Homélie de la solennité du Christ Roi de l’univers

Frères et sœurs,

Célébrer au terme de l’année liturgique le Christ Roi de l’univers est une invitation à contempler le visage de celui qui est venu sauver l’humanité entière pour exercer sur elle une souveraineté universelle. Le prophète Ézéchiel dépeint déjà le Seigneur d’Israël sous les traits du berger qui prend un soin attentionné de chacune des brebis de son troupeau, c’est-à-dire de chaque membre du peuple élu. Jésus plus tard se présentera ainsi : « Je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent…/… et je donne ma vie pour mes brebis » (cf. Jn 10, 14 & 15). Non seulement le Roi de l’univers sous les traits du pasteur exerce une compassion gratuite et généreuse à l’égard de ses créatures, mais mieux encore, il donne sa vie pour elles. L’offrande du Christ à son Père pour que tous les hommes partagent sa vie divine est l’apanage du Bon Pasteur, notre Roi.

L’évangéliste saint Matthieu, au terme d’un long discours prononcé par Jésus sur le parvis du Temple de Jérusalem, un discours qui annonce à l’aide de paraboles les épreuves des derniers temps et le retour du Fils de l’homme dans la gloire, présente dans une dernière parabole le Roi tel un juge séparant les bons de ceux qui n’auront pas fait le bien. Chose extraordinaire : le Roi ne se contente pas d’être le juge, il s’identifie à chacun de ceux qui sont dans le besoin,  à chaque personne mendiant un secours auprès d’un semblable.

Frères et sœurs, celui que nous reconnaissons comme notre Roi, n’a pas pour ambassadeur les pauvres de la terre, il vit en eux en raison d’une fraternité unique issue du mystère de l’incarnation du Fils de Dieu. Nous croyons que Jésus embrasse la totalité de la nature divine commune au Père, à l’Esprit Saint et à lui-même. Nous croyons aussi qu’en raison de sa nature divine, Jésus peut embrasser la totalité de notre nature humaine à tous. Il prend en charge la condition humaine, non pas bornée à son individualité, mais extensible à chacun de nous. Il vit en nous pour que nous vivions en lui. Nous sommes appelés à être le Corps du Christ. Cela n’est devenu possible que parce qu’il a, en vérité, pris notre corps à tous. Cette union du Roi, si mystérieuse et absolument unique, avec chacune de ses créatures, est bien l’expression de la volonté divine depuis l’origine du monde. Créée par amour, l’humanité est vouée ultimement à être plongée éternellement dans l’amour trinitaire.

Le Christ ressuscité, établi dorénavant dans la gloire, règne sur l’univers entier. Par sa victoire sur la mort, il communique déjà sa vie « à ceux qui lui appartiennent », à ceux qui se donnent à lui. Tout disciple de Jésus, vivant à son école, apprend jour après jour à s’en remettre au Père, à s’abandonner à la volonté du Père comme Jésus. Cela jusqu’au jour où « Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 28) à la fin des temps. Telle est notre merveilleuse espérance : que règne dans nos cœurs l’amour infini et miséricordieux du Père révélé par Jésus et entretenu en chaque âme par l’Esprit Saint.

Frères et sœurs, puissions-nous dans la joie communiquer notre espérance à nos contemporains souvent si inquiets pour le présent et le lendemain. L’amour, concrètement exprimé à travers des actes précis, donne déjà à notre quotidien une saveur d’éternité.

Que le Roi de gloire étende son règne d’amour et de paix à tous les hommes de bonne volonté !

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi