Nouvelles d’Alep envoyées par les Carmélites les 7 et 19 février

•      Carmel d’Alep, le 7 février 2023

« Bien chers tous… de partout !

la catastrophe a commencé hier matin à 4H1/4, heure de Syrie et a touché le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, avec une magnitude de 7, 8 !
L’une de nous disait son chapelet dans le préau lorsque le séisme a commencé.
Puis les sœurs sont sorties de leurs cellules les unes après les autres…

A Alep, et dans notre Carmel en particulier, nous l’avons senti très fort.
Dans le monastère lui-même, nous ne comptons que quelques dégâts matériels : la construction est solide !

Les dégâts sont beaucoup plus importants en ville, avec des effondrements d’immeubles, de minarets, des églises endommagées…

Nous nous sentons revenues en plein cœur de la guerre… Nous avons appris qu’un prêtre grec-catholique, le P. Emad Daher, est sous les décombres d’un immeuble.
Aux dernières nouvelles, datant d’hier lundi en fin d’après-midi, il est décédé des suites de ses blessures.
Merci de prier pour le repos de son âme.
C’était un prêtre libanais, tout donné à son apostolat à Alep.
Il est très regretté par tous.
Un évêque et un autre prêtre ont été enfouis mais ils ont été sauvés ; leurs cas ne sont pas graves, grâce à Dieu.

Dans toute la Syrie (surtout Alep, Hama, Lattaquié et le nord du pays) il y a, à cette heure, deuxième jour après le cataclysme, des milliers de morts.
Une pluie incessante rend plus difficile encore la délivrance de toutes les personnes enfouies sous les ruines des immeubles ou bâtiments.

A l’heure qu’il est le soleil se lève timidement, souvent couvert par des nuages.
Mais la météo annonce pour ces jours-ci du soleil, mais avec un froid vif avec -3/- 4° la nuit…
C’est épouvantable pour les personnes encore ensevelies !

Une deuxième forte secousse, hier après-midi, nous a tous ébranlés, au propre et au figuré…
La magnitude était de 7, 5. Mais comme l’épicentre était plus au nord, nous l’avons un peu moins senti.

La terre tremble encore un peu, ce qui fait que les gens vivent une sorte de traumatisme perpétuel.
Parmi nos familles et connaissances, pas de victimes, -grâce à Dieu.

Hier soir, la plupart des gens habitant des appartements à étages n’ont pas voulu rentrer chez eux.
Ils avaient trop peur.
Certains avaient d’ailleurs des habitations démolies ou très endommagées.
Les institutions d’état ou religieuses (écoles, centres d’accueil, églises et communautés) ont largement ouvert leurs portes pour accueillir tous ces sans-abri.

Nous-mêmes avons accueilli plusieurs familles qui se serraient les unes contre les autres, avec des couvertures et des matelas de misère… ils ne demandaient qu’à dormir !

Lundi soir, c’est encore bien troublées que nous avons abordé la nuit.
Il fallait en passer le cap …

En ville tant de gens disaient que cette nuit serait pire que la précédente !
La panique générale augmentait.
Grâce à Dieu, ce cap est passé.
Nous avons senti des secousses, mais légères, et la fatigue et le sommeil ont été finalement les plus forts.
Il n’empêche que nous sommes encore tous sur nos gardes…
Et aujourd’hui, nos jambes sont encore flageolantes !

Au fur et à mesure que passent les heures, les nouvelles se font plus précises et plus dramatiques.
Dans la seule ville d’Alep, le bilan est très lourd.
Les dégâts matériels paraissent davantage avec leur lot toujours grandissant de victimes.
Les foules sont encore paralysées et traumatisées, surtout les enfants, les personnes âgées, les malades.

Ce qui est encourageant, ce sont les secours qui arrivent de partout.
Grâce à Dieu il n’est plus question alors de politique !!!
Un être qui souffre est toujours un frère.

Continuons de prier pour que Dieu nous vienne en aide, avec la Sainte Vierge et tous les saints, que le cœur des gens soit apaisé et que leur foi et leur espérance soient partout renouvelées.

Nous n’avons mentionné qu’Alep.
Mais nous n’oublions pas la Turquie où les dégâts sont encore plus grands, ni le reste de la Syrie.
Merci de prier pour nous tous, afin que cette épreuve renforce notre confiance inébranlable en la Providence de notre Père du ciel.
Nous vous remercions encore de tous vos gestes d’affection et de communion. »

•     Nouveau message écrit par sœur Anne-Françoise au nom de toutes :

 » Le vendredi 10 février :

Ces deux dernières nuits, surtout celles-ci, sont glaciales (-4 et -5°).
Je ne cesse de penser à tous les sinistrés qui n’ont pas encore été libérés et qui ont de moins en moins de chance d’être libérés, hélas !

Ce matin, nous avons eu la messe avec un prêtre arménien qui vient tous les vendredis.
Il nous a dit qu’il voulait offrir en premier la messe en action de grâce car c’est au cœur de ce dramatique séisme qu’il a senti le plus la proximité de Dieu.
Cela m’a beaucoup émue.

Le Président Bachar El Assad vient à Alep avec sa femme, pour voir les lieux sinistrés et consoler les Alépins.
Sa visite fait du bien aux habitants qui se sentent moins abandonnés.

Dimanche 12 février :

Trois membres de l’Ordre des Chevaliers de Malte assistent à la messe.
Ils travaillent au Liban (deux Libanais et un Français)
Nous les voyons un peu après la messe.
Ils voudraient organiser un « couloir humanitaire » et projettent des aides régulières pour la Syrie.

Merci, Seigneur, pour tous ceux qui viennent en aide aux malheureux !
C’est Toi-même qu’ils consolent !

Le 14 février :

Le temps est encore glacial la nuit…

Dans la nuit de jeudi 16, une grosse secousse a effrayé encore les gens.
Certaines familles avaient commencé à revenir chez elles, et elles sont revenues chez nous le lendemain matin, redoutant de nouveaux effondrements.

Grâce à Dieu, des ONG et des aides ecclésiales arrivent pour des secours immédiats et surtout essayer de redonner l’espérance et la paix à une population qui n’en peut plus.

Au Carmel aussi, il est vrai que les journées sont bien pleines, avec ce qui continue d’arriver : repas tout préparés, conserves…
Nous recevons également des matelas en mousse, des couvertures, des anoraks pour les enfants…
Il faut gérer tout cela équitablement pour ne pas faire de drames entre les familles !

Les gens commencent à rentrer chez eux.
Pour certains, cela peut être risqué, mais ils n’ont pas le choix.
Ils en ont assez d’être dans des refuges de misère.
Parfois, ils sont les uns sur les autres et doivent dormir sur des chaises car il n’y a pas de place.

Ce matin, nous avons été très émues par une nouvelle détresse.
Un pauvre que nous connaissons gagne sa vie comme chauffeur de taxi.

Or sa voiture a été écrasée lors de l’effondrement d’un immeuble. Il en avait pour 1 000 000 LS de réparation !!!  (Environ 380 € ; pour vous donner une idée de cette somme, un salaire de fonctionnaire ne dépasse pas 200 000 LS… et c’est déjà beau quand les familles ont cela !)
Notre pauvre, « Abou Elias », est marié, a deux enfants et a à sa charge sa maman qui a perdu son appartement lors du séisme.
Grâce à toutes les offrandes que nous recevons déjà de vous et de partout, nous allons pouvoir payer cette dette…
Hélas, des exemples comme celui-ci ou approchants se comptent par centaines !

Nous sommes tellement reconnaissantes aux personnes, communautés, organismes qui nous aident, nous ou bien d’autres organisations ou familles.
C’est vraiment « apocalyptique » en ville…
Ce qui nous fend le cœur, ce sont les victimes encore sous les décombres.
Peut-être en y a-t-il qui sont encore en vie ?
Il y a de moins en moins de probabilité pour cela maintenant, et pourtant on en retire chaque jour !!!

Aujourd’hui, le nouveau Préfet pour la Congrégation des Églises orientales, Mgr Claudio Gugerotti, est à Alep pour prendre connaissance de l’épreuve qui a touché le sud de la Turquie et le nord de la Syrie.
Il va être très pris partout.

Le temps commence être moins froid.
Aujourd’hui il y a des nuages, mais les températures, même la nuit, sont au-dessus de 0.
Merci, Seigneur.

Je termine en vous souhaitant à tous un bon et saint Carême et en vous assurant que vos intentions, joyeuses ou douloureuses, restent dans nos cœurs et nos prières. »

   [Extraits des nouvelles reçues]