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Homélie de Mgr Legrez pour la fête de la Croix glorieuse

Lors de la journée de rentrée des prêtres du diocèse, le 14 septembre 2021, en l’église du Sacré-Cœur de Bonnecousse, à Aussillon.

Frères et sœurs,

Cette belle fête de l’exaltation de la croix glorieuse est le souvenir de la dédicace de la basilique de la Résurrection à Jérusalem. Cette basilique que l’on appelle aujourd’hui, le plus souvent, la basilique du Saint Sépulcre, est érigée sur le tombeau du Christ. C’est au cours du IVe siècle, en 335, que cette dédicace a eu lieu. Quand on vit à Jérusalem pour célébrer cette fête, c’est la période où nos frères aînés, juifs, célèbrent la fête de Yom Kippour, la fête du Grand Pardon ; puis c’est le temps de la fête des Tentes, pendant une semaine. À la racine de cette fête de la croix glorieuse il y a bien sûr cette dédicace, mais il y a aussi tout le développement théologique qui s’est fait à partir de ce grand mystère de la croix. L’offrande du Christ en croix obtient le salut pour le monde. C’est une vérité de la foi. Il faut bien reconnaître que nous sommes tous dépassés par ce mystère. Ce mystère où la croix n’est pas que l’instrument de torture du Christ, mais elle est devenue le signe de l’espérance chrétienne. Par la croix le Christ est passé à la vie éternelle, cette vie éternelle qui est la sienne, qu’il est venu nous donner. Avec l’incarnation, le Christ partage tout de la condition humaine mais sans rien perdre de sa présence au Père, lui qui est de toute éternité le Fils.

Mgr Legrez lors de la fête de la Croix glorieuse, à Aussillon.

La croix n’est plus pour nous un objet de mépris, comme elle l’a été dans les premiers siècles. La croix était le supplice des esclaves. Que le Fils de Dieu ait pu connaître un tel supplice aussi déshonorant, était impensable. Pourtant la croix est devenue, pour nous aujourd’hui, notre fierté. Aujourd’hui dans certains pays du Proche Orient où sévissent bien des formes de persécution, beaucoup de jeunes se font tatouer la croix, à leurs risques et périls. S’ils sont arrêtés, ils sont expédiés dans l’autre monde. Comme le serpent de bronze élevé par Moïse – nous rappelait le livre des Nombres en première lecture – apporte à ceux qui contemple le serpent d’airain, la guérison de la vie humaine, la croix du Christ contemplée offre aux croyants la vie éternelle, une guérison définitive. Seul Dieu pouvait imaginer de faire de la souffrance offerte par amour, une source de joie et de vie. Quel est l’être humain qui aurait pu penser à un tel processus : « Le Christ s’est livré pour nous, obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix », (Ph 2, 8), afin de nous dévoiler ainsi l’amour qu’il porte à chacun, à chaque personne humaine qu’il est venue sauver. L’horreur de la Passion et de la mort sur la croix correspondent en quelque sorte à la profondeur insondable de l’amour infini du Créateur et du Sauveur qui, par la puissance de l’Esprit Saint nous sanctifie, nous fait partager la vie divine.

Contempler le Christ sur la croix, conduit à entrer dans le mystère de sa kénose, de son abaissement, il a voulu se vider de sa condition divine jusqu’à connaître la mort de ses frères humains ; cette mort qui est une des conséquences du péché, de la rupture avec Dieu. Lui, qui n’a jamais péché et qui n’est donc qu’amour, a voulu partager notre sort pour permettre à ceux qui se fient en lui de vivre d’ores et déjà de la vie divine, de sa vie, pardonnés grâce à son sang versé, lavés du péché, désaltérés et abreuvés par ce sang tout au long de notre existence sur terre, par l’eucharistie.

N’est-ce pas, frères et sœurs, tout particulièrement pour les frères prêtres, ce qui est actualisé à chaque eucharistie. L’évènement de la crucifixion est rendu actuel, et pas seulement la crucifixion, mais la Cène, la crucifixion, la résurrection sont rendus actuels. La Pâque du Christ est actualisée à chaque eucharistie où le Christ s’offre au Père pour la vie du monde. En recevant son corps et son sang de Ressuscité, nous vivons d’ores et déjà de sa vie éternelle, de sa vie divine. Une vie qui, d’eucharistie en eucharistie, est en quelque sorte fortifiée, dynamisée. Avec lui nous devenons capables d’entrer dans une dynamique, une vie de don. Comme lui s’est donné, il nous donne la capacité d’entrer dans une dynamique du don, dans une dynamique de l’amour. La croix peut être dite glorieuse car elle est passage vers la victoire de la résurrection. L’imitation du Christ pour tout croyant, pour tout baptisé, est la réponse à son invitation à le suivre en passant par la croix. La croix est présente, elle est plantée dans chacune de nos vies. Le Christ nous appelle à nous offrir comme lui a offert sa vie, non pas de manière théorique, mais de manière concrète par un réel abandon à la volonté de Dieu, à la volonté du Père. Un abandon exprimé régulièrement dans la prière et par un don de soi effectif dans la vie quotidienne.

Frères et sœurs, demandons cette grâce d’aimer la croix du Sauveur, non pas, bien entendu par masochisme, mais simplement parce que, quoi qu’il en coûte, par grâce nous croyons et nous savons que l’amour est plus fort que la mort ; que la mort est vaincue. Ce n’est pas elle qui a aura le dernier mot mais le Sauveur qui nous entraîne à sa suite pour connaître éternellement la joie d’aimer et de se laisser aimer.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

 

1ère lecture : Nb 21, 4b-9
Psaume : Ps 77, 3-4a.c, 34-35, 36-37, 38ab.39
Évangile : Jn 3, 13-17