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Missionnaires Tarnais

À la découverte des missionnaires originaires du Tarn

Beaucoup de recherches et de travaux sont en cours dans l’histoire des missions. Les spécialistes s’accordent pour indiquer que le sens du mot « mission » s’est précisé, recentré autour de 1540. Auparavant il désignait aussi bien des opérations militaires pour dilater l’espace chrétien (Reconquista, Charlemagne avec les Saxons, etc.), des négociations avec les rois et les princes qui entrainaient leur peuple dans leur conversion personnelle, des traductions et des adaptations linguistiques.

On « cultivait » dans le champ de la mission des plantes fort diverses. En 1540 Ignace de Loyola présenta au pape Paul III la règle rédigée pour la Compagnie de Jésus. Il n’employait le mot « mission » que « pour désigner l’envoi de personnes spécialisées pour annoncer l’Évangile à des peuples situés hors d’Europe ». C’est en ce sens que le terme est reçu depuis lors.

Missionnaires tarnais avant 1540

Des siècles durant, la mission a pris alors le visage de la croisade. Le fossé culturel entre les XIe – XIVe siècles et notre époque devrait nous garder de juger le cœur des croisés en attendant le XIVe siècle où Ramond Lulle prône de remplacer la croisade par la mission. En tout cas Pierre-Raymond d’Hautpoul qui avec son château gardait les passages de la Montagne Noire va être l’un des adjoints du comte de Toulouse à la tête de la 1re croisade vers la Terre Sainte en 1097. Après diverses opérations militaires, il va mourir de la peste. Chateaubriand dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem signale son tombeau à l’entrée d’une église d’Antioche.

Deuxième Tarnais repéré dans le champ de l’évangélisation. Il s’agit de Guillaume Bernard, un religieux dominicain né à Gaillac vers 1250, prieur du couvent d’Albi en 1292-1294, puis envoyé à Péra, le quartier génois de Constantinople. Sa mission consiste à traduire en grec la somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Il faut situer cette initiative dans les efforts d’œcuménisme pour rapprocher Byzance et Rome, efforts qui durant deux siècles préparent le concile d’Union à Florence, en 1445. Cette présence dominicaine au Moyen Orient se prolonge encore aujourd’hui avec le concours que la province de Toulouse apporte toujours par exemple aux catholiques d’Irak.

La moisson d’informations pour cette période reste donc fort modeste et sans doute en serait-il de même pour d’autres diocèses.

Missionnaires au XVIIe – XVIII siècle.

Les missions sont alors organisées sous le double patronage des rois d’Espagne et du Portugal. Les voyages étaient financés, les activités orientées et contrôlées. Mais, jésuites, dominicains et bientôt les prêtres des Missions étrangères vont prendre leur liberté face aux tutelles royales.

Un autre Gaillacois, jésuite celui-ci, Antoine Gaubil arrive à Pékin en 1722. Il s’inscrit dans l’équipe qui poursuit l’œuvre de Mattéo Ricci au siècle précédent. Ces religieux apportent à Pékin leurs solides compétences en mathématiques (Euclide devient chinois !), ils poursuivent des travaux d’astronomie et traduisent pour les envoyer en Europe, des textes de lettres chinois. Ils espèrent susciter de l’intérêt pour le christianisme en faisant apprécier leurs compétences scientifiques. Ils sont bien en cour à Pékin, même dans la période où des persécutions frappent les baptisés. Antoine Gaubil poursuit son travail durant 37 ans. Il est membre correspondant des académies royales de Paris, Londres et Saint-Petersbourg, si bien qu’on peut s’étonner qu’il ne soit pas cité parmi d’autres missionnaires jésuites dans la Grande Histoire du Christianisme qui vient de paraître sous la direction de Jean-Robert Armogathe, peut-être parce que les activités directement religieuses d’Antoine Gaubil sont discrètes. Il écrit cependant : « on procure chaque année le baptême et le paradis à un très grand nombre de petits enfants d’idolâtres exposés ou moribonds ». Voilà tout autre pratique que les travaux littéraires ou scientifiques dont il ne faudrait pas mésestimer l’importance. Alain Forest note par exemple « que les textes chrétiens traduits par ces jésuites ont été lus dans tout le monde sinisé, bien au-delà de la Chine proprement dite et souvent avant l’arrivée des missionnaires ».

Au grand siècle de la mission

À travers la révolution des transports, les ambitions politiques, économiques ou culturelles, sans oublier les migrations, le XIXe siècle est le siècle où les Européens se répandent sur les autres continents. L’immense élan missionnaire de la même période s’inscrit dans ce mouvement vers de « nouveaux mondes » sans s’y réduire. En voici un premier indice.

En 1832 à Gaillac, Émilie de Vialar crée la congrégation des sœurs de Saint Joseph de l’Apparition. Avant que son frère colon en Algérie, avant que le conseil municipal d’Alger ne sollicité des religieuses, Émilie ébauche les statuts de sa congrégation. Sœur Jeanne Blancal lui tient l’encrier tandis qu’elle écrit à la table de communion de la chapelle. Émilie prie, écoute l’Esprit et précise ceci : « L’esprit particulier de cette congrégation est d’exercer les œuvres de charité dans les pays infidèles ». L’appel de l’Algérie n’a pas suscité l’élan missionnaire, il l’a orienté.

 

Pour les contemporains joue également l’attrait des explorations. C’est l’époque des Stanley, Livingstone, Brazza, etc. les récits exotiques suscitent rêves et projets apostoliques. Mais voilà qu’en 1825 un commerçant anglais, Peter Dillon ramène à Paris une poignée d’épée en argent trouvée aux iles Fidji. Les spécialistes l’identifient comme l’épée du commandant de l’Astrolabe, l’un des navires de l’expédition de La Pérouse. Alors on rêve de reprendre la route de l’illustre navigateur albigeois.

En particulier le futur Mgr de Solages obtient de Rome le titre de Missionnaire Apostolique pour tous les pays au-delà de l’île Maurice c’est la route vers l’immense Océanie. Il espère un bâtiment de la Royale… mais survient la révolution de 1830 et c’est accompagné d’un seul compagnon, le père Dalmond, qu’Henri de Solages embarque à ses frais le 6 septembre 1830 pour l’île Bourbon (La Réunion). Tous deux vont y réorganiser l’Église et tenter de prendre pied sur Madagascar. Mgr de Solages va y mourir quasiment de faim devant les obstacles mis sur sa route par la reine.

Mais peu à peu le père Dalmond va évangéliser les ilots au nord de la grande île. Quand il meurt en 1847, à Sainte-Marie et aux environs, on trouvait déjà quelques 700 baptisés. Ainsi ces deux Tarnais apparaissent comme les véritables fondateurs de l’Église catholique à Madagascar. Les tentatives des Lazaristes, des Jésuites, un siècle plus tôt n’avaient pas eu de suite. Ces deux Tarnais ne cherchaient pas seulement des souvenirs de Lapérouse qui continuent à susciter intérêt et nouvelles expéditions.

Voici maintenant une autre aventure, de Tarnaises, cette fois. À Paris le Père Libermann s’employait à rassembler des hommes pour la mission, ce qui deviendra la congrégation des Spiritains. Voilà qu’une fille de Lorraine (Marie-Rose Lapique) s’adresse à lui pour devenir missionnaire. Le Père avait entendu parler des débuts à Castres de la congrégation fondée en 1832 par Émilie de Villeneuve. Il envoie à Castres Rose Lapique et l’abbé Bessieux. Ce prêtre originaire de Saint-Pons venait d’être rapatrié très malade d’une tentative missionnaire sur la côte de l’Afrique Occidentale. Partis à 8, en quelques mois 7 étaient morts des fièvres dans la région du Cap des Palmes aux confins du Libéria et de la Côte d’Ivoire. Le Père Bessieux convalescent vient à Castres, dans l’embryon de communauté du Couvent Bleu, il demande des « folles de Dieu » qui se risqueraient à partir dans ces pays où l’on meurt plus qu’on ne construit pour le moment. Trois mois plus tard c’est 4 sœurs qui s’embarquaient avec le père Bessieux pour le Sénégal cette fois et dans la très modeste ville de N’Dakarou qui deviendra Dakar. C’est le début de ce qui sera, numériquement, la plus importante contribution tarnaise à l’élan missionnaire au XIXe siècle : 190 tarnaises de cette congrégation sont parties vers l’Afrique ou l’Amérique latine par la suite, ce n’est pas que la mission soit facile. Étroitement dirigées par les missionnaires (« vous êtes trop homme » est-il signifié à une sœur à la forte personnalité), elles ont progressivement affirmé leur légitime autonomie et joué à plein leur rôle dans l’éducation, la santé, la formation chrétienne dans divers pays d’Afrique et en Amérique latine.

Ayant souligné le rôle essentiel de religieuses, j’en reviens à celui de prêtre et je vais l’illustrer d’abord en présentant trois visages.

Jean-Antoine Pourthie est bien enraciné dans le monde rural. Né en 1830 dans le village du Dourn, il connaît les rudes conditions de vie de l’époque. On mangeait des pommes de terre, du pain de seigle et des châtaignes et on était rigoureusement chrétien. Dans une enquête diocésaine en 1835 on demandait au Curé, s’il y avait de mauvais livres dans la paroisse. Réponse : « Non, leur livre c’est le chapelet ». Le curé du Dourn prépare Jean-Antoine au petit séminaire de Massals.

Là il trouva les Annales de la Propagation autour de la Foi. Pendant les brèves vacances, Jean-Antoine les lisait à sa sœur… Le 18 juin 1855, entré aux Missions étrangères, il embarque à Anvers pour la Corée. Après 11 ans d’apostolat clandestin, nommé pro-vicaire apostolique, il est arrêté, horriblement torturé et exécuté le 11 mars 1866. Il avait 36 ans. Aujourd’hui l’Église de Corée semble très vivante, elle a été « irriguée » par du sang tarnais.

 Saint Théodoric Balat né à Saint-Martin du Taur (Montans) le 23 octobre 1848. Son père y était forgeron.

D’abord élevé au petit séminaire de Lavaur, puis du grand séminaire d’Albi, il va se réorienter vers les missions avec les Franciscains à la suite de témoignages de missionnaires.

C’était l’époque de l’expulsion de France des religieux. Il termine sa formation en Angleterre et s’embarque pour la Chine le 6 novembre 1885.

Dans une province du Nord Ouest adossée à la Muraille de Chine, il crée un orphelinat, dirige le petit séminaire. Mais il est massacré le 9 juillet 1900 par ceux qu’on appelle les Boxers. Jean-Paul II l’a canonisé le 1er octobre 2000.

 Pierre Galibert.

C’est lui aussi un rural, né le 31 décembre 1877 dans le village de Bouisset voisin d’Anglès. L’un de ses grands oncles, avait été évêque missionnaire en Chine 50 ans plus tôt.

Entré au Tiers Ordre Régulier Franciscain d’Ambialet il vit l’expulsion de France des religieux. Cela lui vaut d’être envoyé au cœur du Brésil, dans la Mato Grosso.

À travers les plus diverses difficultés, il devient le 15 août 1915, évêque de Caceres. Il le restera 50 ans ! Dans une lettre il note : 1 700 communions en 1912, 42 000 en 1935. Il rentre en France en 1955 et il mourra à la Drèche le 24 décembre 1960.

Que ces trois visages ne nous fassent pas oublier les anonymes tarnais. Il y avait au XIXe siècle :
- 43 prêtres des MEP. Ces Tarnais étaient dans tous les pays du Sud-Est Asiatique,
- 9 prêtres avec les Missions Africaines
- 8 pères Blancs
- 2 capucins en pays Gallas (Éthiopie)

Je suis bien conscient que d’autres recherches indiqueraient beaucoup d’autres personnes. Par exemple les frères des Écoles Chrétiennes, les sœurs de Saint-Vincent de Paul n’ont pu fournir à temps pour ce petit travail la liste de leurs missionnaires tarnais.

Missionnaires tarnais au XXe siècle

Pour cette période les archives sont riches, les témoignages directs sont maintenant nombreux. Voici 5 champs d’exploration :

L’annuaire diocésain de 1971 présente 65 prêtres ou religieux missionnaires.
• 14 frères des Écoles chrétiennes surtout au Moyen-Orient et Amérique Latine
• 14 religieux ou prêtres associés au Tiers Ordre Régulier Franciscain, partis au Brésil.

Les autres appartiennent aux Missions Africaines de Lyon, aux Missionnaires d’Afrique (Père Blancs) Lazaristes, Missions Étrangères et Marianistes. C’est donc un ensemble fort diversifié.

Les religieuses
C’est le moment où diverses congrégations apostoliques du diocèse se sont engagées dans la mission à l’extérieur.
• Filles de Jésus de Massac. Départ le 8 mai 1948 pour la République Centrafricaine, et un peu plus tard, vers le Maroc et le Pérou. Une quarantaine de sœurs au total.
o NB. Au collège-lycée de Massac, 192 filles africaines ont été reçues à la demande des familles ou d’évêques comme Mgr Gantin. Leur éducation humaine et la proposition de la foi sont à prendre en compte.

• En septembre 1939, 3 sœurs du Sacré-Cœur de Valence sont parties vers Madagascar. • Le 20 juillet 1960, 4 sœurs du Bon Sauveur sont également parties vers la même grande île.
Ces deux congrégations y ont aujourd’hui des noviciats fournis et de jeunes professes.

• En novembre 1968, des sœurs du Christ à Gethsémani sont parties au Niger. • Des sœurs de la Croix de Lavaur, au Brésil.

Monastères d’En Calcat et Sainte Scholastique.
Une première tentative eut lieu le 7 octobre 1957 avec le départ de 20 moines conduits par le Père Denis Martin. Ils tentaient d’installer une communauté à Toumliline, dans l’Atlas Marocain, en pays berbère. L’évolution politique, le départ de la colonie française du Maroc, etc… tout cela amène à interrompre l’expérience en 1968. Les anciens de Toumliline avec d’autres frères venus d’En Calcat vont fonder alors deux communautés en Afrique Noire : Bouake en Côte d’Ivoire tandis que s’installent à proximité des bénédictines de Pradines ; Koubri au Burkina Fasso avec cette fois des bénédictines de Valognes. Les évêques africains, le nonce continuaient à solliciter la communauté d’En Calcat, si bien qu’une troisième fondation est décidée en 1962 à Dzobegan au Togo et cette fois de concert avec les bénédictines de Sainte-Scholastique.

Ces trois fondations africaines continuent aujourd’hui leur enracinement à travers les aléas politique.
En Calcat continue à leur apporter son soutien.

Les prêtres Fidei Donum
On connaît le message de Pie XII le dimanche de Pâques 1957 (21 avril) : « Un grave et pressent appel en faveur des missions d’Afrique et de l’ensemble des missions catholiques ». Il demandait que des prêtres diocésains donnent quelques années de service auprès des jeunes Églises. Cette initiative s’inscrit dans de multiples appels de Pie XII pour les missions. Sous son pontificat le nombre de prêtres en mission a doublé (28 000 en 1957).

Les laïcs envoyés par les Délégations catholiques à la coopération.
Une liste montre l’ampleur du mouvement (56 personnes) et aussi la diversité des lieux de missions ou des formes des services assurés : enseignement, développement agricole, santé et promotion féminine. Beaucoup connaissent Madeleine Raffin partie comme professeur de Petit séminaire au Rwanda et après bien des épisodes, refoulée après les évènements. Elle anime un groupe de soutien aux expulsés de son pays de mission

En guise de conclusion

Le Tarn a connu une réelle vitalité chrétienne. Celle-ci a permis, à des femmes et à des hommes du département de s’engager dans la Mission.

Aujourd’hui, comme ailleurs, nous bénéficions d’un retour de mission avec la présence en service paroissial, d’une quinzaine de prêtres d’origine étrangère. Les uns sont incardinés à Albi, d’autres sont des prêtres étudiants, cela provoque une profonde mutation du presbyterium local autrefois très étroitement lié au terroir.

Les pages qui précèdent donnent des chiffres, des dates, des noms. Une étude reste à faire sur la mystique profonde, l’attachement à Jésus-Christ qui a animé nos missionnaires.

Père Claude Cugnasse,
Conférence donnée lors de
la Session nationale de la Mission
le 24 août 2011,
à Albi

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Les participants attentifs,
écoutent le père Claude Cugnasse.