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Histoire du monastère des carmélites d’Albi

Ayant déjà eu l’occasion d’aborder l’histoire des carmélites à Albi en 1992 (à l’occasion des 150 ans du carmel à Albi) puis en 2003 (Journées européennes du patrimoine), il m’a semblé nécessaire de reprendre cette recherche au moment de l’annonce faite en septembre 2019 du prochain départ des carmélites qui va avoir lieu dans une semaine.

Alors que nombre de congrégations disparaissent, en toute discrétion, de notre paysage ecclésial, il faut lancer un appel aux communautés religieuses pour qu’elles ne négligent pas leurs archives et qu’elles gardent une trace de leur histoire, une histoire souvent très riche et qui doit être resituée dans l’histoire du diocèse d’Albi et de l’Église de France en général.

Les carmélites m’ont donc confié leurs archives, en particulier leurs Annales qui relatent depuis leur fondation les évènements importants de la communauté. Au total, plus de 1500 pages manuscrites pour l’essentiel qui constituent la base de ce travail de recherche et qui me permettra, d’ici quelques temps, de publier un ouvrage sur les carmélites d’Albi et leurs 178 années de présence à Albi.

L’histoire du monastère des carmélites d’Albi, placé sous l’invocation de Notre-Dame de l’Immaculée-Conception, peut être présentée en quatre grandes étapes.

La première étape est celle de la fondation et des fondatrices, car l’histoire des carmélites rejoint celle du catholicisme au féminin. Elle correspond à l’époque comprise entre les premières tentatives dans les années 1830, la fondation en 1842, la figure très énergique de Mère Catherine (1797-1889) qui appartient, après Mère Camille de Soyecourt, qui a été l’âme de la restauration du Carmel en France, à la lignée des grandes fondatrices puisqu’elle a fondé, restauré ou réformé pas moins de dix monastères. L’époque est dure, les fondations difficiles, les conditions de vie rudes, la mortalité importante. Au moment du premier centenaire en 1942, une seule date est retenue : celle de 1864 qui correspond à la fondation par Albi du carmel de Castres.

Mgr Mignot

La deuxième étape correspond aux années d’affrontement entre l’Église catholique et les gouvernements de la Troisième République. Les conflits ont commencé dix ans plus tôt avec la laïcisation de l’enseignement public et reprennent dans les années comprises entre 1890 et 1914, qui appartiennent à ce que Gérard Cholvy, grand spécialiste de l’histoire religieuse à l’époque contemporaine appelait les années de « discordat » qui est l’antithèse de la période concordataire. Durant ces luttes politico-religieuses, le statut des congrégations religieuses a fait partie des terrains d’affrontements, en particulier autour de l’application de la célèbre loi sur les associations de 1901 qui est une loi libérale en général mais pas pour les congrégations religieuses qui vont être soumises à l’obligation de l’autorisation législative. Alors que la chapelle est fermée au culte en 1903, les religieuses resteront finalement sur place, comme celles de Rabastens (dont le monastère a été fondé en 1900) alors que les carmélites de Castres connaitront l’exil en Belgique jusqu’en 1920. Par prudence, des démarches seront toutefois effectuées en Italie et en Espagne. L’attitude conciliante de Mgr Mignot, archevêque d’Albi (1900-1918) qui prône la modération, explique, en grande partie ce maintien discret et fervent.

La troisième étape est celle des nouveaux défis. Elle correspond à la période comprise entre la Grande guerre et les lendemains du concile Vatican II jusqu’à la fin des années 1960. Alors que les Annales contiennent les échos amortis des guerres mondiales et des grands évènements nationaux, on constate aussi une grande ouverture missionnaire qui se traduit notamment par l’envoi de religieuses outre-mer, notamment à Madagascar en 1951 mais aussi par la participation aux grandes questions qui concernent l’Ordre du Carmel : les révisions des Constitutions, l’évolution du statut des tourières externes, les choix liturgiques, le maintien ou pas de la tradition bérullienne, le bouillonnement autour du Concile Vatican II. La visite du RP Marie-Eugène en 1951 sera l’un des grands moments de cette période marquée également par la création des Fédérations de carmélites en 1953.

Enfin, la quatrième étape est celle des questionnements contemporains. Elle correspond au demi-siècle compris entre 1970 et aujourd’hui. Si la continuité par rapport aux époques précédentes l’emporte dans un premier temps, on voit également à travers les sources explorées que les carmélites s’intéressent de plus en plus aux grandes questions qui agitent l’Église : l’œcuménisme, les communautés nouvelles, les relations entre les congrégations et les mouvements, les évolutions de la vie paroissiale. La situation se complique pourtant du fait de la disparition de figures marquantes du monastère, du départ de sœurs, des difficultés de recrutement eu égard aux exigences très élevées de la vie carmélitaine. Les problèmes de santé, le vieillissement des sœurs, alors que le renouvellement se tarit, posent de graves questions quant au maintien de la communauté. Malgré la fusion avec le carmel de Castres opérée en 2012, la communauté décide en 2017 la fermeture, les six sœurs actuellement présentes rejoignant dans quelques jours le carmel de Carros, situé près de Nice pour cinq d’entre elles et le carmel d’Athènes en Grèce pour la prieure : Mère Marie-Bernadette que je veux très sincèrement remercier pour sa confiance et son soutien, tout au long de cette recherche.

C’est dans un esprit de confiance et d’abandon, bien conforme à la spiritualité carmélitaine que ce départ va avoir lieu, sans nostalgie, mais au contraire au souffle de l’Esprit de Pentecôte, qui fait toute chose nouvelle.

L’ouvrage en préparation sera honoré d’une préface de Mgr Jean Legrez, archevêque d’Albi, archevêque dont les carmélites ont toujours été très proches, comme le montrent les Annales. Réalisé avec les conseils du Père Louis-Marie de Jésus, carme du couvent de Montpellier, il contiendra également, grâce au travail de Mère Marie-Bernadette, la liste des supérieurs et aumôniers ainsi que celles des prieures et des moniales et, on l’espère, un grand nombre de photos qui ont été numérisées par le service du fonds ancien de la Bibliothèque de notre Université, l’Université Toulouse Capitole.

Philippe Nélidoff