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Madagascar 2016 : prier le Père miséricordieux – La miséricorde chez Mgr de Solages

La miséricorde chez Mgr de Solages

Par Jean-Baptiste Crépin, séminariste du diocèse d’Albi, en mission à Toamasina (Tamatave) en 2016.

Mgr Henri de Solages (1786-1832), originaire du diocèse d’Albi, fut l’un des premiers évangélisateurs de Madagascar.

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Malgré la faible quantité d’archives et d’écrits que l’Histoire a laissée de la main de Mgr de Solages, il ne fait aucun doute que son témoignage d’évangélisateur de l’Île de Madagascar a beaucoup de choses à nous apprendre sur la miséricorde.

S’il n’emploie pas ce terme dans les lettres que nous avons héritées de lui, les commentaires ci-dessous visent à montrer le rayonnement de la miséricorde à travers son œuvre et ainsi mieux connaître ce serviteur de l’amour et du dessein de Dieu pour tous les hommes de par le monde.

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« C’est un homme qui a une belle représentation physique ; et à la force de l’âge il unit une piété et un zèle rares ; il est plein de sagesse, de sang froid. Ses plans ne sont pas ceux d’’un brouillon ni d’’un aventurier. » (M Goubert, secrétaire du Conseil parisien de la Propagation de la foi, note du 1er octobre 1829 adressée au Conseil lyonnais).

Les plans que suit Mgr de Solages sont ceux de Dieu qui le pousse à annoncer l’Évangile et vivre la miséricorde. L’œuvre de la miséricorde n’est pas le résultat d’une initiative personnelle comme le fait un aventurier, ou le brouillon d’un élan purement sentimental. L’œuvre de miséricorde est celle de l’homme qui se laisse guider par la sagesse, fruit de l’Esprit Saint. La sagesse est ce mystère d’union entre l’Homme et Dieu.

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C’est donc avant tout l’initiative de Dieu envers l’Homme qui est le modèle de la miséricorde. Le zèle de la miséricorde n’a de sens que s’il est uni à une piété filiale suscitée par Dieu. L’œuvre de miséricorde naît de la prière, c’est le témoignage de l’alliance entre Dieu et les hommes.

Dieu est la source et le sommet de la miséricorde, étant l’origine et le modèle de l’amour. Et qu’est-ce que la miséricorde, sinon l’amour qui se penche sur la misère de l’autre.

“Les moyens pris par M. de Solages pour réclamer la somme qu’on lui avait fait espérer ont fait revenir M. Le secrétaire du Conseil supérieur sur ses dispositions trop favorables, et tous secours ont été refusés. » (Procès-verbaux .du Conseil-Lyonnais de la Propagation de la Foi, daté du 6 septembre 1831).
Mgr de Solages déclare au pape Grégoire XVI dans une lettre du 12 mars 1832 : « Loin de désespérer parce que je n’ai plus les appuis sur lesquels j’avais d’abord compté, j’irai toujours en avant ».

La miséricorde ne compte pas sur d’autres forces que celles données par le Seigneur.

C’est lorsque tous les appuis nous sont enlevés que l’on peut vraiment témoigner du zèle de la miséricorde, être sûr de ne pas y rechercher autre chose que la gloire de Dieu. Oui, la gloire de Dieu se complait dans la miséricorde et c’est ce qui fait toute notre espérance. Malgré nos faiblesses, nos limites, nos défauts (peut-être parfois le fort caractère de Mgr de Solages qui fait reculer le secrétaire du Conseil lyonnais de la Propagation de la Foi), la miséricorde nous devance et nous emporte.

Ainsi le missionnaire de l’amour divin est toujours poussé en avant pour faire connaître cette gloire et il ne peut reculer, serait-ce au prix de sa vie. La miséricorde est le resplendissement de la gloire et de l’amour de Dieu.

Mais comment cela se manifeste-t-il ?

« Ce ne fut qu’à huit heures du soir que je pus me caser dans un endroit où il n’y avait pas de portes, ni rien pour fermer les fenêtres, où j’ai eu le plancher pour lit, mes malles pour table, chaises ; ce ne fut qu’après cette heure que je pus m’occuper à manger quelque chose, n’ayant presque rien pris depuis le voyage en mer. » (Note de Mgr de Solages à son arrivée le 17 juillet 1832).

Après cinq jours de voyage en mer mouvementé l’empêchant de manger quoi que ce soit, Mgr de Solages arrive enfin à Toamasina (Tamatave). Épuisé, affamé, la miséricorde ne lui offre qu’un abri de fortune. La miséricorde semble refuser à ses serviteurs tout réconfort. A vrai dire ce n’est pas cela qu’elle recherche d’abord, mais elle veut avant tout habiter la misère de l’homme. Si Dieu veut nous en délivrer, c’est en l’habitant par son incarnation et en se faisant proche de toutes situations de détresse.

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« Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût dans la condition de Dieu, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom. » (PhiIippiens 2. 6)

Le disciple-missionnaire de la miséricorde goûte à cette gloire par l’obéissance et l’anéantissement, se faisant pauvre avec les pauvres, faisant de son humilité l’œuvre de la miséricorde.

« J’ai déjà converti un des néophytes des ministres protestants d’Emyrne ; c’est un jeune homme d’une des premières familles : son père est auprès de la reine. » Profitant de l’absence de ce père en mission pour faire porter à la reine une lettre de Mgr de Solages, ce nouveau converti s’adonna à l’alcool et disparut bien vite. Mgr de Solages gagne deux autres catéchumènes malgaches : un « vieux charlatan » et le neveu de la princesse Barra qui le trompe de mille manières et finira aussi par « décamper avec dix piastres d’Espagne et un pantalon neuf. » (Notes de Mgr de Solages)

La miséricorde fait bienveillance envers tous. Elle ne craint pas de perdre un peu pour le salut des âmes car Jésus n’est pas venu pour les bien-portants mais pour les pécheurs. Nul ne sait si ces larrons se tourneront vers le Christ à l’heure de leur mort et entreront avec Lui en paradis. La miséricorde est patiente, bonne. Elle ne cherche pas son intérêt et ne s’irrite point. Elle ne tient pas compte du mal, ne prend pas plaisir à l’injustice mais se réjouit de la vérité. La miséricorde excuse tout, elle supporte tout. (cf. 1 Corinthiens 13,4)

La miséricorde ne compte pas les dépenses pour le salut des âmes. Elle sait quel sacrifice le Père des Cieux consentit pour œuvrer à la rédemption des hommes. Il sacrifia son Fils Unique. Aussi la miséricorde sait que le prix a déjà été payé et connaissant aussi la victoire de la résurrection, elle ne désespère jamais.

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Prière de Carmélites à Madagascar en 2016

« Détrompez-vous, malgré tout ce que je viens de vous écrire, je suis loin de croire que j’ai fait une démarche inutile en venant dans ce pays ; je suis certain que c’était la volonté de la Providence que j’entreprisse ce voyage, sans trop savoir quel en sera le dénouement. » (Lettre de Mgr de Solages à Mgr Dalmond, datée du 12 août 1832).

Voilà l’espérance du missionnaire : savoir que la Providence œuvre à travers lui.

Le Pape François nous le rappelle : « Comme nous ne voyons pas toujours [les fruits] ces bourgeons, nous avons besoin de la conviction que Dieu peut agir en toutes circonstances, même au milieu des échecs apparents, car « nous tenons ce trésor en des vases d’argile » (2 Corinthiens 4,7). Celui qui se donne et s’en remet à Dieu par amour sera certainement fécond. Cette fécondité est souvent invisible, insaisissable, elle ne peut pas être comptée. Nous savons seulement que notre don de soi est nécessaire. » (E.G. 279)
C’est le don de sa vie que fit Mgr de Solages et qui porte aujourd’hui l’Église de Madagascar à se donner elle-même comme offrande à la miséricorde divine.

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Souvenir de la Journée diocésaine des Jeunes 2016 à Vatomandry

« Je vous dirai même que j’ai plus gouté de véritables satisfactions en Dieu depuis que je suis ici, que pendant tout mon séjour à Bourbon, et j’avancerai plus dans l’esprit de notre saint état dans ce pays d’incroyants en un mois, plus que je ne l’aurais fait pendant des années dans une colonie ; ce sont là des grâces d’état que Dieu accorde à tous ceux qui se dévouent à ce genre de ministère, et que l’on ignore dans les colonies. » (Lettre de Mgr de Solages à Mgr Dalmond)

Ce genre de ministère est celui de la première annonce de la miséricorde divine. Dieu adoré comme le créateur est descendu sur Terre pour se faire connaître à travers son Fils comme un Père de miséricorde. C’est cette œuvre d’amour pour l’homme qui pousse le missionnaire à élargir ses horizons et à aller aux périphéries.

Que deviennent ces colonies qui ont déjà entendu le message du Christ et qui semblent durement jugées par Mgr de Solages ? Elles ne sont qu’invitées à quitter leur piédestal pour s’ouvrir à la miséricorde divine. L’élan de la miséricorde ne peut pas entrer dans un cœur replié sur lui-même et enfermé dans son orgueil. La miséricorde ne s’installe que dans les cœurs de pauvres qui se reconnaissent pécheurs. C’est alors que la miséricorde œuvre dans nos cœurs et se propage hors de nos frontières connues. C’est alors que l’Esprit Saint dans les épreuves et les tribulations de la mission nous offre de véritables consolations (2 Corinthiens 8,2) non pas recherchées pour elles-mêmes mais reçues comme grâces dans notre configuration au Crucifié ressuscité d’entre les morts pour le salut du monde.

« Il me tarde beaucoup d’avoir de vos nouvelles ; tenez ferme pour tout ce qui est pour le bien de la religion ; il faut défendre les principes et savoir mourir sur la brèche ; donnez de mes nouvelles à [la communauté de] Saint-André. » (Lettre de Mgr de Solages à Mgr Dalmond)

Loin de se désintéresser ou de rejeter les colonies, Mgr de Solages prend soin de demander des nouvelles et faire connaître l’avancée de sa mission, se confiant surement à la prière de la communauté chrétienne qui ne l’oubliait pas.

Le saint est un communicateur de la joie et de la miséricorde. Il encourage la communauté et s’inquiète pour tous ceux qui œuvrent aux desseins de Dieu.

La miséricorde n’oublie personne et engage tout le monde à naître à la miséricorde et mourir sur la brèche de la miséricorde revivant ainsi le mystère divin de l’incarnation et de la Passion, œuvres suprêmes de la miséricorde. Dieu ouvre une brèche dans notre suffisance et notre indifférence. Il vient creuser en nous le désir du salut. Sa miséricorde est un combat, où la mort dans le don de soi se fait victoire par la résurrection et signe de la miséricorde. Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé.
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En regardant Mgr de Solages se mourant de soif, de faim et de fièvre, c’est le Christ Crucifié que nous regardons et nous redisons avec l’apôtre Jean : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné pour que nous soyons appelés enfants de Dieu » (1Jn 3,1). Mgr de Solages est martyr de la charité apostolique.

« Ayez donc bonne confiance, Madame. Il ne se trouve pas dans votre pays un étranger qui cherche plus que moi à lui faire du bien et il n’y a personne qui vous aime comme moi, et je peux vous prouver mon affection inaltérable. » (Lettre de Mgr de Solages à Ranavalona Reine de Madagascar, datée du 26 septembre).

Arrêté à Andovoranto, prisonnier, sans réponse de la reine à ses lettres, Henri de Solages verra ses jours se terminer là, demeurant dans une grande bienveillance envers Madagascar et sa reine.

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Jusqu’au bout, l’envoyé de la miséricorde a soif de partager cette offrande que le Christ a faite de lui-même. Il s’est fait don de miséricorde pour la multitude.

Épuisé sur la croix, le Christ avait soif de pardonner à tous et même aux larrons à côté de Lui. Partageant leur misère, Il expira dans ce désir de miséricorde. C’est cette même affection qui habite Mgr de Solages. Comme saint Paul qui s’efface pour laisser parler le Christ à travers lui, le disciple-missionnaire de la miséricorde peut dire : « Quant à moi, je suis déjà offert en sacrifice, et le moment de mon départ approche. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi : désormais m’est réservée la couronne de la justice, que m’accordera en ce jour-là le Seigneur, le juste Juge, et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront chéri son apparition. » (2 Tm 4, 6-8)

 

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Mgr de Solages arriva à Toamasina en 1832. Trente ans plus tard, à l’avènement du roi Radama II, liberté fut donnée à la prédication chrétienne qui n’alla pas sans mal avec les guerres franco-malgaches de la fin du siècle. En 1896, Toamasina faisait partie du vicariat apostolique du Centre. En 1939, Toamasina devient vicariat apostolique et diocèse le 14 septembre 1955. Il est élevé au titre d’archidiocèse le 26 février 2010. C’est Mgr Désiré Tsarahazana qui en est l’épiscope depuis novembre 2008.

NB : Cet écrit est un travail individuel avec une interprétation personnelle des livres biographiques écrits sur Mgr de Solages [1] . En plus de faire découvrir d’un point de vue spirituel la figure de ce missionnaire, c’est une occasion d’encourager les liens entre le diocèse d’Albi et celui de Toamasina en reprenant conscience de l’élan missionnaire qui habite tous les chrétiens.

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[1] GOYAU Georges, Les Grands desseins missionnaires d’Henri de Solages, Plon, Paris, 1933 et Un missionnaire martyr – Henri de Solages, Paris, 1932

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