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Évangile et terroir : Jésus s’y connaissait

Le Père Claude Cugnasse propose une recension de l’ouvrage écrit par du Père Gérard Soulié, prêtre dans la paroisse Saint-François Sainte-Claire en Ségala.

le cadre de vie des évangiles est imprégné du terroir et d’allusions au monde agricole. Le Père Soulié en relève quelques-unes qu’il commente avec saveur en puisant dans ses souvenirs de jeunesse, souvenirs d’un temps où la ruralité était tellement présente que certains passages d’évangile se comprenaient facilement par comparaison avec la vie des campagnes françaises. N’étant plus familiers de ces pratiques ancestrales, nous avons de la peine à apprécier avec justesse certains passages évangéliques.

Jésus s’y connaissait

La brebis perdue, le semeur, la graine de moutarde, les heures pour embaucher, Jésus connaissait ces réalités rurales. Le Père Gérard Soulié a relu les Évangiles avec sa familiarité du terroir Tarn-Aveyron. Il éclaire nombre de formules surprenantes.

Dès le premier chapitre de son livre, il nous parle des « cornes », un mot courant dans le Bible (plus de 50 usages dans la T.O.B.). Que font quatre « cornes » aux angles de l’autel dans le temple ? (Exode 27/2). Il faut nous souvenir que les « cornes » du taureau sont signes de force et même de danger. Devant l’autel on approche de la « crainte de Dieu » dont parle la Bible pour signaler que Dieu est tout puissant. Certes beaucoup de traductions évitent ces mots, on parle de « force », de puissance. Ne risque-t-on pas de nous éloigner de la foi vécue en Israël et peut-être de l’expérience d’éleveurs récents qui décorent les cornes de leurs bêtes pour tel comice ou fête agricole ?

Fresque de Nicolaï Greschny. Le semeur

Tous les lecteurs de la Bible n’ont pas à traiter avec des taureaux. Mais bien d’autres questions peuvent naître en écoutant à l’église telle ou telle lecture biblique. Les disciples en venaient à interroger Jésus par exemple à propos de l’ivraie (Mt 13/36). – « Pourquoi Jésus, nous demandes-tu de laisser grandir cette herbe qui va jusqu’à étouffer le blé ? ». Les serviteurs le savent et à l’époque on sarclait les champs, selon des indications de Pline l’ancien. Bien des exégètes trouvent là une leçon de patience ; on fera le tri au moment de la moisson. Mais Jésus explique que l’ivraie n’est pas seulement une mauvaise herbe. Il y voit et il nous y montre « les fils du Mauvais ». On est dans le Royaume de Dieu et là, c’est Dieu qui règle la moisson. Or nous n’en sommes pas au temps de la moisson, même s’il nous arrive de nous interroger. Devant cette guerre en Ukraine ou bien d’autres calamités, Dieu nous semble inactif. Il aura son heure, mais ce n’est pas notre affaire au quotidien, quelle que soit notre impatience… La moisson n’est pas notre affaire au quotidien. Souvenons-nous que Dieu fait lever son soleil et sur les bons et sur les méchants (Mt 5/45). Hélas, au cours des siècles, notre Église n’a pas toujours eu cette patience…

Venons-en au semeur. Jésus, semeur généreux, lance le grain sur divers terrains, jusqu’au milieu des ronces, semeur inattentif, pense-t-on. Mais geste de celui, qui sait qu’en tout homme il y a de la bonne terre. Alors quelle récolte espérer avec le grain dispersé ? Serait-ce 30, 50, 80 et peut-être jusqu’à 100 pour un ? Un rendement si élevé peut surprendre. Jésus ne fait pas des miracles chaque jour. Mais on sait la surprise des archéologues qui ont tenté de mettre en culture quelques graines recueillies dans l’obscurité des pyramides en Égypte, parfois depuis des millénaires. On célèbre le « blé des pharaons » un seul grain pouvant pousser plusieurs tiges et, avec plusieurs épis, il crée plus de 100 grains. Encore faut-il préciser qu’alors, on semait les grains à 20 ou 30 cm les uns des autres. Il aurait été facile de sarcler l’ivraie… Cette agriculture n’était pas ignorée de Jésus. Elle lui redisait la générosité du créateur.

Le livre du Père Soulié* nous éclaire par les pratiques d’un autre monde agricole, un monde qui surprend le lecteur rapide de la Bible. Ces 130 pages nous montrent que l’auteur est capable de rigueur historique et scientifique. Il nous répète que le message biblique mérite du sérieux plus qu’une lecture rapide. Merci.

Abbé Claude CUGNASSE
Texte publié dans le Tarn Libre, le 10 novembre 2022

 

Le Père Gérard Soulié sera l’invité des Jeudis de la librairie Siloë d’Albi, jeudi 24 novembre.
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Gérard SOULIÉ,
Évangile et terroir,

éditions Médiaspaul, 2022
132 pages
14 €