Homélie pour l’ouverture du pèlerinage à Lourdes

Frères et sœurs,

Lors de la XIIIe apparition « Aquero » – c’est ainsi que Bernadette nommait la belle dame qu’elle voyait dans la grotte – lui dit : « Allez dire aux prêtres de bâtir une chapelle et qu’on y vienne en procession ». Pour « aller », pour être envoyer, il est nécessaire d’avoir fait une rencontre, d’avoir reçu un message, une mission…

« Le Père a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui », nous a rappelé saint Jean dans le passage de sa première lettre que nous venons d’entendre. Le Fils a été envoyé pour obtenir par son oblation sur la croix, par l’offrande de sa vie, le pardon de nos péchés. C’est l’amour infini du Père pour ses créatures qui est à l’origine de la mission du Fils. Un amour infini et totalement partagé par le Fils lorsqu’il vient prendre notre condition humaine. En plus du pardon des péchés, le Sauveur ressuscité a acquis la capacité de donner l’Esprit Saint à ceux qui le reconnaissent comme le Seigneur. Ainsi, le Christ nous donne accès à la vie divine. Le don de l’Esprit nous fait Temple de Dieu, « Il demeure en nous » et nous offre la possibilité d’aimer comme il nous aime. Ce « Dieu qui est amour » nous invite à demeurer dans l’amour avec l’aide de l’Esprit Saint.

Marie, la sœur de Marthe dont nous célébrons la fête aujourd’hui, l’avait bien compris. Elle était toute attentive et donnée à celui qu’elle écoutait. Aussi a-t-elle choisi la meilleure part en partageant avec le Christ un amour réciproque et constant, de tous les instants, qui est manifesté par son écoute. Marthe quant à elle, se fait légèrement rabrouer par Jésus : « Tu t’agites pour bien des choses ». Les préparatifs du repas lui font oublier la présence de son hôte. Quand on aime, seule compte la présence à l’être aimé, d’autant plus s’il est lui-même l’amour divin incarné. En écoutant le Verbe de Dieu, Marie est comme projetée dans la vie éternelle, où « l’amour sera tout en tous ». Nous pouvons tous rendre grâce pour sainte Marthe qui, par son interrogation, a permis aux croyants de savoir où réside le plus important dans nos vies : la Parole de Dieu faite chair : le Christ Jésus.

Lors de la XIIIe apparition de la Vierge, Bernadette semble avoir déjà été un peu catéchisée par la Mère de Dieu. Alors qu’elle ne connaît pas encore l’identité d’Aquero, elle reçoit l’ordre « d’aller dire aux prêtres de faire bâtir ici une chapelle et qu’on y vienne en procession ». Déjà Bernadette sait que l’obéissance est la haute expression de l’amour. Sur le champ elle va s’acquitter de sa mission auprès du curé de Lourdes, l’abbé Peyramale, homme bon et prudent, mais impressionnant, car il a la colère facile… Au terme de bien des péripéties elle ira par deux fois dans la même journée rencontrer son curé et parviendra à exprimer la totalité de la demande de la dame. Elle a vaincu sa timidité et sa peur, car elle ne pouvait imaginer désobéir et décevoir la dame si bienveillante à son égard. Après avoir accompli son devoir, elle dira : « Je suis bien contente. J’ai fait ma commission » et rentrera chez elle toute joyeuse. Se sentant aimée par Aquero, elle a tenu à lui prouver son attachement en obéissant avec exactitude à sa demande. Il lui faudra encore obtenir le nom de la dame pour convaincre le curé de réaliser le désir de l’apparition.

Frères et sœurs, comment ne pas rapprocher cette invitation de l’Immaculé à Bernadette de celle faite par le Christ au lendemain de sa résurrection, juste avant de s’élever au Ciel et de disparaître aux regards des apôtres jusqu’à ce qu’il revienne ? « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 28, 15). « Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28, 19).

Nous avons reçu l’enseignement de Messie contenu dans les Évangiles. Depuis vingt siècles les signes du Royaume nous sont offerts à travers les sacrements et la vie des bienheureux, telle la pauvre et humble Bernadette ou Marthe maladroite sans doute, mais généreuse et soucieuse d’accueillir au mieux son Sauveur. Sommes-nous prêts, avec nos dons et nos limites certes, à aller avec simplicité et audace partager le trésor de la Révélation, comptant avant tout sur l’aide de l’Esprit Saint pour faire connaître aujourd’hui aux hommes et aux femmes de notre société le visage du Sauveur ?

Frères et sœurs, prions au cours de ce pèlerinage pour que Notre-Dame de Lourdes et sainte Bernadette obtiennent pour chaque pèlerin du Tarn la grâce d’être missionnaire et de connaître la joie que procure l’obéissance au Dieu qui est amour !

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

En l’église Sainte-Bernadette – le vendredi 29 juillet 2022, 15h00
1^ère lecture : 1 Jn 4, 7-16
Psaume : 33
Évangile : Lc 10, 38-42