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Harmonium : instrument de musique ou pompe à cantique ?

De Mademoiselle Lelonbec, de Fernand Raynaud aux clichés de la musique d’église véhiculés par le cinéma, l’harmonium souffre d’un regard condescendant, voire méprisant de la part des organistes et du public.

Pourtant, il s’en est vendu une quantité industrielle de la deuxième moitié du XIXe siècle au début du XXe siècle. Cet instrument a envahi tous les petites églises, chapelles et salons pendant cette période. Les meilleurs compositeurs lui ont écrit de magnifiques pages.

 

Histoire

Le brevet d’invention de l’harmonium a été déposé par Alexandre-François Debain en 1842. Mais son principe était déjà connu depuis le début du XIXe siècle. En effet, contrairement aux anches battantes des orgues à tuyaux, les anches libres (qui vibrent de part et d’autre de leur cadre) peuvent subir des variations de pression sans altérer la hauteur du son. Beaucoup de facteurs d’orgues les avaient intégrées dans leurs instruments à tuyaux. Ces anches étaient surmontées d’un court résonateur. On les appelle le plus souvent « euphone » et ils ont été conservés dans quelques rares instruments comme l’orgue Puget de l’église Saint-François de Lavaur.

La facture d’harmonium s’est très vite développée sur le modèle industriel. La palette des instruments évolue avec des perfectionnements originaux, genouillères, talonnières, octaves aiguës, octaves graves, transposition, résonateurs acoustiques, et même percussions.

 

Technique

Comme tout instrument de musique, il faut acquérir une technique spécifique pour bien jouer ce nouvel instrument. Les méthodes d’apprentissage abondent. La plus célèbre est celle de Louis Raffy dans laquelle il y a de magnifiques exemples musicaux à côté de médiocres transcriptions.

Mais le point commun à toutes, c’est l’apprentissage de la soufflerie. La spécificité de l’harmonium est justement de pouvoir maîtriser la pression de l’air un peu comme à l’accordéon (qui utilise le même principe) mais avec les pieds.

Cette particularité demande un peu d’exercice. L’air est pompé par deux soufflets manœuvrés par deux pédales. Il est ensuite envoyé dans un réservoir secondaire de régulation avant d’être expulsé dans le sommier qui porte les anches. Il est possible de contourner ce réservoir secondaire en tirant le jeu dit « expression ». C’est là que le jeu de « l’harmoniumiste » est délicat pour ne pas faire de « hoquets » et profiter d’une palette de nuances extraordinaire.

 

Répertoire

Contrairement à sa réputation, l’harmonium est source d’inspiration pour les plus grands compositeurs. De nombreux recueils existent, de César Franck à Jean Langlais, Charles Tournemire, Jean-Guy Ropartz, Léon Boëllmann, Louis Vierne et beaucoup d’autres encore, certains plus anecdotiques comme Louis-James-Alfred Lefébure Wély, Émile Jaillat ou encore Mr de la Morvonnais …

Présent aussi dans de nombreux salons, il y a de nombreuses œuvres magnifiques pour piano et harmonium (Gioacchino Rossini, César Franck, Camille Saint-Saëns, Leoš Janáček…) Il s’intègre aussi à la musique de chambre (dans les transcriptions d’Arnold Schönberg  ou Antonín Dvořák).

Enfin, on le trouve aussi dans l’orchestre ou à l’opéra (Arthur Honegger, Gustav Malher, Richard Strauss, …)

 

Inventaire

Il y a beaucoup d’harmoniums dans le diocèse. Le plus souvent abandonnés, voire même, remisés sans aucun soin, à l’humidité, la poussière et les gravats.

Je témoigne que, pourtant, l’accompagnement des chants, pour l’assemblée comme pour les solistes est avantageusement servi par l’harmonium que par les « électruniums » (faussement appelés orgues électroniques). J’en ai l’expérience, encore récemment, où, dans une petite église, il m’est demandé d’accompagner certaines cérémonies. Quelle surprise lorsque j’ai proposé de jouer sur l’harmonium poussé dans un coin au lieu d’un instrument électronique pourtant dit de bonne facture.

La chorale a chanté juste et l’assemblée aussi ! Et pourquoi donc ? Simplement parce que le son acoustique produit des harmoniques naturelles qui permettent à la voix de se placer facilement.

Alors que les fausses copies électroniques d’orgues à tuyaux ne produisent pas ces harmoniques naturelles.

Il a été envisagé de faire l’inventaire des instruments du diocèse, et en particulier des harmoniums. Si, dans votre église, dans vos chapelles, voire même dans une sacristie, dans une grange ou sous un préau, vous en voyez un, même s’il vous semble en mauvais état, voire pire, prenez-en soin en nettoyant le meuble, en le débarrassant des tissus qui le couvrent (et entretiennent humidité et moisissures), en le prenant en photo sous toutes les facettes, y compris le ou les claviers, les jeux, la plaque du facteur…

Nous prendrons contact avec vous lorsque nous mettrons en place cet inventaire. Vous pouvez aussi nous contacter avant si vous le souhaitez.

Et pour vous en convaincre …

« Prélude, fugue et variation » de César Franck (version originale !)

 

« Allegro cantabile » de Charles-Marie Widor

 

« Marche funèbre » et « Chant séraphique » de Guilmant

« Improvisation » de Dvorak

Un petit « caprice » de Bizet

« La petite messe solennelle » de Rossini

 

Didier Adeux,
Organiste à Gaillac et à Lavaur,
membre de la Commission Diocésaine de Musique Liturgique.