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Le synode Pan Amazonien 2019 n’est pas que pour l’Amazonie !

Mme Dominique Pontier (de Rabastens) a participé aux Journées du CEFAL–Pôle Amérique Latine, qui ont eu lieu les 23 et 24 mars 2018, dans la perspective du prochain Synode Pan-Amazonien 2019 annoncé par le pape François en octobre 2017.

Pour éviter qu’en France et en Europe, nous pensions que ce synode n’est que pour l’Amazonie, elle nous rapporte les propos qui l’ont touchée. Merci à elle pour cette présentation claire et convaincante des divers apports.

Mgr Alfredo Vizcarra SJ, évêque du Vicariat de Jaén, au Pérou, présente le synode 2019. Il fait un exposé avec des paroles fortes sur la nécessité pour l’Église et pour le monde de prendre en compte les peuples indigènes, de les écouter, et d’apprendre de ce qu’ils ont à nous dire.

Artisanat péruvien

 Le rôle de l’Église est de faciliter la mise en réseau des peuples qui se trouvent confrontés aux mêmes problèmes pour reconstruire ensemble, sur la base de savoirs ancestraux, mis de côté au profit de bénéfices financiers, plus que du Buen Vivir, le Bien Vivre. La naissance en 2014 du Réseau Ecclésial Pan-Amazonien – REPAM – est le fruit du dialogue entre le pape et le cardinal Hummes. Le REPAM recueille tous les savoirs ancestraux, les spiritualités, ce qui fait l’harmonie entre la nature et l’homme, et joue un rôle dans la défense des droits humains et de la création. Le synode voulu par le pape est en continuité avec la prise en compte des peuples indigènes, que l’on retrouve dans le Document d’Aparecida, rédigé par Mgr Bergoglio.

La mise en œuvre du synode a commencé par la réunion par le cardinal Baldisseri d’une dizaine d’évêques des diocèses Pan Amazoniens en présence du cardinal Hummes. Elle se poursuivra dans les vicariats pour recueillir les travaux des agents pastoraux en assemblées territoriales à la mi-mai afin d’établir l’Instrumentum laboris ou document de travail (février 2019).

Le défi à relever pour l’Église universelle est d’être présente dans la culture de peuples très divers qui ont en commun leur appartenance à la terre, mais qui perdent leurs repères ancestraux du fait de la globalisation, et se transforment en prédateurs de leur propre territoire. Cela met en évidence la nécessité d’une construction culturelle commune et d’une inculturation de l’Église. Le pape est très fortement présent dans ces questions humaines.

Le père Dominique Lang intervient sur le thème L’Amazonie comme illustration du nouveau paradigme de Laudato Si. Il insiste sur l’importance de l’Encyclique « Laudato Si », qui mentionne peu l’Amazonie, car c’est une région transétatique, transfrontalière. Elle s’étend sur neuf pays : Brésil, Pérou, Bolivie, Équateur, Colombie, Venezuela, Guyana, Surinam et Guyane Française, mais constitue un véritable appel au changement de paradigme. Nous devons nous imprégner de la notion de la Terre Mère. L’Amazonie n’est pas un lieu où se servir au détriment des peuples autochtones, mais un don par la richesse de sa biodiversité. Il s’agit de tout un écosystème à préserver. Le renouveau doit venir de la base, il faut donc changer de paradigme dès lors qu’il va à l’encontre de la vie et œuvrer pour une écologie intégrale. C’est une question vitale pour l’ensemble de la planète.

Femme sur le fleuve (Copyright Lettre d’Amazonie)

 M. Luis Ventura, missionnaire laïc de la Consolata, vit au Brésil depuis de nombreuses années avec son épouse et ses enfants où ils accompagnent les communautés et organisations indigènes dans le cadre du Conseil Indigéniste Missionnaire. Il aborde La contribution des peuples autochtones à la conservation ; les savoirs et la mystique indigènes.

Les indigènes, peuples sans âmes puis peuples victimes sont devenus des peuples indispensables. Ils sont une Bonne Nouvelle pour nous. Leur mystique, leur solidarité… nous poussent à nous interroger sur la façon dont nous nous préparons à un dialogue authentique. Nos modes de vie, de consommation, notre façon d’appréhender la vie engendrent des blessures. C’est tout un modèle économique qui doit être remis en cause, parce que maintenant personne n’en peut plus, ni la terre, ni les peuples, ni les biens. C’est le dépouillement des pauvres. En Amazonie il y a de l’or, des diamants, du soja, de la canne à sucre, des centrales hydroélectriques, de l’élevage et des cultures intensifs… Il n’y a pas deux crises, mais bien une seule et même crise socio environnementale généralisée. Nous vivons dans un modèle urbanisé à l’extrême qui nous éloigne de la terre et persistons à faire une terre de consommation. Producteurs, consommateurs, toute économie fait de nous des êtres producteurs, extracteurs. Tout ceci nous fait perdre les capacités de sagesse, de distanciation, d’appartenance à la terre, d’éthique, de mystique. Nous fragmentons, nous privatisons. Nous sommes aussi responsables de cette rupture.

Face à la réalité de la domination il y a la contribution de la cosmovision indigène. La plénitude de la vie humaine est la relation que nous avons aux autres, à la Terre Mère, à la mystique, sans cela je suis seul, et je n’ai à répondre de rien face aux autres. Ce n’est pas une société anthropocentrique mais anthropoconique, trois relations sur le même plan : nous sommes terre, eau et air. Nous devons retrouver notre lien essentiel à la terre voilà la grande conversion que nous devons faire.

Les Yanomani nous apprennent que les divinités, ceux qui les ont précédés, forment partie intégrante, comme la faune, la flore, l’homme, du bien vivre. Ils nous aident à en récupérer les racines, l’altérité, la solidarité, l’intégrité, l’abondance non matérielle, l’harmonie. Il n’y a pas de lutte sans spiritualité.

Brésil Mato Grosso (Copyright : Gony)

Le synode est un grand moment, non seulement pour l’Amazonie, mais pour toute la terre. Comment repenser les logiques pastorales ? Il faut faire un pas de plus, non pas comme avant, mais un pas véritable et authentique, horizontal, qui nous permet d’élargir notre propre expérience : nous n’avons pas le monopole du mystère.

Nous sommes à un tournant, vers un dialogue ouvert et véritable mais riche dans l’esprit, une proposition de vie. Il nous faut relier à nouveau le lien à la terre, aux autres, au sacré, pour vivre la plénitude de l’humanité, laisser le développement en faveur de l’enveloppement ! Nous portons ainsi ce morceau de l’Amazonie.

Le REPAM travaille avec beaucoup d’entités et de forums sur des thèmes communs qui font consensus. La simple analyse de l’extraction des mines  permet de voir que les droits humains ne sont pas respectés,  dès lors la défense des droits humains et la protection de la création (Laudato Si), à partir desquels se créent d’autres consensus possibles, conduisent à se sentir parties prenantes du REPAM, où les différentes entités ecclésiales s’approprient le sujet et le diffusent. Le caractère d’urgence ne permet pas de s’arrêter sur des divergences de détail.

Le père Antoine Sondag reprend les points importants des interventions et les souligne.

Dans d’autres lieux du monde, la perception du territoire est en train de changer. En Amazonie, au Congo, en Amérique Centrale, et ailleurs, l’Église a besoin de rompre avec sa perspective territoriale. Il y a la création de réseaux – REBAVC au Congo, REMAM en Amérique Centrale – des pourparlers en Asie, des dialogues et des échanges entre Congo et Amazonie.

Comment nous situons-nous par rapport à nos territoires ?

Nous devons travailler en réseau ici, en Europe, en France : il y a donc un travail pour que l’Église, en France et en Europe, ne pense pas que le synode Pan Amazonien n’est que pour l’Amazonie. Il est aussi pour l’Église d’Europe, et pour la France. Ce synode concerne le monde scientifique, ecclésial.

Un évêque péruvien avec le P. Jean-Marc Vigroux au micro de RCF (archives 2015-Mue 81)

 Il faut une alternative pour la justice climatique, pour lutter contre le réchauffement de la planète. Travailler en réseau remet en cause des identités. Les organisations sont très compartimentées. Il faut donc que les structures éclatent, se reconstruisent pour être dynamiques.

Les peuples indigènes n’ont pas été vraiment pris en considération en tant que peuple. La prise de conscience de leur existence déplace l’idée de faire droit, dans la diversité des expressions culturelles. Le Consentement Libre, Informé et Préalable des peuples indigènes, noirs et des femmes n’existe pas encore dans les faits.

L’Église annonce l’Évangile. De ce fait elle est très liée au combat pour la justice, pour la libération de toute société répressive, oppressive. Elle participe à la transformation du monde.

Pour passer à l’action, les préalables sont la formation, l’information et la mise en réseau de  toutes sortes d’associations.

Que faut-il faire ?

Il y a pluralité de solutions partielles. Il faut changer de paradigmes.

 La solution est en vous, en nous, croire que c’est possible, là où nous sommes.

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Pour approfondir, se référer à l’article publié le 9 avril (2ème partie) :