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Homélie pour l’appel décisif

Frères et sœurs,

L’Évangile qui vient d’être proclamé nous apprend que Jésus est conduit au désert, rempli de l’Esprit Saint, au lendemain de son baptême par Jean le Baptiste dans le Jourdain. L’Esprit conduit Jésus au désert où il va passer quarante jours. Ces quarante jours sont comme l’écho des quarante ans que le peuple d’Israël a passé au désert lorsque le Seigneur l’a libéré de l’esclavage de l’Égypte. Ici, il s’agit d’un autre esclavage mais dont l’auteur est le même : l’esprit du mal, celui que l’évangile d’aujourd’hui appelle le diable, le diviseur, celui qui introduit la séparation entre Dieu et l’homme, dans la mesure où l’homme se soumet à lui.

Ce qui est bouleversant, c’est que Jésus, lui qui n’a jamais péché, lui qui est véritablement l’innocent, a voulu apprendre à connaître nos tentations. Lui qui vient nous sauver de la mort et du péché, de tout puissance infernale, de toute puissance du mal, est le seul qui pouvait vaincre nos tentations et nous montrer comment mener le combat spirituel que chacun d’entre nous doit mener. Jésus, dans cet épisode si mystérieux de sa vie, nous montre comment résister au mal et comment vaincre les tentations, à son école. Par le baptême – cela est déjà vrai pour les catéchumènes qui sont conduits ici par l’Esprit-Saint qui agit en eux, même s’ils n’en sont pas complètement conscients – nous sommes unis au Christ, alliés au Christ. Par la grâce baptismale et remplis de l’Esprit Saint, Jésus, en nous et avec nous, peut nous rendre victorieux dans le combat spirituel que nous avons à mener.

Si nous observons Jésus dans cet épisode de son jeûne au désert, nous voyons comment il s’oppose au diable en citant la Parole de Dieu. Le diable lui parle et Jésus répond à chaque fois en citant une parole de l’Écriture. Pour nous, pour mener le combat spirituel, nous avons à l’imiter, nous avons à opposer la Parole de Dieu à la tentation que nous pouvons connaître. Non seulement nous avons à connaître la Parole de Dieu pour l’opposer au tentateur, mais nous avons aussi à la mettre en pratique, à faire confiance à cette Parole qui est une parole vivante, qui peut vaincre avec nous et en nous la tentation. C’est ce qui se passe dans cet évangile : après trois tentations du démon, trois Paroles de Dieu s’y opposent, et le tentateur se retire. Jésus finalement est victorieux. Jésus est vainqueur du mal d’une manière prophétique, c’est ce qui s’accomplira lors de sa Pâque, par sa passion, sa mort et sa résurrection.

Ces trois tentations touchent des domaines de la vie humaine auxquels nous sommes tous affrontés. Qu’il s’agisse des biens matériels qui peuvent nous obséder au point de nous aveugler, ou bien qu’il s’agisse du pouvoir, de la puissance. Il faut être lucide : qui d’entre nous ne cherche pas à dominer à un moment donné, au détriment des autres ? Enfin, il y a cette tentation de l’idolâtrie qui consiste à se fier à autre chose qu’à Dieu. Ces trois tentations du Christ représentent des domaines où tout homme est fragile. Toute personne humaine est fragilisée depuis la chute, depuis la séparation avec le Créateur, ce moment où l’homme a voulu sous l’influence du diviseur devenir indépendant par rapport à Dieu… Or nous avons été créés par un Dieu qui est amour, qui est communion d’amour entre le Père et le Fils et l’Esprit ! Nous sommes créés à son image et à sa ressemblance pour vivre toujours dans la communion, donc dans une certaine dépendance, mais une dépendance heureuse, vis-à-vis de Dieu et de nos frères. Alors, je vous invite Frères et sœurs, en ce dimanche de début de Carême, comme l’antienne que nous chantons tous les matins à l’office de Laudes, à fixer vos yeux chaque jour de ce Carême sur le Christ, pour entrer dans le combat de Dieu, avec confiance, avec la certitude que le Christ, en nous, nous rend vainqueur du mal.

L’Église nous offre ce temps du Carême, ce temps de retraite annuelle, d’abord pour les catéchumènes qui, dans ces dernières semaines avant leur baptême se préparent à recevoir le don de Dieu, à recevoir l’Esprit Saint, mais aussi pour les baptisés “de vieille date”. C’est un temps privilégié pour laisser l’Esprit Saint nous aider à mieux vivre la grâce de notre baptême, afin que, ensemble, au matin de Pâques, nous puissions chanter la victoire du Ressuscité qui devient la nôtre, qui est déjà la nôtre par la puissance de l’Esprit.

Pour terminer, Frères et sœurs, en ce temps de l’Église que nous traversons, je voudrais vous inviter spécialement pendant tout ce carême à prier le Seigneur avec insistance pour la conversion et la purification de l’Église. Nous sommes honteux, nous sommes malheureux en raison de tout ce qui est révélé actuellement. Mais permettez-moi de vous dire que l’aveu du péché est le début de la conversion. Ne nous laissons pas abattre. Ce temps est un temps où Dieu veut exercer sa miséricorde en faveur de son Église, une Église qui reconnaît enfin son péché, les péchés graves de ceux en qui, d’habitude, nous plaçons notre confiance parce qu’ils ont la charge de nous guider. Ce temps, épouvantable à certains égards, je vous invite à le recevoir comme une miséricorde que le Seigneur fait à l’Église pour nous rappeler que nous sommes tous appelés à vivre dans la fidélité à l’Évangile, dans davantage de vérité, de telle sorte que nos actes et nos paroles se correspondent. Prions pour que tous ceux qui ont été blessés par l’Église soient davantage pris en compte, que nous sachions mieux les écouter, que nous sachions mieux les aider, que nous sachions les consoler et les accompagner sur un chemin de guérison. Prions enfin pour que cette épreuve douloureuse, cette crise qui nous plonge dans la tristesse, ait des répercussions au-delà de l’Église qui veut absolument se purifier et se convertir sans cesse. Que cette conversion de l’Église universelle porte du fruit pour les sociétés civiles qui, elles-mêmes, sont atteintes par ce fléau épouvantable, où la dignité de tant de personne est bafouée ; dans la plupart des cas, ce sont des personnes fragiles, ou des personnes parmi les plus jeunes, qui demandent à être davantage respectées et qui ont été blessées et meurtries à vie. Prions dans la confiance et osons emprunter un véritable chemin de conversion, de telle sorte que nous puissions mériter ce beau nom de disciples qui écoutent et qui mettent en pratique la Parole entendue, pour devenir des missionnaires crédibles.

Amen.

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi
Le premier dimanche de Carême, 10 mars 2019, à Saint-Benoît de Castres