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Homélie pour l’ordination diaconale de Dominique Poinsot

Frères et sœurs,

Vous qui êtes présents dans l’église de la Madeleine ou qui participez à cette célébration grâce aux ondes de RCF Pays Tarnais, je crois que nous pouvons nous réjouir, nous avons sous les yeux – ce n’est pas très habituel – vingt-cinq diacres permanents autour de cet autel. Je n’ai pas compté les prêtres, ils doivent être la moitié. C’est très inhabituel et très heureux. Voilà un moment de la vie de notre Église qui peut nous conforter, nous dynamiser. Pour la liturgie de ce jour, je ne sais si on avait demandé à Dominique de choisir les textes, s’il aurait choisis ceux que nous venons d’entendre… Personnellement, je crois qu’on n’aurait pas pu mieux trouver. Cette première lecture tirée du livre de la Sagesse nous dit cette parole extraordinaire qui nous dépasse tous. Il s’agit du Seigneur : « tu fermes les yeux sur leurs péchés pour qu’ils se convertissent ». C’est exactement ce que Jésus va faire avec ce Zachée si sympathique. Il nous ressemble tellement, Zachée. Vous êtes sans doute des saints, du moins en puissance. Cela c’est sûr, grâce à la présence de l’Esprit Saint en vous depuis votre baptême. Mais nous savons aussi à quel point tous, de manières différentes, nous sommes pécheurs. Or, voilà que la logique divine véritablement nous dépasse complètement. Ce Dieu qui est un Dieu d’amour – évidemment qu’il ne nous encourage pas au péché, c’est le contraire de l’amour –ce Dieu ferme ses yeux sur nos péchés de telle sorte que nous puissions nous convertir.

Zachée n’est pas du tout un type brillant dans la société de l’époque, puisqu’il est un « collabo ». Ceux qui ont vécu la guerre savent ce que cela veut dire. En fait, pour tout juif pieux, c’est un pécheur public. Il est de ceux qu’on montre du doigt. Cela continue, nous les chrétiens, combien de fois nous montrons du doigt ceux qui ne se comportent pas comme nous pensons que nous devons nous comporter. Quelle leçon ! Ce Zachée qui est tellement comme nous, est animé par un désir très fort, il veut voir Jésus. Il ne le connaît pas, mais il veut voir Dieu. Ce désir-là est inscrit au cœur même de toute créature humaine, qu’elle le sache ou non. Nous sommes tous des chercheurs de Dieu. Alors aujourd’hui on préfère dire des chercheurs de sens, …comme vous voulez. Pourquoi ? parce que nous avons été créés à son image. Zachée qui cherche n’est certainement pas très à l’aise, il ne sait pas trop comment se situer dans cette foule de Jéricho. Jéricho qui est la ville proscrite, la ville païenne que les juifs montrent du doigt parce qu’elle est païenne. Comme par hasard, c’est là que Zachée va rencontrer le Christ, en grimpant dans un sycomore, il pense passer inaperçu. Il n’en est rien. Dieu veille sur chacun d’entre nous, présent ou absent de cette église, sur tout homme – et, là, nous sommes dépassés… Sur tout homme, sur toute créature humaine, Dieu porte un regard de bienveillance. C’est ce qui se passe pour Zachée. Jésus passe et voilà qu’animé par ce désir de bienveillance à l’égard de tous, il lève les yeux. On imagine ce croisement des regards, bouleversant. Jésus a l’audace de dire à ce pécheur public – d’ailleurs, dans la foule, on va en parler, « qu’est-ce qu’il va faire chez les pécheurs ? » disent les bien-pensants. Peut-être les bons catholiques d’aujourd’hui. Là l’incroyable se réalise, Jésus dit à cet homme : « aujourd’hui je veux demeurer chez toi ». Jésus veut demeurer chez un pécheur. Le pécheur, cet homme qui cherchait de manière maladroite, scandaleuse peut-être, sûrement même, cet homme va accueillir celui qui l’attendait obscurément, qui l’espérait obscurément. En l’accueillant, il va changer de vie, il va se convertir. Immédiatement il pose des actes de loyauté extraordinaire, en donnant plus que ce que la Loi demande. Il fait mieux que les bien-pensants, ce grand pécheur public.

Frères et sœurs, nous sommes tous Zachée. Nous cherchons, les uns les autres de manières différentes, dans l’obscurité mais aussi, grâce à Dieu, avec des moments de lumière de telle sorte que nous puissions sortir de notre misère, de notre péché et nous convertir. Nous convertir comme Zachée devant la bienveillance de Jésus. La miséricorde de Jésus, sa bienveillance, sa bonté, touche le cœur de Zachée. Lui qui se considérait certainement comme perdu, et il était considéré comme tel. Or là, il découvre véritablement son sauveur. Vous voyez, c’est un très grand mystère que la miséricorde divine, elle va bien au-delà de ce que tout homme peut imaginer. Elle est faite d’abord pour les malportants, les marginaux, les malheureux de ce monde. L’amour divin dépasse tout ce que nous pouvons imaginer et Jésus le dit : il est venu chercher ceux qui étaient perdus. Jésus vient « d’abord » pour sauver ceux qui étaient perdus. Je crois que nous devons réfléchir aujourd’hui, l’Église épouse du Christ doit donc aller « d’abord » – comme dirait le Pape François – vers les périphéries. Nous tous, la plupart, sommes des bien-pensants dans cette église aujourd’hui ; c’est très heureux et c’est une grâce, mais nous avons une responsabilité énorme. Chacun d’entre nous est appelé à suivre le Christ, à l’imiter et à aller donc vers ceux qui paraissent perdus dans notre société. Ils sont nombreux.

Dominique, par le don de l’Esprit Saint, aujourd’hui vous allez devenir diacre. Vous serez ce serviteur nourri quotidiennement de la Parole de Dieu pour être capable de rejoindre les préférés du Seigneur : les petits, les pauvres, les prisonniers. En même temps, par votre ordination, vous serez voué au service de l’autel, à l’annonce de la Parole et votre vie en sera sans cesse fortifiée pour être un véritable serviteur de Dieu et des hommes. Un homme qui, par le don de l’Esprit Saint, sera capable d’entrer dans la logique divine – non pas la logique humaine, mais la logique divine – qui voit sur le visage de tout homme un reflet du visage du Christ, son Fils premier né. Véritablement, que l’Esprit Saint vous donne cette capacité de reconnaître sur tout visage, les plus abimés qui soient, la présence même de Dieu, l’image de Dieu pour servir les pauvres, les abandonnés, ceux qui ne savent plus où leur vie les mènera parce que tout avenir leur paraît bouché.

Frères et Sœurs, demandons cette grâce pour ce nouveau diacre, mais demandons aussi les uns pour les autres cette capacité de nous ouvrir à ceux qui sont différents, à ceux qui sont montrés du doigt, de telle sorte qu’ils puissent, en croisant notre regard, non pas percevoir un regard de jugement mais d’amour et de miséricorde.

Amen

† Jean Legrez, o.p.
Archevêque d’Albi

En l’église Sainte-Madeleine, Albi – le dimanche 3 novembre 2019
1ère lecture : Sg 11, 22 – 12, 2
Psaume : 144, 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14
2ème lecture : 2 Th 1, 11 – 2, 2
Évangile : Lc 19, 1-10

Homelie de Mgr Jean Legrez lors de la messe d'ordination diaconale de Dominique Poinsot

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