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2018 : États généraux de la bioéthique !

L’Église a toujours été présente aux débats qui touchent, d’une façon ou d’une autre, à la dignité de la personne humaine. Elle tient à l’être aussi à l’occasion des États généraux de la bioéthique lancés le jeudi 18 janvier, et qui visent à cerner les attentes des Français, dans l’optique d’une révision de la législation prévue en fin d’année.

Ainsi, au nom de l’amour désintéressé de l’Église pour tout être humain, les évêques de France proposent aux catholiques, ainsi qu’à tous les hommes et femmes de bonne volonté, d’apporter leurs contributions par leurs réflexions et leurs témoignages. Les Espaces de réflexion éthique régionaux sont organisés dans ce but dans toute la France. Nous les invitons à s’y inscrire. De même, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) a mis en place un site internet pour recueillir nos avis de citoyens.

Monseigneur Jean Legrez souhaite que les fidèles du diocèse d’Albi se mobilisent massivement, pour y apporter leur contribution, au moins en votant avant fin avril.

Qu’est-ce que la Bioéthique ?

Impossibilité d’avoir un enfant, handicap, souffrance en fin de vie, maladies graves… La bioéthique vise à soutenir la science pour qu’elle réponde à des souffrances humaines, sans en rajouter d’autres. Le défi est à la fois de trouver des réponses à ces souffrances de respecter les droits de chaque personne humaine. Il s’agit au fond que l’humanité reste humaine !

Cela veut dire que nous avons à travailler ensemble : médecins, chercheurs, personnel accompagnant, acteurs sociaux, juristes, philosophes et croyants. En tant que chrétiens, nous faisons connaitre notre vision de l’homme : tout être humain est à l’image et à la ressemblance de Dieu. Tout être humain est unique et aimé de Dieu. Dans cette logique de l’amour, il y a unité entre combat contre la souffrance et respect de chaque vie.

Participer aux états généraux de la bioéthique, c’est :

  • s’informer de la complexité des situations pour pouvoir accompagner ceux qui nous sont proches et qui sont pris dans ces souffrances ;
  • annoncer notre vision de l’homme pour aider nos hommes politiques, nos scientifiques et nos juristes à exercer leur mission pour le bien de tous ;
  • trouver les moyens qui nous conviennent pour dire que chaque vie humaine est un trésor sans prix.

Augmenter, améliorer l’homme ?

Depuis 70 ans, les progrès techniques sont en expansion constante. Depuis une petite dizaine d’années, quatre domaines scientifiques ont fait des avancées spectaculaires : les nanotechnologies (toutes petites structures faisant un milliardième de mètre), les biotechnologies (le travail sur le vivant, les médicaments…), l’informatique (internet, l’Intelligence Artificielle…) et les sciences cognitives (compréhension de « l’esprit » humain : son cerveau, son mode de fonctionnement…). Ces quatre domaines travaillent maintenant ensemble. Ils permettent beaucoup de choses dans la médecine : contrôle en direct de données de santé, exosquelette permettant aux tétraplégiques de retrouver la marche, implants électroniques mis sous la rétine pour palier la dégénérescence maculaire… Les domaines de recherche sont encore nombreux !

Nous en arrivons à un moment de l’histoire où se pose la question d’appliquer ces connaissances non plus pour « réparer » un homme qui a une maladie ou un handicap, mais pour « augmenter, améliorer » un homme sain, voire pour le changer profondément. Ce passage s’appelle le transhumanisme. Il est marqué par une union entre l’être humain et la technologie. L’objectif est l’amélioration des conditions de vie, de société. Certains chercheurs estiment même que cela passera par le fait de repousser les limites biologiques et de toucher à « l’immortalité » grâce au transfert de l’esprit humain dans la machine.

La question éthique est bien de savoir ce qui améliore vraiment l’homme… Sont en jeu ici le respect de la complexité et de l’unité de l’être humain dans ses dimensions biologique, psychique et spirituelle. Saint Paul décrivait déjà cette complémentarité de l’esprit, de l’âme et du corps : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Th 5, 23).

Nous pouvons enrichir la réflexion en nous demandant :

  • Comment regardons-nous la technique, les découvertes scientifiques ? Agression, chance, peur, opportunité ?
  • Qu’est-ce qui est le propre de l’humanité ? Quelle place accordons-nous à la liberté, à la responsabilité, à la finitude ?
  • Qu’est-ce qui améliore vraiment l’humain ? Quelle place pour les limites de notre corps ? Quels sont les critères pour définir l’amélioration (le bien-être, le physique, l’intelligence…) ?
  • Qu’est-ce qui fait que l’humain devient plus humain ?

Accompagner la fin de vie

Notre pays connaît un vieillissement de la population et une fin de vie de plus en plus en plus médicalisée (58% des décès ont lieu à l’hôpital, souvent en situation de solitude). La perception de la vieillesse, la maladie, la souffrance, la fin de vie et la mort prennent de nouvelles dimensions et concernent tout autant la personne qui souffre, son entourage, le personnel médical et accompagnant. Le but de tous est bien que la dignité de chacun et particulièrement du patient soit respectée.

La dignité implique une lutte contre la souffrance :

  • Du côté des patients, il s’agit d’une lutte contre la douleur, contre le sentiment de solitude, contre la mise en oeuvre d’actions médicales causant plus de souffrances que de bien (acharnement thérapeutique).
  • Pour la famille et les proches, l’enjeu est d’abord de pouvoir dire qu’il est difficile de voir un proche souffrir et mourir. Cela permet de vivre les derniers instants de vie avec plus de paix, et disponibles pour partager les derniers gestes d’amour.
  • Du côté du personnel médical, l’enjeu est aussi d’être accompagné car il n’est jamais facile d’être présent à la fin d’une vie et auprès d’une famille qui souffre.

Au nom de cette même dignité, certains réclament le droit à l’euthanasie, au suicide assisté. La souffrance physique fait peur et le sentiment d’être seul ou abandonné est insupportable : la mort représente alors la seule solution… L’assistance au suicide reconnait ainsi implicitement la perte de dignité du patient : sa vie ne mérite plus d’être vécue, c’est le désespoir.

La culture des soins palliatifs est la réponse à ce cri des personnes en fin de vie. Elle permet une véritable « proximité responsable » qui prend soin de la personne en répondant à ses besoins (physique, psychique et sociaux) sans abréger sa vie et sans s’acharner inutilement contre sa mort. La culture palliative intègre les besoins de la famille et du personnel médical et accompagnant. Elle améliore la formation des soignants à l’accompagnement, la reconnaissance du rôle des aidants familiaux, les soins palliatifs à domicile, le dialogue avec le corps médical…

Que faire ?

  • Au sein de notre famille, briser le tabou, le silence sur le sujet de la fin de vie et de la souffrance. Pouvoir parler de ces sujets. Etre présent aux côtés de ceux de nos familles qui sont en fin de vie. Cela nous engage chacun personnellement.
  • Encourager les acteurs de premier plan : les élus qui doivent tenir bon face à la dictature de l’émotion et à la pression médiatique ; les médecins et le personnel soignant qui témoignent de leur fidélité à servir la vie et non à tuer ; les familles qui vivent l’épreuve de devoir accompagner dans la durée un proche en fin de vie ou lourdement handicapé.
  • S’engager auprès de ceux qui souffrent. Accompagner, aimer et servir la personne dans sa fragilité, pour qu’elle puisse vivre et accueillir la fin de sa vie… Les mots de « compassion » et de « dignité » revêtent souvent des significations différentes mais en tant que chrétiens, nous avons reçu mission de Jésus-Christ d’être aux avant-postes de cette charité.
  • Et bien sûr, prier : ici se joue un combat spirituel de la culture de vie contre la culture de mort. Le Christ en est déjà vainqueur. Nous sommes invités à le prier pour que chacun reconnaisse sa présence dans sa vie, dans les moments de joies et de peines.

Pour aller plus loin

Embryon et recherche

Face à des maladies graves comme la leucémie, la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, le recours à des cellules souches semble être une solution efficace. L’objectif est de régénérer, remplacer ou palier les tissus cellulaires déficients. À terme, l’objectif serait même de pouvoir régénérer des organes ou des parties du corps…

La base de ces recherches scientifiques, c’est la cellule et son matériel génétique. L’enjeu est de partir d’une cellule « souche » c’est à dire une cellule indifférenciée, capable d’engendrer des cellules de types différents (cellules nerveuses, hépatiques, cardiaques…). Pour cela, il y a trois sources :

  • Les cellules souches embryonnaires qui peuvent donner tous les types de cellules. Elles sont prélevées durant la première semaine de développement de l’embryon causant la destruction de celui-ci.
  • Les cellules souches induites qui sont des cellules adultes modifiées. Elles peuvent alors donner plusieurs types de tissus et sont bien acceptées par l’organisme.
  • Les cellules provenant du sang du cordon ombilical.

Dans le cas des cellules souches embryonnaires, notons que le législateur a beaucoup de difficultés à définir le statut et le respect dû à l’embryon, surtout face au cas des embryons surnuméraires provenant des fécondations in vitro de ces trente dernières années (on dénombre 220 000 embryons actuellement congelés). Pour autant, L’embryon appartenant à l’espèce humaine, son utilisation dans la recherche ou toute opération impliquant sa destruction, est grave.

Sont donc à encourager les recherches sur les cellules souches induites et celles provenant du sang de cordon. Demeurent alors les questions liées à la recherche en général : comment ne pas mettre en danger la vie de la personne chez qui sont greffées les cellules ? Comment garantir le consentement éclairé de la personne qui va recevoir ou donner ces cellules ? Comment protéger l’identité génétique de la personne donneuse ?

Don d’organes, don de vie

Aujourd’hui encore, notre pays compte trop de personnes en attente de greffe. Ces personnes souffrent et risquent la mort. Le don d’organes est une pratique que l’Église encourage : non seulement, elle permet de sauver des vies mais elle est le signe de l’amour, du don, de la valeur de la vie. En effet, l’Évangile nous invite à regarder le corps comme faisant partie intégrante de la personne humaine. Le corps reçoit la même dignité que celle donnée à la personne. On ne peut le vendre, ni lui, ni ses organes. La dynamique du don est cohérente à ce qu’est notre corps.

L’Église encourage nos contemporains à devenir donneurs, à entrer dans une démarche libre : c’est le consentement. En France, la loi considère que nous sommes tous des donneurs présumés. L’Église nous invite à un pas de plus : on ne peut imposer le don, c’est un choix libre. L’important est donc la sensibilisation de nos concitoyens (en commençant par nous-mêmes) pour que nous puissions chacun prendre une décision.

L’Église soutient les familles des donneurs : à la fois, elles n’ont pas à porter seules, la décision du don et en même temps, elles doivent être respectées dans leur deuil. Comment respecter la douleur des familles, leur refus du don d’organes peut-être, surtout quand cela concerne un enfant, un proche, un parent décédé de manière brutale ?

L’Église veut la liberté de vie pour la personne recevant un organe ainsi que sa famille. C’est l’enjeu de l’anonymat du don. Celui-ci permet d’éviter une «gratitude» qui viendrait parasiter la vie de la famille du donneur. Il permet à la famille du donneur de faire le deuil en évitant de croire que le défunt « vit » dans le corps d’un autre à travers l’organe donné.

L’Église encourage et soutient l’action du personnel médical et accompagnant. Il est important de parler du don d’organe, de communiquer sur ce qu’il est dans le but de faire disparaître les peurs et les préjugés et de simplifier le travail du personnel médical au moment où la question se pose.

L’Église enfin soutient et éclaire le travail de la recherche scientifique. Il y a le travail de recherche autour de l’opération de transplantation pour augmenter le taux de réussite et d’acceptation de la greffe permettant ainsi que la vie du receveur gagne en liberté et en épanouissement. Il y a la recherche de techniques éthiques alternatives à la greffe d’organe. L’enjeu est ici à la fois le respect du corps et de ses organes, ainsi que celui de la personne humaine.

Que pouvons-nous faire ?

  • Nous informer sur le don d’organe, en parler avec notre médecin traitant.
  • Parler du don d’organes à nos proches : à la fois pour dire notre position mais aussi pour les sensibiliser !
  • Prier pour les familles aux prises avec ces questions, prier pour que Dieu nous aide à concevoir que l’amour qu’il nous invite à vivre rejoint aussi ce don des organes de notre corps au-delà du moment de la mort…

éclairages

« Sur des questions essentielles comme le début et la fin de la vie, si nous sommes véritablement fidèles à la Parole de Dieu, nous devrions tous hurler que nous ne sommes pas d’accord avec ce qui semble se tramer. L’Église a prouvé depuis vingt siècles qu’elle était porteuse d’un message prophétique. Il faut que nous ayons le courage de nous situer, avec bienveillance, en aimant ceux avec qui nous vivons, en osant être différents pour porter le message du Sauveur. Ce n’est pas n’importe quel message. Ce n’est pas le message d’un homme politique ou d’un scientifique, c’est le message du Sauveur ! Y croyons-nous ? »

Mgr Jean Legrez
Extrait de l’homélie du 18 février 2018

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