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Homélie du jour de Noël 2022

Frères et sœurs,

Le Prologue que nous venons d’entendre, c’est-à-dire le début de l’évangile selon saint Jean, mériterait d’être médité de longues heures. Si la liturgie de l’Église nous offre ce texte pour la troisième messe du jour de Noël, c’est pour nous aider à prendre conscience de l’identité de cet enfant qui repose dans la crèche. Cet enfant n’est pas un enfant comme les autres. Il est le Verbe, la Parole, la Parole de Dieu faite chair, qui va se présenter comme le Fils de Dieu, le fils premier-né du Père, l’égal du Père, vivant de toute éternité. « Le Verbe était auprès de Dieu, le Verbe était Dieu », affirme saint Jean.

Plus loin l’évangéliste ajoute : « C’est par lui que tout est venu à l’existence ». Il est véritablement celui qui a participé à la création de l’univers et à la création de l’humanité. Ce prologue nous indique en quelque sorte le plan divin, la plénitude du plan divin qui culmine avec la venue du Verbe. Ce Verbe qui est de toute éternité, entre dans le temps pour rejoindre une humanité perdue, une humanité qui ne sait plus – et c’est encore vrai aujourd’hui – quel est le sens de son existence. Il est venu, précisément, pour nous rendre la possibilité de saisir le pourquoi de nos vies. Lui, qui a participé à la création, vient pour nous guider au cours de notre existence et nous aider à découvrir, à nouveau, que nous sommes sur terre uniquement en raison de l’amour du Père. Il nous a voulus par amour pour que nous vivions en sa compagnie dans l’amour. Le mystère de la chute de l’humanité, de cette rupture qui s’est opérée entre nos premiers parents et le Créateur, le Verbe, en prenant notre chair, va réparer en quelque sorte l’abandon de l’humanité à l’égard de son créateur. Ainsi il rendra à nouveau possible la circulation de l’amour entre le créateur et chacune des créatures que nous sommes.

Tout au long de la Bible nous voyons, par les annonces des prophètes et par tout un parcours de révélations progressives, comment Dieu a préparé l’humanité, en choisissant le peuple d’Israël, à accueillir le Messie, le Sauveur de tous les hommes. Véritablement, il nous fait passer des ténèbres du péché, des ténèbres de nos errances à la lumière qu’il est lui-même. L’ultime préparation à cette venue, comme le rappelle le Prologue, a été réalisé par le Précurseur. Un homme envoyé par Dieu, son nom était Jean. Il est venu comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient en elle. Le Précurseur, en effet, va avoir pour rôle de montrer plus grand que lui, lui qui, comme le Seigneur Jésus le dira, fut le plus grand des prophètes. Il a été voulu par Dieu pour montrer celui qui entre dans le monde. Celui qui est avant le commencement du monde, qui est de toute éternité. Le Précurseur indique que Jésus est le Sauveur. En quelque sorte, avec cette naissance, il y a irruption de l’éternité dans le temps qui est le nôtre. Ce mystère est immense.

Le Fils premier-né du Père a voulu prendre notre chair pour nous conduire à la connaissance du Père. Mieux encore, le connaissant, il a voulu – c’est le dessein bienveillant du Père et donc de la

Trinité – que toute créature humaine prenne conscience et découvre qu’elle est appelée à être, à la suite du premier-né, un enfant de Dieu. Telle est notre vocation. Par le baptême nous avons reçu l’Esprit Saint et nous avons été en quelque sorte adoptés par le Père. Paul parle de « l’adoption filiale ». Nous sommes devenus enfants de Dieu parce que Jésus est devenu enfant des hommes, fils de Marie, vraiment homme et vraiment Dieu, comme nous le disons dans le Credo. S’il s’est fait homme, c’est pour nous faire entrer dans la condition divine, c’est-à-dire nous faire entrer dans l’amour divin, cet amour éternel auquel, de toute éternité, nous avons été destinés. Dieu n’a jamais voulu autre chose pour nous que la béatitude, cette plénitude du bonheur que nous appelons « la béatitude ». Déjà dans la Genèse, l’humanité semble préférer vivre dans l’indépendance par rapport au Seigneur, plutôt que dans une dépendance amoureuse. Il faut bien reconnaitre que dans nos propres vies, nous préférons aussi bien souvent faire cavalier seul, plutôt que de nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu et de la mettre en pratique. Le Messie qui repose dans la crèche est venu pour nous saisir par la main et nous entraîner à vivre en enfant de Dieu.

Il me semble que le sentiment qui doit nous habiter en ce jour est véritablement la reconnaissance. La reconnaissance qui peut s’exprimer à travers l’adoration. Je ne sais pas si vous le savez, les chartreux, en ce jour restent en adoration toute la journée. Nous sommes si peu conscients du mystère extraordinaire qu’est cette naissance. C’est tout l’amour divin qui apparaît sur le visage de cet enfant, comme l’épitre aux hébreux vient de nous le rappeler. Sur le visage de Jésus, c’est toute la majesté divine, la majesté du Père qui apparait. Un tout petit enfant fragile devient pour nous, illuminé par la Révélation, le visage plein de bonté, de tendresse et d’amour du Créateur. Nous ne pouvons que nous taire aujourd’hui en adorant celui qui vient nous sauver, qui vient nous faire passer des ténèbres à la lumière, du péché à la grâce, de l’ignorance à la connaissance du dessein bienveillant du Père en notre faveur.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

En la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi – dimanche 25 décembre 2022

1ère lecture : Is 52, 7-10
Psaume : 97, 1, 2-3ab, 3cd-4, 5-6
2e lecture : He 1, 1-6
Évangile : Jn 1, 1-18