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De retour de Tamatave (28 novembre – 14 décembre 2016) : par un Castrais, Gérard Crépin

 

« J’ai séjourné là-bas du 28 novembre au 14 décembre, pour y visiter notre fils, Jean-Baptiste !”

Gérard Crépin poursuit devant un auditoire de paroissiens du Castrais:

J’y suis allé d’abord en tant qu’ambassadeur de la famille :

Jean-Baptiste est séminariste à Toulouse. Il a fait ses 2 ans de Philosophie, et entamera en Septembre prochain ses 3 ans de Théologie, puis une dernière année de Diaconat avant l’Ordination… (Notons que pour la formation d’un séminariste malgache, s’ajoutent 4 ans de «service » en paroisse, soit 10 ans en tout !)

Âgé de 26 ans, sa jeunesse lui permet de faire une césure dans son parcours, autorisée par son Supérieur, pour donner de sa personne dans une expérience de coopération. C’est ainsi qu’il s’est rapproché de la DCC (Délégation Catholique pour la Coopération), qui, après une formation, lui a proposé Madagascar. L’évêque d’Albi, Mgr Jean Legrez, a alors obtenu qu’un poste soit créé sur la côte Est, dans le port de Tamatave, un jumelage se montant entre les deux diocèses : l’aventure pouvait démarrer !

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Jean-Baptiste assure donc 9 heures de cours de Français au Petit Séminaire, auprès de garçons de 14/16 ans, dans une « classe d’adaptation », car ils sont de la campagne, c’est-à-dire de « la brousse ». Il a ensuite cherché à compléter ce mi-temps, en s’engageant auprès de divers lieux d’apostolat, et notamment :

 – Un orphelinat, une clinique psychiatrique, un dispensaire pour jeunes handicapés profonds…, tous tenus par des sœurs de diverses congrégations, au dévouement admirable.

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  – La pastorale de la mer, auprès des familles défavorisées des pécheurs traditionnels.

 – Le pénitencier, où plus de mille personnes sont détenues, dont 800 hommes entassés dans 4 vastes chambrées, autour d’un terrain vague où l’on trouve deux cages de football et deux paniers de basket, une « cuisine » où des détenus font cuire le manioc, une case équipée en bibliothèque, à la charge de Jean-Baptiste, et trois petits lieux de culte, pour les catholiques, les protestants, et les musulmans.

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En me faisant visiter ses lieux de vie, Jean-Baptiste m’a fait rencontrer tous ces indigents qui l’aiment parce qu’il va vers eux, et qu’ils perçoivent combien chacun est important à ses yeux… J’ai bénéficié un peu de cette aura que nous lui connaissons.

J’ai été impressionné et profondément ému de le contempler ainsi, à l’aise parmi les plus pauvres du monde, et réciproquement : ces plus pauvres parmi les pauvres sont vraiment ravis de le recevoir, dans leur misère d’orphelin, de handicapé, de taulard !… Il m’accompagne, mais pour moi, les chocs sont violents !…

Mais ce n’est pas facile pour lui tous les jours : tous les « Vazaha » (les étrangers blancs ou jaunes) installés à Madagascar que j’ai rencontrés grâce à Jean-Baptiste, confirment que pour y rester, il faut être solide et s’accrocher ! Un atout majeur d’intégration, c’est d’apprendre la langue, et Jean-Baptiste s’y est employé avec grand succès, grâce à la méthode Assimil, son don pour les langues, et son oreille musicale !

J’y ai été reçu aussi en tant qu’ambassadeur de l’Archidiocèse d’Albi, Castres et Lavaur :

Il se trouve que les deux premiers missionnaires catholiques envoyés à Madagascar, au XIXème siècle, successivement Henri de Solages et Pierre Dalmond, sont des prêtres nés dans le Tarn, et qui ont abordé l’Île à l’Est. D’où la décision des deux archevêques de créer un jumelage entre les deux diocèses !

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Il se trouve aussi qu’Henri de Solages est mort martyr, le 8 décembre 1832, à 100 km de Tamatave, d’où ma participation, avec Jean-Baptiste, au pèlerinage annuel en ce lieu saint : un millier de pèlerins, pour une nuit de prière et d’adoration, avec confessions, puis messe solennelle, en clôture de laquelle l’Archevêque m’a invité à prendre la parole ; Jean-Baptiste en a assuré avec succès la traduction, faisant l’admiration de tous !

mu-jum-gc-6-36Pendant ce temps, une cérémonie semblable d’inauguration du jumelage se déroulait à Albi, sous la présidence de Mgr Jean Legrez, en présence de François Renaisy et Eliser Zafimahefa, prêtres malgaches actuellement insérés dans le secteur pastoral de Castres, de membres des associations Tarn-Madagascar et Enfants-Tana-Maza, et de nombreux Tarnais.

Gérard Crépin, Mgr Désiré, P. Jean Aimé, Jean-Baptiste sur le lieu où est mort Mgr de Solages

Traversée du canal pendant le pèlerinage le 3 décembre 2016

Mgr Désiré Tsarahazana préside la Conférence Épiscopale de Madagascar. A ce titre, il rencontre le Pape au Vatican, mais c’est un homme d’une grande simplicité, que j’ai côtoyé avec bonheur.

Mgr Désiré a bien sûr le souci de l’évangélisation catholique, en œcuménisme avec les Églises calviniste, luthérienne et anglicane, qui ont précédé nos deux missionnaires. C’est inenvisageable avec les nombreuses communautés évangéliques, voire les sectes qui se réclament du Christ ! Il y a aussi l’implantation grandissante des mosquées sunnites, souvent rattachées au wahhabisme de l’Arabie Saoudite. C’est ainsi qu’à Tamatave, le chant du muezzin retentit juste à côté des cloches de la Cathédrale !

Les prêtres sont aussi confrontés à la religion ancestrale, ancrée dans les gènes, y compris ceux des catholiques. Perdure ainsi le culte des ancêtres, susceptibles d’intervenir dans le monde des vivants. Perdure aussi la croyance en des sortilèges, d’où la demande de bénédictions, voire d’exorcismes…

Mgr Désiré partage bien sûr l’écœurement des Malgaches face à la corruption généralisée des fonctionnaires, par exemple des policiers qui « vérifient les papiers » aux nombreux barrages routiers pour arrondir leurs fins de mois ! Il a ainsi envoyé au Pouvoir en place un Manifeste pour dénoncer ces pratiques qui, en outre, facilitent le pillage des richesses de l’Île. Rappelons que Madagascar fut une colonie française depuis 1896 – les Anglais prenant Zanzibar –, d’abord développée par le Général Gallieni, jusqu’en 1960, en accord avec le Général de Gaulle. Les gouvernants de la nouvelle république vont tenter de s’émanciper de la « Mère chérie » : c’est la « malgachisation » (c’est ainsi que Tamatave devient Toamasina), voire une période d’affiliation au communisme russe… Et ce sont maintenant surtout les Chinois qui pillent l’Île : son nickel, son cobalt et autres richesses, comme ses zébus -par cargos-, et même ses filles ! Dans le même temps, les 2/3 de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Le Malgache se contente de peu, mais 50% de la population a moins de 14 ans : quel avenir pour eux ?!…

La société malgache reste hélas pénalisée par son attentisme, voire son fatalisme : on espère dans le prochain président… et, en attendant l’argent promis par l’Europe pour réparer les routes, on préfère connaître par cœur la position des trous plutôt que de tenter de les reboucher !… Et il y en a… !!!

J’y ai apprécié l’amabilité des Malagasys, réputés pour cette qualité :

Tout le monde semble accueillant avec les « Vazaha », et s’ils ne leur achètent pas les litchis ou les babioles, les vendeuses à la sauvette continueront à offrir leur sourire, les vendeurs à indiquer le bon chemin.

mu-jum-gc-7-112Tous pratiquent entre eux la règle sociale originelle et fondamentale du «Fihavanana», que l’on peut traduire par «les bonnes relations».  Elle consiste à traiter tout voisin comme quelqu’un de sa proche parenté puisqu’au final, tous ont le même créateur, et des ancêtres communs. Mais il peut s’agir là d’une réponse à la violence des Malgaches, notamment aux racismes, en particulier à celui qui perdure entre les ethnies des hautes terres, jadis conquérantes, et celles des côtiers, jadis réduites à l’esclavage (notons que la Constitution actuelle impose que si le Président est d’origine côtière, son ministre sera des plateaux, et réciproquement).

Tous ont en commun la désinvolture vis-à-vis du temps qui passe, la nonchalance, la placidité, et… le sourire à toute épreuve. C’est le «Moramora», qui n’est pas forcément négatif : il marque la volonté de préserver avant tout l’harmonie, la pondération et le consensus dans la communauté, en se donnant le temps de la réflexion en profondeur, sans se laisser mener par une montre ! Mais à notre époque interconnectée..??

J’y ai été édifié par la piété des croyants catholiques :

mu-jum-gc-8-732Fête du Bon Pasteur en 2016

La pratique sacramentelle est importante : messes du dimanche, endimanchés ; messes de semaine ; confessions pendant l’Adoration du Saint Sacrement, mariages nombreux, participation de la jeunesse….

Les Malgaches sont très étonnés qu’en France, la messe ne doive pas durer plus d’une heure !… Moramora !

Hommes et femmes, tous sont très recueillis et chantent fort les cantiques en de belles polyphonies.

Le geste de paix après la communion est mis en valeur par un chant dansé, où l’on se donne la main, connu même à la prison. Et même en prison, chacun tient à participer à la quête, malgré l’indigence générale !

A la sortie de l’église, aux messes de semaine, on forme une chaîne pour que chacun salue chacun.

Reconnaissons qu’il y a là de quoi raviver nos communautés tarnaises par…un jumelage ! »

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Apprentissage du chant de paix dansé lors de la soirée-présentation

du jumelage à Castres le 6 janvier 2017