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Homélie pour la Présentation de Jésus au Temple – Fête de la vie consacrée

Frères et sœurs,

Pendant des siècles cette fête de la présentation du Seigneur au Temple était la fête de la purification de Marie. S’il est heureux que, depuis la restauration liturgique voulue par le concile Vatican II, cette fête soit appelée fête de la présentation du Seigneur au Temple, donnant ainsi la priorité à la personne de Jésus, Messie d’Israël et Sauveur de tous les peuples, il me semble qu’il peut être opportun de ne pas oublier ce que signifie la purification d’une mère en Israël au lendemain de la mise au monde de son enfant. Des siècles moralisateurs ont fait perdre la compréhension de ce rite très ancien et très riche en signification. Dans le Judaïsme, il est clair pour tout juste en Israël, que la vie appartient à Dieu, ce Dieu considéré comme le créateur et qui est le maître de la vie. Transmettre la vie est toujours une capacité accordée par Dieu lui-même. La grossesse d’une femme et la mise au monde d’un enfant associent d’une manière mystérieuse la femme à l’œuvre créatrice de Dieu.

Le rite de la purification est un rite de passage. Associée pendant neuf mois au mystère divin de la transmission d’une vie, la femme juive est conduite à rendre grâce pour cette mission accomplie qui en a fait une collaboratrice du Seigneur en servant le don de la vie. En passant par ce rite, elle quitte désormais le domaine du sacré auquel elle a été associée de manière mystérieuse et réelle, pour entrer à nouveau dans la vie ordinaire, pour retrouver le domaine du profane, du quotidien. Il en va de même lorsque le ministre purifie le calice et la patène après la communion, il le fait passer d’un usage sacré à un usage ordinaire. Il apparaît clairement dans la tradition juive, reprise par l’Église, que la vocation de la femme est d’une noblesse extraordinaire – on ne le dira jamais assez dans notre époque – puisqu’elle est appelée à collaborer étroitement avec Dieu lorsqu’elle accepte d’accueillir la vie et de participer au mystère de sa transmission, ce mystère demeure même si la science aujourd’hui veut tout expliquer, il suffit de voir le regard de deux époux tenant leur nouveau-né dans leurs bras, à la manière de Syméon.

Syméon et Anne, un homme et une femme, représentent dans la Temple, dans la maison de Dieu, toute l’humanité qui, à l’instar d’Israël, aspire à être libérée du mal, sous toutes ses formes. Ce désir est présent dans toutes les cultures. Tous les deux éclairés par l’Esprit Saint, découvrent, en la personne du petit enfant Jésus, le Sauveur. « Mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples » s’écrie Syméon ; et Anne annonce que cet enfant vient au monde pour lui apporter sa délivrance, la délivrance du Mal. Cette fête qui clôt le cycle de Noël traditionnellement, doit nous plonger dans une joie merveilleuse. L’évènement de la Nativité de Jésus dévoile peu à peu les trésors de sens qu’il renferme. Dieu a pris chair dans l’enfant né à Bethléem, que les bergers ont été adorer, cet enfant est véritablement le Messie d’Israël, mais davantage encore il vient, bien sûr pour sa consolation, mais aussi pour la délivrance de toutes les nations, de tous les hommes de tous les temps. Le mystère de l’Incarnation que nous avons contemplé depuis le jour de la Nativité, appelle vraiment notre reconnaissance et notre allégresse.

Ce jour est aussi devenu, selon le désir de saint Jean-Paul II, la journée mondiale de la vie consacrée. C’est pour cela que dans l’assemblée ce matin je distingue un certain nombre de visages connus de consacrés, hommes, femmes, religieux, moines, vierges consacrées. Ils sont au milieu de ce peuple paroissial, cette portion du peuple de Dieu qu’est votre paroisse. Comme Syméon et Anne, depuis les origines de l’Église dès les premières communautés, des hommes et des femmes – c’est attesté dès les Actes des Apôtres – ont été appelés à offrir totalement leur vie à Dieu pour la croissance du Royaume. La place des consacrés dans l’Église, à toutes les époques, a été d’un grand poids. Permettez-moi de lire quelques lignes des écrits d’un saint moine orthodoxe, le starets Silouane, canonisé il y a quelques années par l’Église de Russie. Il a vécu au XXe siècle, il est mort juste avant la deuxième guerre mondiale. Il vivait dans un monastère russe de l’Athos, en Grèce. Quand le mot « moine » est utilisé, vous pouvez comprendre « consacré ». Il écrivait : « Parfois le moine est bienheureux en Dieu, comme s’il était au Paradis. Souvent il pleure et prie pour l’humanité entière, animé par le désir que tous soient sauvés. L’Esprit enseigne donc au moine à aimer Dieu et à aimer le monde. Tu diras peut-être qu’ils n’existent plus de nos jours, ces moines qui prient pour tous les hommes, mais je te dis que de grands malheurs et la destruction elle-même de l’univers surviendra s’il n’y a plus de priants dans le monde ».

Frères et sœurs je vous invite, tout au long de ce jour, à rendre grâce pour les consacrés que vous connaissez. Ces témoins de la vie du Royaume, déjà par le don de leur vie, annoncent le Ciel où Dieu sera tout en tous. Ils annoncent que Dieu peut combler une vie. Je vous invite aussi à prier, à supplier le Seigneur de continuer à appeler. Vous avez peut-être remarqué que j’ai deux acolytes aujourd’hui qui sont deux jeunes moines de l’Abbaye d’En-Calcat. La vie consacrée n’est pas réservée aux personnes âgées, contrairement à ce que croient beaucoup des plus jeunes. Chez nous, en France, souvent, ils ne rencontrent que des religieux et des religieuses d’un grand âge. Notez bien que c’est le signe d’une magnifique fidélité. Mais il est vrai aussi qu’il est difficile pour un enfant d’imaginer que la vie religieuse peut être pour lui. Je me permets de vous faire remarquer qu’avant d’être des personnes âgées nous avons été des jeunes filles et de jeunes gens qui sont entrés dans la vie religieuse dans la joie et l’allégresse. Je peux en témoigner, cela fait cinquante ans que ça dure et je constate la fidélité de Dieu à mon égard malgré toutes mes faiblesses. Je peux affirmer qu’appartenir au Seigneur, non seulement comble une vie, mais rend heureux. Qu’on se le dise ! Que les enfants qui sont dans cette assemblée se posent la question. Dieu continue à appeler, j’en suis absolument certain. La question est de savoir comment l’appel est reçu. Aujourd’hui, même dans des familles chrétiennes, parfois, lorsqu’un jeune est appelé, c’est une véritable catastrophe, j’ose le dire ! Ayant vécu dans un couvent de noviciat, j’ai vu l’état des familles au moment des prises d’habit. Que ce soit un choc, une séparation, oui. Pour des chrétiens, il n’y a rien de plus beau que d’avoir dans sa famille des consacrés. Il faudrait peut-être que dans les familles, les parents autant que les enfants, prient le Seigneur pour être capables de respecter les appels que le Seigneur ne cesse de faire aujourd’hui comme à toutes les époques de l’Église, mais qui malheureusement ne trouve pas toujours le terrain propice pour que les jeunes puissent y répondre. Louons le Seigneur et supplions le Seigneur, ce sont les mots d’ordre du jour. En tous cas, très bonne fête à tous les consacrés !

Amen

† Jean Legrez, o.p.

Archevêque d’Albi

En la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi – dimanche 2 février 2020

1ère lecture : Ml 3, 1-4
Psaume : 23, 7, 8, 9, 10
2ème lecture : He 2, 14-18
Évangile : Lc 2, 22-40