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Nicolaï Greschny, un Russe d’Occitanie

Il y a bien 150 églises où Nicolaï Greschny vous attend, peintes par lui à fresque, en totalité ou en partie. Dans l’Albigeois où il vécut, dans le Biterrois où il prit femme, le nord-ouest de l’Aveyron où des prêtres, légers d’argent mais amoureux du beau, le firent travailler dans la grande tradition de l’Église d’Orient. C’est, je vous le garantis, pour vos yeux l’enchantement, pour votre âme de croyant ou d’agnostique la joie qui vous attendent.

Renseignez-vous à Saint-Victor-et-Melvieu, en Aveyron, où l’on est fier d’avoir dans son village une de ses plus achevées réalisations. Les phylactères y parlent le latin de l’Église romaine et l’occitan de Saint-Victor. À l’Escapade des Raspes, on vous dira les rendez-vous qu’il ne faut pas manquer avec cet artiste singulier, moderniste et traditionnel, irréprochable théologien en images, capable de tirer parti de n’importe quelle architecture pour dire la gloire de son Dieu sur un mode aussi drôle que grave.

Avec Greschny, les murs et les voûtes chantent lyriquement, somptueusement, sans emphase, que la seule gloire de Dieu, à travers les deux Testaments, c’est l’homme vivant et debout en Jésus, le fils de Marie. Depuis le premier jour du monde jusqu’à l’Éternité d’ici-bas et d’après. Un dieu beau d’être bon, indulgent, accueillant aux fils prodigues et aux ouvriers de la onzième heure, aux filles perdues et aux larrons de bonne volonté. Un dieu dont il n’y a rien à craindre et tout à espérer, mille fois plus aimable que les plus belles beautés du panthéon des Grecs.

Multiplication des pains, portrait des paroissiens, agriculteurs et mineurs. Cherchez l’artiste, Rosières (Tarn). © Jean-Paul AZAM

J’avais à peine quitté l’enfance quand, pour la première fois, je vis une fresque de lui dans le réfectoire d’un minuscule pensionnat de garçons à La Fouillade. Jésus y multipliait les pains et les poissons pour des enfants affamés, en chemisette et en culotte courte ; les pensionnaires qu’il avait fait entrer, avec leur maître de musique ensoutané, tels quels, dans le temps évangélique.

Ces garçons, c’était moi. Le peintre me faisait contemporain de Jésus. J’allais l’être constamment. À la crèche, sur les chemins de Galilée, le lac de Tibériade, les noces de Cana, le Jourdain, la Pâque, le Golgotha, chaque fois que j’entrerais dans une église enluminée par lui. Contemporain, aussi, de la fin des temps et des fêtes éternelles d’après.

Le visionnaire de l’Invisible, ce jubilant conteur, ce contemplatif toujours en travail, était russe comme Roublev, Dostoïevski, Essenine ou Pasternak. Son père était prêtre, peintre d’églises et d’icônes. Il dut fuir avec sa famille la Russie des Soviets où, dès 1918, Lénine persécutait les croyants. Avec lui, Nicolaï ne cessa plus de parcourir l’Europe : l’Autriche d’avant l’Anschluss, la Belgique avant l’invasion nazie, le nord de la France occupée, incapable de supporter les tyrans ennemis de l’homme libre.

Il voulait, lui aussi, être prêtre. À Toulouse, il étudia la théologie. Mais il entendait bien, comme dans sa Russie natale, prendre femme et avoir des enfants. L’Église romaine refusa de l’ordonner. Il se maria et peignit, pour 3 francs 6 sous, joyeusement, dévotement, les merveilles qui l’habitaient. Allez les voir. L’homme de peu de foi et de maigre espérance que je suis vous l’affirme : vous ne serez pas déçus.

Yves Rouquette

Des fresques aux icônes

Tel est le titre du livre conçu par l’Association des Amis de Nicolaï Greschny  [1] et édité par les éditions Vent Terral [2]. Avec des textes d’une dizaine de contributeurs, quelques 300 documents (photographies de Jean-Paul Azam).

Sans compter icônes, sculptures, pièces d’orfèvrerie, ou vêtements sacerdotaux, plus d’une centaine de fresques dans 23 départements, dont le nôtre, le mieux représenté. Particulièrement nombreuses dans le Carmausin (Blaye, Cagnac, Camalières (commune de Monestiés), Laparrouquial, Le Ségur, Rosières, Saint-Benoît).

[1]             Association des Amis de Nicolaï Greschny, La Maurinié , 81430 Marsal, www.nicolaigreschny.net .

[2]             Vent Terral, Pôle d’activité Val 81, 81340 Valence, 05 63 56 46 87 www.vent-terral.com/greschny, 24 € + port 3 €, ou en libraire.

Nativité, Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). © Jean-Paul AZAM
Lavement des pieds, église de Rosières (Tarn). © Jean-Paul AZAM
Autoportrait de Nicolaï Greschny, chapelle de La Maurinié, 1957, Marsal (Tarn). © Jean-Paul AZAM

Nicolaï Greschny, repères biographiques

1912 : Naissance de Nicolas Greschny à Tallinn, Estonie. Son père, diacre, appartient à l’église catholique, mais conserve les coutumes de l’orthodoxie russe.

1922 : Son père meurt. Sa mère va poursuivre son éducation en lui traduisant du vieux russe, le Podlinnik, sorte de manuel de peinture (technique et iconographie), qu’il conservera longtemps.

1932 : Il part pour Berlin faire les Beaux-Arts.

1933 : Hitler accède au pouvoir. Nicolaï infiltre les jeunesses hitlériennes en vue de fournir des documents à Rome pour un projet de livre blanc contre l’hitlérisme. Recherché, il s’enfuit, à pied par la frontière tchécoslovaque.

1936 :  Il s’installe à Vienne, pris en charge par une congrégation de religieuses.

1940 :  Rattrapé par la guerre, nouvelle fuite devant les Allemands, vers la France, où il sera arrêté à Orléans. Envoyé au camp de Saint-Cyprien, il a la chance de n’y rester que deux mois, bénéficiant d’une évasion arrangée par l’évêque de Perpignan et le chef du camp. Caché dans les caves de la préfecture, il obtient un sauf-conduit pour Toulouse, afin de poursuivre ses études de théologie à l’Institut catholique. Logé par des jésuites, il peint sa première fresque en France.

1942 : Novembre. L’invasion allemande du sud de la France, le remet sur la route, cette fois vers Albi, où il va pouvoir terminer ses études de théologie au grand séminaire.

1944 : Œuvrant dans la Résistance, lors de l’attaque de la colonne allemande du 22 août à Albi, il relève les blessés sur le Pont-Neuf.

1945 : Après la Libération, il reste à Albi et cherche à s’établir dans le pays. Gilbert Assémat, futur vicaire général d’Albi, l’encourage et lui ouvre les portes de nombreuses paroisses.

1948 : À la recherche d’un endroit tranquille pour s’y réenraciner, il parcourt la région albigeoise à vélo. Il trouve un tas de ruines et de ronces à La Maurinié, commune de Marsal, où il décide de réaliser son rêve : construire une chapelle selon les canons classiques.

1957 : Après obtention de ses papiers, Nicolas peut enfin épouser Marie-Thérèse. Il signe l’achèvement de sa chapelle à la Maurinié. Deux enfants viendront agrandir la famille.

1970 :   Avec le Concile Vatican II (1962-1965) la réforme liturgique vide les églises de nombreuses décorations et les chantiers de fresques se raréfient. Il se consacre aux icônes, au gré des commandes. En fondant une école de peinture, il veut transmettre son art. Ce sera le début des stages de « Technique des peintres anciens », avec notamment celle de l’icône. En parallèle Marie-Thérèse assure des stages d’émaillage sur métaux. (Ces stages sont poursuivis par son fils.)

Différentes scènes de l’Ancien Testament, textes en occitan, Saint-Benoît-de-Carmaux, Cagnac-les-Mines, Camalières, Monestiés (Tarn). © Jean-Paul AZAM
Différentes scènes de l’Ancien Testament, textes en occitan, Saint-Benoît-de-Carmaux, Cagnac-les-Mines, Camalières, Monestiés (Tarn). © Jean-Paul AZAM
Icône de l’Emmanuel avec riza , peinte à Vienne en 1936, l’un des rares objets ramenés par Nicolaï, fait partie de l’iconostase * de la chapelle de La Maurinié, format 18 x 15,5 cm, La Maurinié, Marsal (Tarn). © Jean-Paul AZAM

L’Emmanuel

« Je peins le Christ sous les traits d’un jeune homme dans les lieux fréquentés par des jeunes, qui ont besoin de se le représenter ainsi. Dieu est l’inaccessible, mais il a créé par son fils, le Logos, le Christ avant son incarnation, la deuxième personne de la Trinité. Il n’existe pas de meilleur moyen pour exprimer l’éternelle jeunesse de Dieu. Oui , c’est l’Emmanuel, le « Dieu avec nous », le « Dieu enfant avec nous ». Il est à la fois le fils de Dieu et le serviteur qui se donne au Père comme aux hommes. Je le prends comme sujet d’icône. Dans les églises c’est le Pantocrator*, le Christ barbu qui s’impose. Quand les circonstances le permettent, je tiens à figurer l’Emmanuel. »

Nicolaï Greschny
(conversation avec G. Assémat)

Article et photos reproduits avec l’aimable autorisation du journal paroissial Le Courrier

 

* Christ Pantocrator. du grec pan, «tout» et kratos «puissance»
Se dit du Christ Souverain Maître de tout. Le Christ «Pantocrator» est une représentation privilégiée de l’art byzantin; le Christ est représenté généralement assis sur un trône de gloire, tenant le Livre des Saintes Ecritures dans la main gauche et de la main droite esquissant un geste de bénédiction.

* Iconostase Clôture percée de trois portes, ornée d’icônes, séparant le sanctuaire et la nef dans les églises de rite oriental.