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Cène du Seigneur – Homélie de Mgr Legrez

Frères et sœurs,

Ce soir nous entrons ensemble dans la célébration de la Pâque de Jésus le Christ. Cette Pâque, le Sauveur du monde l’a ardemment désirée. Il l’a inscrite dans la célébration de la dernière fête de la Pâque juive qu’il veut vivre avec ses douze apôtres. Le mémorial célébré par le peuple d’Israël, qui d’année en année, actualise encore aujourd’hui la délivrance des hébreux de l’esclavage d’Égypte, est une magnifique préfiguration du salut que le Messie réalise dans sa propre Pâque, en faveur de son peuple et de tous les peuples du monde. Désormais, c’est sa chair et son sang livrés pour nous, et non pas celui d’un agneau sans défaut, qui délivrent ceux et celles lui placent en lui leur confiance.

À chaque célébration de l’eucharistie, la Pâque de Jésus – sa passion, sa mort et sa résurrection – est rendue présente selon le désir même de Jésus. Le mémorial de la nouvelle alliance se réalise et communique, à ceux qui reçoivent le corps et le sang du Seigneur Jésus, la croissance dans la vie du Ressuscité, dans la vie divine que nous avons reçue au jour de notre baptême.

Jésus est venu sur terre pour nous faire connaître l’amour divin et proposer à l’humanité d’en bénéficier. La Pâque de Jésus nous manifeste au plus haut point l’intensité de cet amour par l’offrande de sa vie sur la croix. En partageant les réalités les plus obscures de la vie humaine, c’est-à-dire la souffrance et la mort, il rejoint tous les hommes dans un abaissement suprême, puisqu’il subit le châtiment réservé aux esclaves. Sacrement de l’amour fou de Dieu, ou si vous préférez, signe de l’amour fou de Dieu pour l’humanité, l’Eucharistie nourrit l’âme des fidèles, en les assimilant à la personne même du Christ pour en faire à leur tour des témoins de l’amour divin, des révélateurs de l’amour divin dans un monde marqué par l’égoïsme, l’injustice et la violence. Dans ce monde froid, pour ne pas dire glacial, c’est le feu de l’amour divin qui a été allumé au soir où Jésus a institué l’Eucharistie.

Par la réception de l’Eucharistie, toute la douceur et la bienveillance divine transforme le cœur des fidèles peu à peu, de telle sorte que le Christ peut vivre en chacun. Ses sentiments deviennent ceux des communiants. Dans l’adoration, nous pouvons non seulement nous préparer à une réception féconde du corps et du sang du Seigneur, mais aussi nous laisser imprégner et guérir par le Christ présent dans le Saint Sacrement. Dans l’Église de France est en train de se produire un petit retour, fort heureux, à l’adoration eucharistique. C’est encore bien timide. Je pense que la plupart des catholiques de France ne s’en sont pas rendu compte : il y aura trois ans au mois de novembre, les évêques et les séminaristes de France réunis à Lourdes, ont passé ensemble une heure devant le Saint Sacrement à la Basilique du Rosaire. Ce n’est pas commun. Il faudrait que des temps d’adoration soient proposés plus souvent dans chacune de nos paroisses. Osons prendre le temps, régulièrement, d’adorer Jésus présent dans le tabernacle ou exposé sur l’autel. Il nous entraînera dans une vie eucharistique, une vie où nous deviendrons capables, par lui, de l’imiter en agissant comme lui dans une recherche constante de la volonté du Père et avec une capacité renouvelée de poser des actes de charité et de miséricorde en faveur de tout frère en humanité.

Dans son évangile Saint Jean ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie mais relate le lavement des pieds des douze par le Maître. Nous voyons alors Jésus se dépouiller de son vêtement habituel pour se ceindre d’un linge à la manière de l’esclave chargé de laver les pieds des hôtes. Une fois encore, jésus s’humilie, s’abaisse et rend service pour dévoiler la compassion, la bonté et la miséricorde divine pour l’humanité. L’Eucharistie nous rend capables d’aimer, non pas en parole, mais en posant des actes à la manière de Jésus qui, humblement, s’est voulu le serviteur des siens. En revenant à table, Jésus a conclu par cette invitation : « Vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ».

L’Eucharistie n’est pas qu’une dévotion, l’Eucharistie est un mystère qui doit englober toute notre vie ; non pas les cinquante minutes de la messe dominicale, mais notre vie entière. En effet, la réception de l’Eucharistie nous prépare au service de tous nos frères et à la mission d’évangélisation de notre monde en commençant par l’aimer. En étant progressivement changés, transformés par le Christ reçu en communion, nous devenons de plus en plus capables de donner notre vie pour nos frères. Tant que nous n’y parvenons pas, frères et sœurs, je crois que nous ne sommes pas disciples du Seigneur et nous ne connaissons pas la joie de l’Évangile. Nous sommes faits pour nous donner et l’Eucharistie nous entraîne dans ce mouvement de donation à nos frères, pour leur plus grande joie mais aussi pour notre joie.

Un cardinal contemporain a écrit : « L’Eucharistie du disciple se prolonge jusqu’à utiliser les rues pour autels ». D’une manière un peu provocante, ce cardinal veut signifier que l’Eucharistie a une dimension sociale. Elle ne cesse pas à la sortie de l’église, mais véritablement transformés par le Christ, les baptisés eucharistiés deviennent ferment de justice dans la société des hommes, capables d’être au service de ceux qui en ont le plus besoin, capables d’être des ferments de paix. Mère Térésa, cette sainte extraordinaire si proche de nous, pour aider ses sœurs à être proche des plus pauvres parmi les pauvres, les invitent à commencer leur journée à six heures du matin par une heure d’adoration du Saint Sacrement, cela change tout. Elle disait à ses sœurs « L’amour de l’Eucharistie nous aide à aimer les pauvres. Il faut les traiter avec le même soin et la même ferveur que nous mettons à communier ». Si nous voulons aujourd’hui évangéliser notre pays et le monde, il faut nous laisser brûler par ce feu divin que recèle l’Eucharistie. Voilà la dimension sociale de l’Eucharistie. Puisse-t-il en être de plus en plus ainsi pour chacun de nous, ainsi nous serons toujours plus de véritables disciples du Sauveur !

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi