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« Toi qui viens pour tout sauver » : le désir du retour du Christ

Si le temps de l’Avent précède la fête de Noël, il ne s’agit pas pour autant d’abord d’une préparation à celle-ci. Certes, les neuf derniers jours – à partir du 17 décembre –, nous aident à nous rappeler que le Fils de Dieu est déjà venu parmi nous, qu’il s’est fait homme pour nous sauver du mal et du péché : c’est son premier avènement (contracté en « Avent »). Mais les trois semaines qui précèdent viennent nous redire que la prochaine étape dans l’histoire du salut est le retour du Christ dans la gloire, signifiant la fin des temps, la victoire définitive du Ressuscité sur le mal et la mort, et notre participation à cette victoire dans le Jugement dernier. C’est ce que nous rappelle la liturgie dans l’acclamation d’anamnèse (« Nous attendons ta venue dans la gloire » ; « Viens, Seigneur Jésus ! »), dans la prière eucharistique (« Alors que nous attendons son dernier avènement » [Prière eucharistique III]) ou après le Notre Père (« Nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur »). L’hymne « Toi qui viens pour tout sauver » peut nous aider à entrer dans cette perspective du temps de l’Avent.

1- Toi qui viens pour tout sauver,
L’univers périt sans toi ;
Fais pleuvoir sur lui ta joie,
Toi qui viens pour tout sauver.

2- Viens sauver tes fils perdus,
Dispersés, mourant de froid ;
Dieu qui fut un jour en croix,
Viens sauver tes fils perdus.

3- Viens offrir encore ton pain
Et ton vin aux miséreux ;
Pour qu’ils voient le don de Dieu,
Viens offrir encore ton pain.

4- Toi qui viens pour tout sauver,
Fais lever enfin le jour
De la paix dans ton amour,
Toi qui viens pour tout sauver.

La première phrase de l’hymne qui revient comme un refrain et qui encadre l’ensemble du chant (on la retrouve au 4e couplet) donne l’itinéraire global du texte. Nous nous adressons au Christ comme « l’Alpha et l’Oméga, […] Celui qui est, qui était et qui vient » (Ap 1, 8). Nous affirmons qu’il « vient », au présent, que le processus est en cours, dont nous ne connaissons ni le jour ni l’heure (voir Mt 24, 36) de son plein accomplissement. Cet accomplissement, justement, consiste à « tout sauver ». Le salut, Jésus nous l’a obtenu sur la Croix ; nous sommes déjà victorieux, en lui, du mal, du péché et de la mort. Néanmoins, nous voyons bien que nous sommes encore, ici-bas, dans le combat et la lutte. Il n’y a guère que dans la Jérusalem céleste, après que la mort et tout mal sera anéanti ou réduit définitivement à l’impuissance (voir Ap 19, 20-21 ; 20, 10.14), que tout « l’univers », transformé par sa participation à la résurrection du Christ, sera « sauvé », c’est-à-dire rendu à sa dignité originelle. En écho à saint Paul qui souligne que « la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (Rm 8, 22), l’hymne pointe la manière dont la haine, les guerres ou les catastrophes naturelles sont le signe que l’univers a besoin, fondamentalement, de Dieu et de sa pleine présence pour être le Royaume dans toute sa splendeur. Reprenant ensuite l’appel traditionnel du Rorate cæli, le prophète Isaïe est ici convoqué avec sa supplique : « Cieux, distillez d’en haut votre rosée, que, des nuages, pleuve la justice, que la terre s’ouvre, produise le salut, et qu’alors germe aussi la justice » (Is 45, 8). Voilà la joie que nous attendons : la justice et le salut.

Dans l’ensemble de la Création, les êtres humains ont une place particulière. Créatures à l’image de Dieu qui lui donnent de voir tout ce qu’il a fait comme « très bon » (Gn 1, 31), la confrontation au mal nous donne de nous sentir perdus, comme en exil. Pire encore, le sentiment de l’absence ou du silence de Dieu parfois aggrave ce sentiment. C’est l’amère expérience de Job :

Puisque les occasions favorables ne sont pas cachées au Puissant, pourquoi ses fidèles ne le voient-ils pas intervenir ? Les méchants repoussent les bornes […]. Les malheureux du pays doivent se terrer ensemble. Tels les ânes sauvages du désert, ils sortent pour leur ouvrage en quête de nourriture ; le pain pour leurs petits, c’est la steppe. Dans les champs, ils coupent du fourrage, et ils grappillent la vigne du méchant. La nuit, ils la passent nus, faute de vêtements, sans couverture dans le froid. Trempés par la pluie des montagnes, privés d’abri, ils se blottissent contre le rocher (Jb 24, 1-2a.4b-8).

La plus grande réponse de Dieu à ce désarroi de l’homme a retenti à la Croix, où Jésus lui-même a exprimé au nom de l’humanité ce terrible sentiment. Salut déjà réalisé, nous attendons son plein accomplissement, et nous l’appelons de nos vœux.

La troisième strophe nous place devant le mystère de l’eucharistie. Mémorial actualisé de la mort et de la résurrection du Christ, il est aussi anticipation du banquet des noces éternelles de l’Agneau (voir Ap 19, 7.9 ; 21, 2). Le pain et le vin offert aux miséreux que nous sommes est la nourriture qui nous prépare au jour de la venue de l’Époux qui nous fera entrer dans la salle de la fête (voir Mt 25, 10). Nous sommes invités à nous reconnaître mendiants de l’amour et de la présence de Dieu qui se donne pour nous faire déjà communier au salut obtenu par Jésus sur la Croix, avant d’en jouir pleinement dans la Jérusalem céleste. C’est bien la béatitude qui nous est promise : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Ce salut, le Royaume, c’est un don gratuit de Dieu : il n’attend que la réponse de notre foi et de notre espérance pour nous en combler.

 

Enfin, comme en écho au début du chant, nous en appelons au « jour du Seigneur » (1 Th 5, 2 ; 2 P 3, 10). S’il est présenté parfois comme un jour « redoutable » (Jl 2, 11), il s’agit surtout du rétablissement dans l’harmonie de la cohabitation pacifique des différentes créatures, comme le présente le prophète Isaïe, prophète phare du temps de l’Avent :

Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. (Is 11, 6-9)

 

Clameur de l’Épouse qui en appelle à son Seigneur, qui, avec l’Esprit, l’appelle : « Viens » (voir Ap 22, 17), cette hymne reprend le cri de notre espérance qui constitue le sens du temps de l’Avent. Notre désir est creusé, et la contemplation de l’horizon véritable de notre vie nous aide à mieux vivre aujourd’hui. Mais s’il vient, cette année encore, à tarder, alors, nous regarderons en arrière, et nous ferons mémoire du premier avènement du Fils de Dieu, qui demeure, même dans ce petit enfant, « le Sauveur que le monde attend » (chant « Il est né le divin Enfant »), au présent, en attendant son Jour !

Commentaire du Père Gaël Raucoules