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« Sans avoir vu » : la joie des ressuscités !

Les récits de la découverte du tombeau vide et des apparitions du Ressuscité au jour de Pâques sont riches d’invitations et d’enseignements, qui sont la clé de voûte de l’ensemble de notre foi et de notre existence chrétienne. Parmi ces épisodes, trois peuvent retenir particulièrement notre attention : l’apparition du Ressuscité à Thomas, au milieu des dix autres apôtres, l’annonce des anges de la joie pascale, et enfin l’expérience des compagnons d’Emmaüs.

C’est ce cheminement que reprend Louis Groslambert dans le texte du chant « Sans avoir vu » :

1- Sans avoir vu, nous le croyons :
Christ accomplit la promesse.
Christ est vraiment ressuscité,
Il est pour nous renaissance.
L’Esprit du Fils en est témoin,
Ardent désir vers le Père.
Alléluia ! Alléluia !
Christ est pour nous renaissance.

2- Christ s’est levé d’entre les morts
Et nous entraîne en sa gloire.
Christ en sa chair est exalté
Il est pour nous espérance.
Pourquoi chercher parmi les morts
Le cœur vivant de la terre ?
Alléluia ! Alléluia !
Christ est pour nous espérance.

3- Ce jour que nous sentons lever
Comme un soleil illumine.
Christ en nos cœurs jaillit le feu,
Amour brûlant de la Pâque.
Sur nos chemins, sois le flambeau
Qui à la nuit fait violence.
Alléluia ! Alléluia !
Amour brûlant de la Pâque.

Résurrection : les femmes au tombeau. Fresque de la cathédrale Sainte-Cécile

Commémorer la Résurrection

Une première remarque à poser est que ce chant n’est pas une simple méditation des événements du passé. En nous faisant dire « nous », nous comprenons que nous sommes rendus, sinon contemporains, en tous cas participants du mystère pascal, de la mort et de la résurrection du Christ. Ce que saint Thomas a vécu, ce que les femmes ont vu et entendu, ce que les compagnons d’Emmaüs ont traversé, c’est ce que nous-mêmes pouvons expérimenter. Pas chacun de son côté, mais dans la communion de la communauté chrétienne que nous formons tous ensemble.

C’est pourquoi, comme tout chant liturgique qui se respecte, le « nous » prévaut toujours sur le « je ». Si ma foi est mon adhésion personnelle au Ressuscité, qui fait que je ne peux pas sauver mon frère parce que je ne peux pas parler à sa place, je ne peux pas pour autant vivre de ce salut tout seul. En étant baptisé, je suis intégré dans la grande famille de l’Église qui me permet de dire ce « nous » et me rend solidaire et compatissant aux doutes, aux joies, aux épreuves et à tout ce que peuvent vivre mes frères et sœurs.

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu » dit Jésus à Thomas (Jn 20, 29). C’est évidemment de nous qu’il parlait déjà. Si nous avons peut-être expérimenté sa présence, nous n’avons pas vu le Christ comme les apôtres l’ont côtoyé. Et pourtant, c’est bien dans l’aujourd’hui de nos vies que le Ressuscité agit, qu’il manifeste son œuvre de salut, de miséricorde et de pardon. « Christ accomplit sa promesse », non pas dans un moment du passé, mais ici et maintenant, au présent. Comme il l’avait déjà annoncé à la synagogue de Nazareth au début de son ministère : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture… » (Lc 4, 21).

Par le baptême, nous sommes rendus participants de sa propre résurrection, nous sommes « [nés] d’en haut » comme Jésus l’avait annoncé à Nicodème (Jn 3, 3.7). Cette victoire de « celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu » (1 Jn 5, 5) est rendue possible grâce au témoignage que rend l’Esprit Saint lui-même : « Celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. […] Et ce témoignage, le voici : Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils. » (1 Jn 5, 6b.11). L’Esprit, qui s’écrie en nous « Abba, Père ! » (voir Ga 4, 6) nourrit en nous ce désir du Père, de nous attacher toujours plus étroitement à celui qui est la source de notre salut.

Nous avons l’habitude, dans notre jargon chrétien, de parler de la « résurrection ». Or, en grec, le verbe « ressusciter » n’existe pas. En français, il s’agit simplement de la transposition du latin « resurgere ». Néanmoins, quand les évangélistes et les premières générations chrétiennes du milieu grec ont eu besoin de parler de cette réalité, ils employaient deux verbes : « anistèmi » que l’on peut traduire par « se lever » (dimension que l’on retrouve dans le latin « resurgere », « re-mettre debout ») ou « egeirô », « réveiller ».

Si les anges ont préféré annoncer aux femmes que Jésus « s’est réveillé » d’entre les morts (Mt 28, 6 ; Mc 16, 6 ; Lc 24, 6), notre auteur ici, à l’instar de la première prédication apostolique (voir par exemple Ac 2, 24.32), reprend le vocabulaire de l’exaltation. Le Christ s’est levé, lui qui « s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom » comme le chante Paul aux Philippiens (Ph 2, 7-9). Une fois encore, par notre baptême, nous sommes emportés dans le mouvement du Christ qui, avec lui et en lui, nous fait passer de la mort à la vie.

Aussi, comme saint Paul nous y invite, « rendons grâce à Dieu qui nous entraîne sans cesse en son cortège triomphal dans le Christ » (Rm 2, 14). Ainsi, cette victoire déjà à l’œuvre en nous, mais qui sera définitivement consommée lors que le Christ reviendra dans la gloire, est pour nous chemin d’espérance, promesse d’avenir : « nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance » (Rm 8, 25).

Jésus ressuscité et les disciples d’Emmaüs. Céramique de Sœur Mercedes

Enfin, ce sont les compagnons d’Emmaüs qui nous montrent la route. La Vigile pascale s’ouvre par le rite de la lumière en allumant le feu nouveau, signe du Christ qui illumine nos ténèbres, comme jadis la colonne de feu conduisait de nuit les Hébreux dans leur marche au désert au sortir de l’Égypte (voir Ex 13, 21). De même Cléophas et son compagnon découvrent dans la mystérieuse présence du Ressuscité non encore reconnu la source d’un feu qui brûle le cœur de ces chercheurs de sens, chercheurs de la Vérité, chercheurs de la lumière (voir Lc 24, 32).

Se nourrir de la Parole de Dieu, le Verbe ressuscité qui rend l’Écriture toujours actuelle, est l’assurance de laisser jour après jour sa lumière illuminer notre chemin et rayonner autour de nous. C’est ce que saint Pierre adressait comme encouragements : « Vous faites bien de fixer votre attention sur [la parole prophétique], comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 P 1, 19). Cette parole nous transmet l’amour du Père, allé jusqu’à livrer son Fils sur la Croix pour nous faire participer à sa victoire sur les ténèbres et la mort. Ce feu peut alors nous brûler et détruire en nous tous ces germes qui peuvent nous tenir si loin de lui. En célébrant le Christ ressuscité, alors, nous nous laissons renouveler dans cette vie divine à laquelle tous nous avons été appelés, notre foi nous ayant ouvert le chemin de la renaissance, notre espérance, le désir du ciel, et notre amour, le désir de brûler de la charité même de Dieu !

 

Sans avoir vu (Louis Groslambert/Berthier/Fleurus/I168)

Abbé Gaël Raucoules

 

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