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Homélie de la messe des étudiants de Toulouse : « Le pardon console et dévoile le visage du Sauveur »

Frères et sœurs,

Le passage de l’Évangile de saint Matthieu que nous venons d’entendre, est un extrait du long discours de Jésus au moment où il commence son ministère et annonce la nouveauté du Royaume qu’il vient inaugurer. Après avoir proclamé les béatitudes, Jésus donne un enseignement à ses disciples et aux foules, tel un nouveau Moïse. Il y aborde des thèmes divers. Il affirme venir accomplir la loi ancienne en lui apportant des compléments qui permettront à ses auditeurs d’entrer dans le Royaume des Cieux et à tendre à devenir « parfaits comme le Père céleste est parfait ». Évidemment, cette invitation du Christ peut nous paraître relever de l’impossible.

Plus précisément, comment est-il possible d’aimer ses ennemis et ses persécuteurs ? Même si nous sommes prêts à convenir qu’il est aisé d’aimer ceux qui nous aiment, sommes-nous prêts à « ne pas riposter au méchant », à aimer nos ennemis et à prier pour nos persécuteurs ? Préférons-nous agir comme les publicains et les païens ou être de vrais disciples du Christ ? Je crois pouvoir affirmer que le pardon n’est pas une conduite humaine. Malheureusement, l’expérience montre que chez les humains une violence subie entraîne, la plupart du temps, une réponse elle-même violente. Les guerres nous en donnent un spectacle constant. Souvenez-vous d’Oradour-sur-Glane, voyez le spectacle atroce de la guerre en Ukraine et dans plusieurs pays d’Asie ou d’Afrique aujourd’hui. Si le pardon n’est pas humain, il existe cependant. Je veux dire que ce que l’être humain ne parvient pas à réaliser par lui-même, le Christ peut le réaliser avec lui et en lui.

Un être terriblement blessé n’arrive pas à pardonner. Les victimes de toutes sortes d’abus en sont des preuves vivantes. Si je ne parviens pas à pardonner, je peux toujours demander la grâce d’y parvenir ; en priant moi-même ou en demandant à d’autres de prier à cette intention jusqu’au moment où la capacité de pardonner sera donnée. Non seulement le pardon est divin, mais il est en vérité la marque du disciple du Christ. Comment pourrai-je oublier le récit qui m’a été fait lors de la guerre du Liban ? Un adolescent rentrant de son établissement scolaire chez ses parents pour le week-end avait été arrêté et enlevé par des soldats syriens, désireux d’obtenir de sa famille une rançon. Par un poignet et une cheville, il est demeuré lié à un soldat syrien pendant de longues journées. Découvrant que sa famille était modeste et qu’il ne pouvait espérer la somme convoitée, le commandement syrien finit par ordonner de relâcher ce jeune homme. Pendant ce temps de captivité extrêmement pénible, moqué et frappé par les soldats syriens, le garçon était toujours resté silencieux. Avant de le libérer, le soldat syrien auquel il était attaché lui demanda, en le rouant de coups, pourquoi il était toujours resté silencieux. La réponse ne se fit pas attendre : « Parce que je suis chrétien ». Je n’ai pas pu le vérifier, mais on m’a assuré que le soldat syrien demandait le baptême un an plus tard.

Frères et sœurs, comme Paul l’écrivait aux Corinthiens, n’oublions jamais que depuis notre baptême nous sommes « le sanctuaire de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en nous ». Sur la croix, le Christ a pardonné à ses bourreaux, il a même voulu les excuser : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). À sa suite, les martyrs chrétiens posent des actes similaires, se laissant conduire par le Saint Esprit et en en recevant la force. C’est l’Esprit Saint qui nous rend saints si nous acceptons de collaborer avec lui. Lui seul, avec notre consentement, peut nous rendre « parfaits, comme notre Père céleste est parfait ». Les saints en sont la meilleure illustration. Pensez au bienheureux Pier Giorgio Frassati souvent durement traité par ses parents, qui jamais n’a dit une parole sévère sur aucun d’eux.

Le pardon est possible pour ceux et celles qui, humblement, s’en remettent au Seigneur qui rend l’être humain miséricordieux comme lui. Demandons cette grâce pour chacun de nous, alors nous serons de véritables disciples-missionnaires, car l’exercice du pardon console et dévoile le visage du Sauveur à ceux qui ne le connaissent pas encore ou mal.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

En l’église Notre-Dame de la Daurade – dimanche 19 février 2023 (19 h)

1ère lecture : Lv 19, 1-2.17-18
Psaume : 102, 1-2, 3-4, 8.10, 12-13
2ème lecture : 1 Co 3, 16-23
Évangile : Mt 5, 38-48