompa depuis quarante ans.

Les défunts étaient des occidentaux dont les photos furent disposées de façon visible sur un support papier avant d’être brûlées au cours de la cérémonie, après que les moines nous eurent communiqué les noms des morts.

 

    Ce culte pour les défunts m’a rappelé qu’au-delà de toute croyance, philosophie ou religion, l’homme achoppe devant le mystère de la mort et refuse de s’y soumettre.

Et c’est bien là ce qui l’anoblit, l’élève et le transcende dans sa finitude lorsqu’il pressent un « après la mort », un « au-delà du corps ».

Il ne peut se résoudre à sa fin définitive sans envisager une vie autre, une vie nouvelle, une vie éternelle ; une bodhi pour les bouddhistes, une moksha pour les hindous, une résurrection pour les chrétiens ou les musulmans.

Il ne peut se résoudre, lorsque son corps sombre dans la nuit de la dégradation, à ce que son âme ou son esprit ne s’éveille à une lumière libératrice, à une béatitude éternelle, à une paix divine.

Irrésolu face à la mort, l’homme l’apprivoise dans ses cultes funéraires, ses rites funèbres, sa prière pour les défunts.

Au fond, il pressent que les morts ne sont jamais vraiment morts.

Leur souffle évanoui trouve encore à murmurer une brise légère par leur présence dans la mémoire des vivants. Ils demeurent dans le cœur de ceux qui se souviennent d’eux, les honorent et les encensent à travers cultes, hommages, discours, panégyriques…

La mort n’est pas une fin, elle est un passage, un nouvel horizon pour tous ceux qui gisent au fond de sa solitude.

« Qui donc vivra sans voir la mort ? » (Ps 89, 49)

    

    Durant ce culte, quatre moines bouddhistes officiaient :

le célébrant principal avec un assistant à côté de lui.

Deux autres en vis-à-vis faisaient sonner à certains moments des cymbales et un tambour (dans d’autres monastères tibétains, il y avait aussi des conques et des trompettes).

Tous scandaient des mantras, formules sacrées permettant de convoquer la divinité en étant dotées d’un caractère magique.

 

Un mantra en tibétain

Les mantras peuvent être répétés comme des litanies.
Le but de cette puja était de libérer les âmes défuntes des dernières traces karmiques négatives de la vie passée pour leur permettre une renaissance la meilleure possible.

Le karma est la « loi des actes » par laquelle toutes les actions et pensées produisent des effets et déterminent ainsi le cycle de la transmigration de l’âme et sa renaissance qui ne sera pas nécessairement dans une forme humaine.

    Les moines étaient assis devant des meubles bas sur lesquels étaient disposés des feuillets rectangulaires avec les mantras.
Entre eux, trônait la statue de Maitreya, le boddhisattva du futur, dont on attend la venue.

Les boddhisattva sont des êtres qui, par compassion, ont renoncé temporairement à la jouissance de leur état d’éveillé et restent dans le monde pour aider toutes les créatures vivantes à atteindre l’Éveil. 

    Au fur et à mesure de la puja, le célébrant principal utilisa divers objets : bougies, plume de paon, éventail… et, en particulier, deux instruments beaucoup plus remarquables : le vajra et une clochette.

Le vajra, « diamant » ou « éclair », est un court objet en bronze dont les extrémités se terminent par plusieurs pointes recourbées au nombre variable et formant des arcs.
Il symbolise la stabilité, la fermeté de l’esprit, son indestructibilité, mais aussi la vacuité qui demeure lorsque les apparences ont disparu.

Tenu dans la main droite, il est associé à la clochette, elle tenue dans la main gauche, et tous les deux symbolisent respectivement les principes mâle et femelle.

 

Le moine bouddhiste qui présidait, dans sa main droite le vajra et dans sa gauche une clochette

    Avec ces instruments, une autre dimension du culte bouddhiste ou hindou, m’est apparue : celle de la gestuelle des mains.

Ces gestes sont les mudra, des « sceaux » ou « signes » ; ils symbolisent de façon codifiée des êtres, des sentiments ou des événements.
Le bouddhisme les associe à des attitudes mentales du Bouddha et des épisodes importants de sa vie, ou encore à des divinités particulières du panthéon tibétain.

    Comme dans toute liturgie, le corps et l’esprit sont requis et articulés avec discipline et ordre pour viser à une efficacité du culte lors de l’invocation des divinités.
Ceci est le fruit de longues années d’initiation commencée dès l’enfance. 

 

Un bouddha à Muktinah

    

    Ce qui me frappa aussi de façon plus générale, fut la force du mythe : l’évidence historique pour des faits spirituels n’a aucune pertinence dans le monde bouddhiste et hindou.

En revanche, l’expérience spirituelle profonde et rayonnante de personnalités mystiques exceptionnelles telles que le Bouddha, Padmasambhava dans le bouddhisme, ou Ramakrishna et son disciple Vivekananda dans l’hindouisme, imprime les esprits et la vie de ceux qui les invoquent au point de nourrir leur vision et leur perception du réel.

Et si tel grand mystique fait l’expérience rayonnante du dieu Krishna, alors il peut en rendre vivante et perceptible l’existence auprès de tous ceux qu’il côtoie.

C’est une force spirituelle qui peut défier l’esprit rationnel et historique occidental.

Au demeurant, c’est un phénomène que nous retrouvons en christianisme avec les grands mystiques qui font l’expérience du Christ.
Ainsi, « les vérités spirituelles sont plus hautes que les faits historiques ».

Et ces vérités spirituelles si hautes entraînent par leur force, depuis des millénaires, des femmes et des hommes dans un mouvement continu de pèlerinages.

Animés d’un puissant désir de salut, de délivrance, ils partent sur les routes et chemins en quête du Divin, de l’Absolu vers les fleuves et les montagnes, vers des lieux sacrés qu’ils atteignent parfois après des milliers de kilomètres. » 

 

Un Mandala situé au plafond d’un lieu de culte

            A suivre : 3) Muktinath, centre de pèlerinage hindou vishnouite