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Homélie lors de l’installation du P. Philippe Basquin comme curé

Frères et sœurs,

Dans l’Évangile de dimanche dernier, nous avions vu les disciples se quereller pour savoir quel serait le plus grand parmi eux, alors que Jésus venait d’annoncer sa Passion. Les disciples étaient dans un climat de pure mondanité au moment même où Jésus annonçait le cœur même de sa mission. Il avait alors pris un petit enfant pour le placer au milieu d’eux. Jésus tâchait de leur faire découvrir que le plus grand, est le plus petit, le serviteur. Maintenant les disciples s’interrogent parce qu’ils ont vu quelqu’un qui n’appartient au cercle des disciples chasser les démons au nom de Jésus et obtenir un résultat. Ils interrogent Jésus et la réponse ne se fait pas longuement attendre : « celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (Marc 9, 40).

Le nouveau curé proclame l’Évangile.

Il est important de saisir que les limites du cercle des amis de Jésus est heureusement beaucoup plus large que celui de ses disciples. Celui en effet qui pratique une charité réelle, qui vit avec le souci d’aimer son prochain, au nom de Jésus sans bien le connaître ou même en l’ignorant, appartient déjà au Christ. Par contre, et c’est la deuxième partie de l’Évangile que nous venons d’entendre, celui qui est un scandale, c’est-à-dire qui s’oppose à l’enseignement de Jésus, ou plus largement à l’enseignement de la Révélation, c’est-à-dire au contenu des Écritures, s’il agit de manière volontaire, dans une absence de respect pour Dieu comme pour le prochain, dans une opposition frontale à la Révélation, celui-là fait scandale et mérite la géhenne. Sans doute avez-vous remarqué que par trois fois dans cet évangile, la géhenne est évoquée en opposition à la vie éternelle, la vie divine, la vie avec Dieu. En effet, tout être humain qui bafoue la dignité du prochain, qui manque gravement de bienveillance, qui ne respecte pas la vie humaine, celui-là se condamne lui-même. Le jugement, ce n’est pas Dieu qui nous juge, mais c’est nous qui choisissons librement de nous écarter de Lui et malheureusement cela existe.

Je crois que nous pouvons réfléchir en cette fête de saint Vincent de Paul, lui qui a eu le souci des pauvres dans une époque où un bon nombre s’en moquaient totalement, où la vie n’était pas respectée, les enfants abandonnés… L’évangile de ce jour peut être l’occasion de nous interroger sur notre attitude, par exemple vis-à-vis des migrants, vis-à-vis des étrangers, vis-à-vis des personnes qui sont différentes. Allons-nous choisir de faire chemin vers la géhenne en les ignorant ou, au contraire, habités déjà par l’Esprit Saint qui nous donne la vie divine, allons-nous vivre en véritables disciples du Christ, plaçant Dieu le Père à la première place, ainsi que nos frères humains, car il n’y a qu’un seul commandement : l’amour de Dieu et du prochain ?

En réfléchissant à cette homélie, je me demandais : est-ce qu’on parle souvent aujourd’hui aux fidèles du Ciel, du purgatoire, de l’enfer ? Pourtant, ces réalités font partie de la Révélation. Peut-être allons-nous parfois un peu vite en disant : « Dieu est un dieu d’amour, il pardonne tout ». Oui, Dieu veut tout pardonner ! Mais pour qu’il puisse tout pardonner, il faut que librement nous nous tournions vers lui.

Essayons de comprendre de quoi il s’agit lorsque nous parlons du Ciel… C’est un très grand mystère dont nous ne parviendrons jamais à saisir la réalité dans sa totalité. Nous sommes dépassés. Pour mieux appréhender cette réalité, nous pouvons trouver une aide précieuse dans le Catéchisme de l’Église Catholique. Vous savez, ce volume que vous avez sur votre table de nuit, à côté de votre Bible et que vous lisez régulièrement ! Cela vous fait sourire… mais je le dis très sérieusement : nous avons la chance extraordinaire, à l’époque qui est la nôtre, d’avoir reçu un catéchisme à notre portée, publié par le saint pape saint Jean-Paul II. Ce catéchisme est une mine pour comprendre notre foi et l’approfondir. De plus, il est tout à fait maniable : il y a des tables merveilleuses et vous n’avez pas besoin de tout lire ! Vous allez chercher « Ciel », ou « vie éternelle » et vous trouverez les lignes qui vous aideront à mieux entrer dans ces réalités mystérieuses, absolument réelles mais qui nous dépassent, parce que nous sommes des créatures, nous ne sommes pas Dieu ! Nous sommes de pauvres hommes, appelés à partager la vie divine, c’est justement ce que nous appelons le Ciel. Le Ciel consiste à bénéficier de la vision de Dieu, vivre dans un face-à-face avec Dieu. Le Ciel sera comme un unique instant d’amour qui dure à l’infini. Vous trouvez cela dans le Catéchisme ! N’est-ce pas magnifique ? À partir d’une formule comme celle-là, nous pouvons comprendre ce que sera le bonheur éternel, la béatitude céleste.

Nous espérons et nous essayons de choisir jour après jour d’aller au Ciel, heureusement, et ce sera certainement le cas pour la plupart d’entre nous. Telle est notre espérance ! Mais pour cela, il faut librement, sans cesse, choisir de nous ouvrir à Dieu et essayer, avec l’aide la grâce, de vivre selon l’enseignement des Écritures. Visiblement, Jésus a l’air de dire qu’il y en a un certain nombre qui iront dans la géhenne. La géhenne, c’est ce que nous appelons l’enfer. C’est fort mystérieux, mais si par nos actes, nous choisissons de nous opposer au projet d’amour de Dieu sur nous-mêmes, sur l’humanité entière, et que nous persévérons dans le refus de ce que Dieu nous propose, nous nous excluons nous-mêmes de la présence de Dieu. Pour résumer, je dirais que celui qui va en enfer est celui qui, librement, désire se séparer définitivement de son Créateur et de son Sauveur. Nous sommes libres. S’il n’y avait pas cette liberté de choix, on ne pourrait pas parler d’un véritable amour. Évidemment, celui qui refuse de s’ouvrir à l’amour est destiné à être dans un état qui le laisse éternellement, durablement, dans l’incapacité d’aimer. Tel est le malheur de l’enfer.

Vous allez me dire : « Au jour de ma mort, serai-je véritablement prêt à entrer pleinement dans l’amour divin ? Je ne veux absolument pas aller en enfer. » Si vous ne voulez pas aller en enfer, vous êtes certain que vous n’irez pas. En raison même de la miséricorde de Dieu. Si, malheureusement, au moment de notre mort nous sommes encore pollués par toutes sortes de péchés qui établissent une espèce de brouillard qui cache en partie le visage du Père miséricordieux, nous connaîtrons cet état qu’on appelle le purgatoire. Le purgatoire n’est pas une invention, il est présent déjà dans les Écritures, dans le livre des Maccabées : alors que des jeunes soldats meurent au combat, Israël a le sentiment qu’ils ne sont pas encore parfaits pour rencontrer Dieu. On commence alors à prier pour eux, afin qu’ils soient purifiés. La doctrine du purgatoire repose sur ces versets du deuxième livre des Maccabées. En effet, notre Dieu, nous le savons, nous le croyons, nous l’espérons, est le Seigneur de la miséricorde. Pour ceux qui meurent sans être totalement ouverts à l’amour divin, il y a cet état qui purifie. C’est un état douloureux : voir celui qu’on aime sans pouvoir le distinguer parfaitement, ni pouvoir le saisir, c’est une souffrance. Pourtant, c’est un petit peu comme ce qui s’est passé pour Pierre. Pierre a trahi le Christ dans la nuit du Jeudi au Vendredi Saint. Le Christ l’a regardé. Pierre a pleuré. Il a regretté, il a souffert de son manque d’amour. Le Christ l’a toujours regardé avec amour et progressivement Pierre a été pardonné. C’est une belle image du purgatoire. Cet état douloureux où on regrette son manque d’amour nous fait progresser jusqu’à l’entrée dans la plénitude de la vie éternelle, jusqu’à l’entrée au Ciel, dans la vision bienheureuse de l’amour.

Frères et sœurs, si véritablement il y a un Ciel, un enfer, un purgatoire, prenons au sérieux la deuxième lecture que la liturgie de ce jour nous offre : ce passage de l’épître de saint Jacques, concernant les richesses souvent utilisées de manière si égoïste et dans l’absence de respect pour le prochain, pour le juste. Soyons, avec l’aide de la grâce et avec l’intercession de votre patron saint Vincent de Paul, des serviteurs de tout frère en humanité et bien au-delà de nos cercles ecclésiaux, soucieux des périphéries comme nous le rappelle sans cesse le pape François. Nos communautés ont certainement des progrès à faire dans la vie fraternelle. Cette vie fraternelle ne doit pas nous replier sur nous-mêmes, mais au contraire nous ouvrir à tout être humain, quel qu’il soit. J’ai été frappé lors de la visite ad limina, par les deux heures que nous avons passées avec le pape et les vingt-cinq évêques que nous étions. Le pape François nous a invités à la Mission, une mission qui consiste à annoncer le Christ à partir d’une vraie communion entre nous et en plaçant, nous a-t-il dit, le pauvre au centre de nos communautés, pour qu’il nous évangélise. Où en sommes-nous ? Bien sûr, nous avons le Secours Catholique, la Société Saint-Vincent de Paul, et tant d’autres œuvres. Nous aimons nous pencher sur les pauvres ; mais ce n’est pas ce que nous demande le pape. Il faut le faire, bien sûr. Le pape nous demande en plus de nous laisser évangéliser par les pauvres ; d’être à leur écoute, de leur faire place centrale dans nos communautés pour que nous soyons évangélisés et que par notre attitude communautaire nous annoncions le Christ au-delà même de nos cercles habituels.

Que saint Vincent de Paul intercède pour votre communauté, qu’il intercède pour votre nouveau curé, pour que vous sachiez ensemble placer les pauvres au cœur de votre communauté pour découvrir à quel point ils vous évangéliseront !

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

 

En l’église Notre-Dame du Bourg, Rabastens – dimanche 26 septembre 2021

1ère lecture : Nb 11, 25-29
Psaume : 18, 8, 10, 12-13, 14
2ème lecture : Jc 5, 1-6
Évangile : Mc 9, 38-43.45.47-48