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Méditations pour la Nuit des Témoins

La 13e Nuit des Témoins, organisée par l’Aide à l’Église en Détresse (AED), a eu lieu dimanche 23 janvier à la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi. Au cours de ce temps de prière et de témoignages, Mgr Jean Legrez a proposé trois méditations.

1. Une chaîne glorieuse et ininterrompue de martyrs

Au lendemain de la Pâque du Messie, dès le début de la prédication des Apôtres, environ cinq ans après la mort sur la croix de Jésus, Étienne est martyrisé à Jérusalem sous les yeux de Paul ; on l’appelle traditionnellement le protomartyr, le premier martyr. À la suite de Jésus, puis d’Étienne jusqu’à nos jours, jamais ne s’est interrompue la chaîne glorieuse des témoins du Christ, configurés à leur Sauveur et prêts à participer à ses souffrances en acceptant par amour, la mort elle-même.

De même que c’est l’amour qui tient le Christ cloué à la croix et non les clous, selon sainte Catherine de Sienne, de même les martyrs sont ces témoins fidèles, qui, par l’offrande de leur vie, affirment qu’« il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

La croix est plantée dans la vie de tous les disciples de Jésus Christ. « Quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas derrière moi ne peut être mon disciple », a dit Jésus (Lc 14, 27). La croix demeure une réalité sanglante et quotidienne. Selon l’ONG « Portes ouvertes », il y aurait aujourd’hui dans le monde 360 millions de chrétiens persécutés et discriminés, soit un chrétien sur sept. En 2021, 5 898 chrétiens ont été tués en raison de leur foi ; 6 175 chrétiens sont détenus en raison de leur conviction religieuse. En outre, 5 110 églises ont été la cible de fermeture ou de violence. Depuis vingt-huit ans, 2021 bat le record des persécutions. Depuis 1993 en effet, la persécution des chrétiens n’avait atteint un tel niveau. L’Afghanistan, la Corée du Nord sont les pays les plus dangereux pour les chrétiens. La Chine, le Sri Lanka, la Birmanie et la Malaisie utilisent maintenant les outils numériques pour réprimer les chrétiens. La pandémie a entraîné des discriminations alimentaires et sanitaires envers les chrétiens dans certains pays comme l’Inde et le Pakistan. Sur les 5 898 chrétiens tués pour leur foi, 4 650 l’ont été au Nigéria où sévissent Boko Haram et Daech.

Tous ces chrétiens persécutés et martyrisés sont pour nous, frères et sœurs, des modèles. Ils ont marché à la suite du Christ et porté leur croix jusqu’au bout. Nous voulons ce soir leur rendre hommage. Ils sont avec nous dans la communion des saints : « Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance. Si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie » (1 Co 12, 26).

Avec eux, prions spécialement pour ceux et celles qui sont au combat à cette heure et qui passent aujourd’hui la grande épreuve. Que les glorieux martyrs intercèdent en leur faveur !

 

2. « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent. »

Le mot martyr vient du grec et signifie témoin. Le témoin est celui qui rapporte ce qu’il a vu. Le martyr chrétien est un témoin de la foi, il confesse la foi de l’Église. A la face du monde, il affirme sa confiance dans le Dieu Père, Fils et Saint Esprit, que l’envoyé du Père, l’Apôtre du Père, Jésus nous a fait connaître. Les récits anciens, les célèbres passions des martyrs, nous montrent le courage de ces frères et sœurs aînés dans la foi, qui refusèrent tout compromission avec leurs persécuteurs, fussent-ils empereurs. Il n’y a qu’un seul Seigneur, c’est Jésus Christ.

Les martyrs sont avant tout des disciples et des imitateurs du Christ. Comme le Père Louis BOUYER l’a écrit : « Ce n’est pas la mort elle-même que le martyr recherche dans la mort, c’est le Christ ». Cette quête « n’est pas une imitation artificielle d’un modèle extérieur, mais une communion profonde et aimante du Christ ». Déjà Origène au IIIe siècle remarquait : « Par le martyr, nous sommes entièrement à Dieu et à la vie avec lui, afin de communier à son fils unique ».

Ce lien étroit des martyrs avec le Christ sur la croix, les conduit dans la mouvance de l’Esprit Saint à épouser les sentiments du crucifié à l’égard de leurs bourreaux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Ce soir, il faut le dire, frères et sœurs, car nous devons le faire : nous prions aussi pour les bourreaux et les persécuteurs. Les chrétiens sont bien souvent des proies faciles : ils ne se vengent pas, ne se révoltent pas. « Moi je vous dis : aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent », dit le Seigneur. La vengeance de Dieu n’existe pas. La miséricorde et le pardon sont sa seule réponse. Le pardon libère. Lui seul met un terme à l’enchaînement de la colère et de la vengeance, du ressentiment et de la haine. Lui seul fait taire les armes, arrêter la violence. Lui seul permet la rédemption du persécuteur qui peut, s’il le désire, se laisser toucher, bouleverser par un pardon humainement impossible et donc miraculeux, venant du cœur même de Dieu.

Obtenons pour les persécuteurs un mouvement du cœur semblable à celui du bon larron : « Jésus souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton Royaume ».

3. Fortifiés par l’Esprit Saint, offrons notre vie

Seule l’action de l’Esprit Saint dans l’âme des martyrs peut expliquer leur capacité à affronter l’épreuve, les souffrances et la mort dans le supplice. L’Esprit Saint est présent dans le martyr qui le manifeste par la force de son amour allant jusqu’au pardon. Les martyrs sont « fortifiés » par l’élan de l’Esprit Saint.

Professant la foi comme au jour du baptême, le martyr vit un baptême dans le sang, qui remplace même le baptême d’eau dans le cas où le martyr n’a pas encore reçu le sacrement du baptême.

Le scandale de la violence et de la mort à l’encontre d’innocents de tout crime, nous interroge, nous inquiète et peut même nous déstabiliser face à l’horreur de tant d’injustices. Seules la contemplation du visage du crucifié et la méditation de sa recommandation : « Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33), pourront nous aider à compter uniquement sur le Seigneur, à placer en lui seul notre confiance et à accueillir la force de l’Esprit Saint pour mener le combat spirituel.

Pour être vainqueur nous pouvons implorer celle qui était au pied de la croix et que Jésus nous a donnée pour mère. Nous pouvons prier Marie maintenant comme à l’heure de la mort. La laisser nous conduire à toujours davantage de confiance, à un sursaut dans l’Espérance, à aimer comme Dieu aime, jusqu’à donner sa vie pour ses frères en la personne de Jésus. Tout baptisé est un témoin ; n’oublions jamais que c’est le même mot que « martyr ». Un témoin qui ne doit jamais oublier qu’existe un martyr non-sanglant, qui consiste, jour après jour, à offrir sa vie au Père comme le Christ, dans l’obéissance à l’Esprit Saint. C’est ce que le concile Vatican II appelle le sacerdoce de tout fidèle.

Ce soir, en union avec tous les martyrs de tous les temps, dans la patience et la persévérance, osons offrir nos vies. Si notre vie n’est pas un martyr sanglant, elle est cependant sans cesse appelée à imiter les martyrs. Et si jamais nous sommes appelés à vivre le martyr sanglant, alors, habitués à offrir quotidiennement notre vie, nous saurons à ce moment-là, la donner. Ayons confiance !

 

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